Zone de l’Union: un psychanalyste loufoque s’était penché sur le cas de l’écoquartier
Un article publié le 21 avril, par Marc Grosclaude
« C’était une de nos plus belles enquêtes. Je l’utilise tout le temps pour expliquer la démarche de la psychanalyse urbaine. L’Union, c’est un cas d’école. » Dans « La Ville sur le divan », paru l’an dernier, Laurent Petit raconte comment il a mis des villes sur le divan pour en percer les névroses et leur permettre d’assumer leur passé. Et l’une des consultations de ce thérapeute urbain l’a conduit à faire étape dans la zone de l’Union. Une étude sérieusement drôle, rigoureusement barrée.
Un article publié le 21 avril, par Marc Grosclaude
« C’était une de nos plus belles enquêtes. Je l’utilise tout le temps pour expliquer la démarche de la psychanalyse urbaine. L’Union, c’est un cas d’école. » Dans « La Ville sur le divan », paru l’an dernier, Laurent Petit raconte comment il a mis des villes sur le divan pour en percer les névroses et leur permettre d’assumer leur passé. Et l’une des consultations de ce thérapeute urbain l’a conduit à faire étape dans la zone de l’Union. Une étude sérieusement drôle, rigoureusement barrée.
Quand il a dû se penchersur la zone de l’Union, c’était en… 2008. « La SEM Ville Renouvelée voulait mettre en scène l’inauguration de la zone. C’était un vrai terrain vierge. Ils cherchaient un moyen de donner de l’envergure à la pose de première pierre. À l’époque, je travaillais avec un collectif d’architectes, Exyzt. Lors des repérages, ils ont vu qu’ils ne pourraient rien faire car ils faisaient des projections vidéo sur les murs. Mais il n’y en avait pas ! Alors ils m’ont dit : Pourquoi tu ne ferais pas une psychanalyse urbaine ? C’était parti. »
Depuis, Laurent Petit soumet les villes à son analyse psychanalytique, tente de remonter dans leur passé refoulé pour comprendre leurs maux d’aujourd’hui. Mais pour la zone de l’Union, c’était différent. « Je suis non seulement né à Roubaix, mais ma mère et ma grand-mère aussi. J’ai plusieurs fois éprouvé l’étrange sensation de me psychanalyser moi-même. » Proximité dangereuse, risque de « transfert » dirait un vrai thérapeute. Mais il a quand même mené la démarche à son terme.
« Le plus rocambolesque dans cette histoire, c’est qu’on s’était penché sur un territoire qui n’était même pas né. Ce n’était alors qu’un ambitieux projet de développement d’un no man’s land qui avait été joliment baptisé zone de l’Union et que nos commanditaires espéraient voir naître et se développer autour de l’activité textile innovante, avec par exemple des grands projets d’unité de fabrication de combinaisons de cosmonautes ignifugés, de soutiens-gorge à air comprimé, de caleçons blindés, de tee-shirts en bois, de justaucorps qu’on enfilerait sur un bouton… » On imagine que, face à ce point de départ, ceux qui ont pu entendre et lire l’analyse du psychanalyste urbain aient été décontenancés.
Laurent Petit nourrit un regret. « Habituellement, on refait les présentations de conférences. Mais pour la zone de l’Union, on ne nous a jamais redemandé de passer », si ce n’est il y a un an à l’invitation d’une association lilloise, les Saprophytes, qui avait lancé l’idée de recréer des jardins ouvriers. « Cela fait du reste partie des traitements que l’on préconise », explique le psy. Et bizarrement, « on n’a pas été réinvité, pour l’inauguration du CETI par exemple. Je ne sais pas si ça a été très bien apprécié. » On dira que le patient a été trop remué par cette analyse. « C’est peut-être aussi parce que c’est un humour qui ne plaît pas à tout le monde. Il y a un côté loufoque… » Non !
Laurent Petit n’a plus remis les pieds dans la zone de l’Union. Et la première chose qu’il demande, c’est de savoir « s’ils ont créé des restaurants, des estaminets », comme il l’évoquait déjà dans son chapitre consacré à ce territoire. En dehors de Salah, rien de neuf sous le soleil voilé par les nuages de poussière soulevés par les engins de chantier. Des travaux ? La ruche d’entreprises sort de terre, Kipsta n’est plus qu’une ébauche de projet. « De l’acné juvénile », diagnostique le thérapeute urbain. « On l’avait pourtant dit, il y a cinq six ans : il fallait créer de la vie sociale avec de petites échoppes, des baraques à frites. C’est crucial ! Même au CETI ils ne mangent que des plateaux-repas. Ils n’ont pas de salle de convivialité et déjeunent dans leurs bureaux et font des taches de gras sur leurs papiers… On n’a pas été entendus. » Il ne serait pas le premier médecin dont les patients lisent à leur guise l’ordonnance…