Collectif – 2016

itinéraire

Kamil Hatimi
Un pays entre ombre et lumière
MAROC
« Comme si sa vie, son existence entière, pouvait se réduire à cette équation à deux entrées : être marocain ou serbe.  »
Lorsque Dragan Chenah, journaliste à la Houlette Casablancaise (ou « star des ragots » à la solde du régime) découvre qu’il a perdu la faculté d’écrire, il entame une psychanalyse qui le précipite dans les zones sombres de son passé. Porté par une ironie féroce et un humour sarcastique, ce premier roman de Kamil Hatimi nous plonge de manière attachante et troublante dans le subconscient de cet homme mi-serbe mi-marocain en quête d’identité, tout en dressant sur fond d’attentat un portrait aussi sublime et lumineux que cruel et terrifiant du Maroc d’aujourd’hui. Le romancier, né à Rabat de mère allemande et de père marocain, y interroge également la place de la presse dans un monde contemporain « hyperconnecté à l’information » et au nécessaire recul que demande l’analyse de l’Histoire en marche.
Bibliographie : La Houlette (Elyzad, 2015)

 

Sara Rosenberg
La mémoire en résistance
ARGENTINE
« Nous continuons dans le registre de l’utopie afin de transformer la souffrance en action, en littérature, en vie. »
Composé avec l’Histoire amère de l’Argentine contemporaine, le premier roman de Sara Rosenberg, empreint de son expérience personnelle de militante et de prisonnière politique, est un puzzle narratif, polyphonique et labyrinthique : un fil rouge qui nous entraîne avec justesse sur les traces d’une jeune femme engagée dans l’action révolutionnaire des années 1970 et qui déroule, au grès des témoignages, une mémoire collective marquée par la dictature, la compromission, la culpabilité et l’absence. Scénariste et dramaturge, l’auteure aborde également dans sa pièce de théâtre Ceci n’est pas une boîte de Pandore les questions sociales qui touchent actuellement le monde du travail et signe pour les jeunes lecteurs hispanophones La isla Celeste : une fable poétique et colorée sur le désir, l’ambition, l’écologie et la solidarité.

Bibliographie : Contre-jour (La Contre Allée, 2017), Ceci n’est pas une boîte de Pandore (Meet, 2014), Un fil rouge (La Contre Allée, 2012)

Geoffrey Squires
L’art du mouvement
IRLANDE
« On ne peut pas être sans être peuplé d’histoires : sans être chacun un peuple de mots »
Multiplicité des voix et des approches, cosmopolitisme, innovation formelle héritée du « Black Mountain College » : le premier recueil de Geoffrey Squires, Pierres Noyées, provoque une rupture avec la poésie traditionnelle irlandaise. Entre les souvenirs de Californie, les excursions dans le désert iranien et les fermes de sa terre natale, ce poète du corps en mouvement dans l’espace, de l’évocation des lieux, des horizons et des associations mémorielles, évoque cette façon qu’ont les endroits de nous investir et de creuser notre vide. Paysages et Silences marque quant à lui l’introduction de l’abstraction dans l’écriture à travers le reflet d’une errance européenne : un ouvrage de la perception imparfaite du monde qui emmène le voyageur de la Grèce à l’Espagne, de la France à l’Irlande et jusqu’à l’intérieur de lui-même.
Bibliographie : Pierres noyées (Unes, 2015), Paysages et silences (Unes, 2014), Sans titre (Unes, 2013)

 

Théo Ananissoh
Plaidoyer pour l’Afrique
TOGO
« Nous composons et imaginons sans cesse la vie afin de donner sens à ce que nous sommes et ce que nous vivons »
Portés par des narrateurs ayant, comme lui, quitté l’Afrique pour l’Allemagne, les romans de Théo Ananissoh marient habilement les souvenirs nostalgiques et les virulentes turbulences de son Togo natal au fil d'(en)quêtes identitaires, pudiques et subtiles. Toujours à son image, ses personnages écrivent, trouvant matière à littérature en terre africaine : des retours aux sources élaborés à la lisière du polar, du conte, du témoignage et du récit autobiographique qui interrogent la notion d’exil et révèlent, sur fond de crimes politiques, un état des lieux du continent, lucide et ténébreux mais néanmoins rempli d’espoir. Dans un hommage éclairé, Le soleil sans se brûler, l’écrivain revisite également la vie du romancier congolais Sony Labou Tansi, restituant avec humilité la vérité d’une gloire littéraire déchirée.
Bibliographie : Le Soleil sans se brûler (Elyzad, 2015), L’Invitation (Elyzad, 2015), Ténèbres à midi (Gallimard – Continents noirs, 2010), Un reptile par habitant (Gallimard – Continents noirs, 2007), Dernières nouvelles du colonialisme (Vents d’ailleurs, 2006), Lisahohé (Gallimard – Continents noirs, 2005), New London House (Haho, 2000)

 

Eun-Ja Kang
Saisir l’âme du français
CORÉE DU SUD
« Le français est entré dans ma chair et dans mon âme. je trouverai dans sa profondeur ce que je cherche. »
Durant sa jeunesse, passée dans les campagnes reculées de Corée du Sud, Eun-Ja Kang ne sait pas encore ce qu’elle recherche. Mais l’adolescente, éperdument éprise du Petit Prince, sent que c’est dans la langue de Saint Exupéry qu’elle le trouvera. Empruntant les voies tortueuses de la sagesse bouddhiste dans une première fable impertinente sur l’amour et son renoncement (Le bonze et la femme transie), la romancière noue avec Les Promis le destin et les sentiments de deux êtres « fiancés par traditions » dans un Japon en proie à la terrible crise des années 1930. Par delà le récit de son enfance, c’est son parcours singulier et sa vocation d’auteur francophone qu’elle retrace à travers les pages de son dernier ouvrage où labeur, espoir et ténacité révèlent une écriture épanouie dans ce qu’elle a d’Etrangère, d’ample et d’infini.
Bibliographie : L’Etrangère (Seuil, 2013)Les Promis (Fayard, 2005), Le bonze et la femme transie (Fayard, 2003)

