« Maquis » dans l’Humanité du 10 février 2011 par Jean Ortiz
Un article de Jean Ortiz à propos de Alfons Cervera et de son ouvrage Maquis, paru dans la tribune Mémoire du journal l’Humanité du 10 février 2011, dont nous partageons amplement le point de vue.
ESPAGNE, L’HÉROÏSME DES « VAINCUS »
Un article de Jean Ortiz à propos de Alfons Cervera et de son ouvrage Maquis, paru dans la tribune Mémoire du journal l’Humanité du 10 février 2011, dont nous partageons amplement le point de vue.
ESPAGNE, L’HÉROÏSME DES « VAINCUS »
Il est temps de consacrer au romancier espagnol Alfons Cervera toute la place qu’il mérite : le premier plan. Son déchirant roman Maquis, best-seller en Espagne, vient d’être traduit en français. La première phrase en est la clef : « J’en sais long sur la peur. Je suis un expert en matière de peur. » Maquis, c’est l’histoire des maquis de l’après-guerre d’Espagne, de ces humbles qui continuent à combattre dans les montagnes jusqu’aux années 1950. Le Parti communiste d’Espagne prône alors la résistance armée au franquisme.
Alfons Cervera fut l’un des premiers « écrivains de la mémoire » à mettre en lumière cette sourde résistance populaire. L’univers fictionnel de Maquis est construit à partir de la version des vaincus irréductibles, qui refusent d’abdiquer, d’accepter le silence, la soumission, la terreur. Le groupe de guérilleros, commandé par Ojos azules (Yeux bleus) et la vie quotidienne des villageois de Los Yesares, inventés par l’auteur, immerge le lecteur dans l’insupportable vécu de l’époque, de façon bien plus convaincante que les meilleurs textes historiques. Pourtant, dans les maquis d’Alfons Cervera, on joue de l’accordéon autour du feu de bois, ce qui était strictement impossible pour des raisons de sécurité. Mais malgré tout, les atmosphères du roman correspondent aux souvenirs, aux récits des quelques survivants.
Alfons Cervera n’usurpe pas la voix des bannis ; il porte leurs paroles, leurs douleurs, leur engagement ; un récit collectif. Le temps historique et le temps littéraire s’entrecroisent, la mémoire est rendue au peuple des sans-nom, ceux dont l’héroïsme n’est pas grandiloquent. Engagé, le roman l’est aussi par la qualité d’une écriture poétique dont la beauté reflète celle des personnages ; une littérature « aux yeux bleus ».
Jean Ortiz,
Maquis, d’Alfons Cervera, traduction de Georges Tyras. Éditions La fosse aux ours, 2010, 220 pages, 18 euros.