Manon, de la librairie L’Attrape-Cœurs (Paris)
J’ai 31 ans (trois quart), et comme beaucoup de personnes, j’ai vu partir plein de proches autour de moi. Certains avaient atteint l’âge qui nous permet de relativiser, le fameux « c’est dans l’ordre des choses ».
Et puis il y a les autres, arrêtés en plein vol par la maladie qu’on n’ose même plus citer tant elle rôde. On ne voudrait surtout pas la convoquer en prononçant son nom.
Ceux-là en plus du vide, du manque, du chagrin, partent en laissant derrière eux un gouffre rempli de sentiment d’injustice, de colère. Et puis petit à petit tout cela se solidifie, et au-dessus de ce gouffre se crée une couche bien dure de résignation.
Alors quand arrive le deuil suivant, on ne sait plus quoi faire d’autre que d’être résigné.
Je suis très résignée moi. Tellement que j’en viens maintenant à oublier de ressentir le manque, le chagrin, l’injustice et la colère. Parce que la résignation, ça fait moins mal.
●
Dans « Sortir au jour », Amandine Dhée nous parle de la mort et du deuil, entre autres, mais surtout.
Ce texte je l’ai lu d’une traite, je l’ai trouvé extrêmement juste, beau, doux et même drôle. Mais je l’ai lu comme une lectrice, comme une libraire. Avec de la distance et un regard très esthétique. Je crois qu’encore une fois mon cerveau a voulu prendre de la distance.
Et puis j’ai refermé le livre.
Et tout est remonté. Les visages, le manque, la colère et les larmes.
L’apaisement.
●
J’ai repensé à toutes celles et ceux qui sont parti·es, toutes les salles froides et impersonnelles où j’ai dû leur dire au revoir, les mises en bière qui me terrifient, les sanglots de mes proches qui résonnaient sur les murs vides, les tombes que je ne veux pas visiter, les jardins des souvenirs… et je me suis rappelé que c’était important de penser à tout cela, une fois de temps en temps. Que c’était important de m’autoriser à penser que rien n’était juste dans ces histoires, mais que la vie continuait.
●
Alors c’est peut-être le pire argument pour vous conseiller de le lire, mais ce sera le mien : Amandine Dhée a réussi à me faire affronter mes émotions.
Merci à elle.