 

Pablo Martín Sánchez
En jeu d’écriture
ESPAGNE
« Après Jorge Luis Borges, il faut se méfier d’absolument tout. »
ex-comédien, ex-chercheur, ex-athlète, Pablo Martin Sanchez devient écrivain lorsqu’il découvre l’OuLiPo (et plus particulièrement l’oeuvre de George Perec). Avec son bien nommé recueil de nouvelles Frictions, puzzle littéraire borgésien et jubilatoire, l’écrivain espagnol provoque des rencontres insolites et se joue des formes pour mettre en scène des univers décalés et mystérieux. Ainsi, entre fantastique, antidote et autofiction, ces 27 récits nous entraînent au devant de chutes aussi vertigineuses et terribles que joyeuses et saisissantes : Roberto Bolano sort des toilettes, la Mort en jeans frappe à la porte et Nemesio naît le jour où Armstrong marche sur la Lune ! Un ensemble humoristique, expérimental, surréaliste et postmoderne où l’unité de style vient précisément de la diversité et de la pluralité des genres.
Bibliographie : Frictions (La Contre Allée, 2016)

 

Bruno Arpaia
Dans les failles de l’histoire
ITALIE
« La littérature rend de la profondeur au temps, elle permet de ne pas oublier et de continuer à penser l’avenir. »
C’est à travers les pages de Dernière frontière, fresque tragique d’une époque révolue, que Bruno Arpaia dessine pour la première fois la figure de Laureano, jeune combattant républicain espagnol, dont la trajectoire vient percuter celle du célèbre philosophe Walter benjamin dans les années sombres du nazisme. A l’aube de l’insurrection asturienne, le romancier entraîne de nouveau son personnage révolutionnaire au coeur d’une lutte initiatique où passion, amertume et temps perdu se confrontent à la vie comme une réflexion constante posée sur le passé, la transmission et l’oubli. Loin de la province d’Oviedo, l’écrivain napolitain nous projette aujourd’hui des bas-fonds de sa ville natale à la touffeur du Mexique dans une enquête noire et singulière, sur les traces d’un insaisissable mafieux et de la « varier bataille » à mener.
Bibliographie : Avant la bataille (Liana Levi, 2015), Du temps perdu (Liane Levi, 2003), Dernière frontière (Liana Levi, 2002 et Piccolo, 2005)

 

Jean Rouaud
le passé (re)composé
FRANCE
« L’écriture est un exercice spirituel, elle aide à devenir libre. »
Après une entrée remarquée en littérature avec Les Champs d’honneur, peinture juste et délicate de ses ancêtres à l’heure de la Grande guerre primée par le Goncourt en 1990, Jean Rouaud poursuit la construction d’un cycle romanesque autobiographique retraçant, dans une géographie poétique intérieure, l’Histoire collective, la mémoire familiale, les souvenirs d’enfance et les méandres du passé. S’attachant à rendre le monde sensible, l’écrivain se plaît aussi à diversifier ses domaines d’expression à travers l’écriture d’essais, d’ouvrages illustrés, de pièces de théâtre, de chansons. Il innove une fois de plus en signant Tout paradis n’est pas perdu : un recueil de cinquante-deux chroniques parues dans l’Humanité en 2015 qui interroge la notion de laïcité dans un portrait lucide et courageux de notre société contemporaine.
Bibliographie : Tout paradis n’est pas perdu (Grasset, 2016), Misère du roman (Grassset, 2015), Être un écrivain, la vie poétique 4 (Grasset, 2015), Un peu la Guerre, la vie poétique 3 (Grasset, 2014), Éclats de 14 (Dialogues, 2014), Manifestation de notre désintérêt (Climats, 2013), Une façon de chanter, la vie poétique 2 (Gallimard, 2012), Comment gagner sa vie honnêtement, La vie poétique 1 (Gallimard, 2011)

 

Louise Warren
La pensée du poème
QUEBEC
« Le poète se fait le récepteur et l’émetteur de tous les battements du onde, de ses forces et de ses effondrements. »
Archéologue et cartographe du réel, attentive à chaque mouvement de l’instant, Louise Warren aime collectionner, archiver et inventorier. Depuis son prier titre, L’Amant gris, la poétesse fouille cette intensité du présent, capte les multiples facettes des objet, des paysages, des êtres et de leurs gestes pour en déceler des bribes de vide et des fragments de vérité qu’elle juxtapose dans des recueils et des anthologies mêlant finesse, intimité et subtilité. Toujours en parcourant et en interrogeant les lieux, le corps, le poème et la pensée d’où l’écriture surgit et s’exprime, l’auteure québécoise poursuit également une réflexion sur la création à travers des essais « hybridement poétiques » dans une quête constante de la formule juste, de l’équilibre sonore et visuel, de la précision du regard et de la maîtrise des émotions.
Bibliographie : Voir venir la patience (Le passage, 2014), Anthologie du présent (Le Passage, 2012), Une pierre sur une pierre (L’Hexagone, 2006), Une collection de lumières, poèmes choisis 1984-2004 (Typo, 2005), La vie flottante. Une pensée de la création (Le Noroît, 2015), Apparitions. Inventaire de l’atelier (Nota bene, 2012), Attachements. Observation d’une bibliothèque (L’Hexagone, 2010)

Inventaire