Collectif – 2013

itinéraire

Laura Alcoba

Mémoires clandestines
ÉCRIVAIN . ARGENTINE

« La langue espagnole me touche énormément, je suis très sensible à sa musique, elle par vient à m’émouvoir comme aucune autre. Mais j’écris en français, c’est ainsi… »
En Argentine, à l’époque sinistre de la « guerre sale », Laura Alcoba n’a que sept ans. Son enfance volée sous la dictature militaire, la romancière nous la dévoile par petites touches sensibles dans son premier ouvrage Manèges, Petite histoire argentine dans lequel les souvenirs, évoqués avec justesse, témoignent de la terreur d’un enfant et révèlent toute la violence absurde des événements. Dans Les Passagers de l’Anna C., elle relate l’expédition d’une poignée de jeunes guérilleros argentins quittant clandestinement leur pays pour rejoindre Che Guevara. Mêlant évocations familiales, historiques et fiction romanesque, l’auteur retrace le voyage initiatique d’une jeunesse fervente prête à se sacrifier pour la Révolution et reconstitue l’Histoire à partir des souvenirs de ses parents et des rares survivants de cet incroyable périple.

Bibliographie : Les Passagers de l’Anna C. (Gallimard, 2012) ; Hong Kong en Valois, dans Ça ne veut pas rien dire (Meet – maison des écrivains étrangers et des traducteurs, 2012) ; Jardin blanc (Gallimard, 2009) ; Manèges, Petite histoire argentine (Gallimard 2007, traduction anglaise The Rabbit House et adaptation radiophonique, BBC 2010). En tant que traductrice : Les Travaux du Royaume, de Yuri Herrera (Gallimard, 2012)

 

Muriel Dialo

D’histoires en esquisses
ÉCRIVAIN . CÔTE D’IVOIRE

« Mon histoire n’est pas unique. Elle est une preuve de la cohésion possible entre l’oralité, l’écrit et l’image… »
Née à Boundiali en Côte d’Ivoire, Muriel Diallo est à la fois peintre, illustratrice, auteur de livres pour enfants, conteuse et romancière. Très tôt, elle choisit de s’engager socialement au service de la jeunesse et des femmes pour promouvoir la littérature et faire accepter les différences, questionnant avec réalisme et délicatesse la peur de l’autre et ses particularités. Au fil de ses magnifiques illustrations, dans le chatoiement des couleurs et la sensibilité des images mêlant tissus, collages, dessins et assemblages, l’artiste nous fait voyager entre rêve et réalité, entre mélancolie et drôlerie. C’est à travers sa propre histoire et les trois éléments qui l’ont bercée – la forêt, la savane et le désert – que la conteuse est née, empruntant les chemins de l’Afrique pour nourrir et partager son univers singulier et poétique.

Bibliographie : Yozakura, la fille du cerisier (Vents d’ailleurs, 2012); Toclo toclo et la fille Tête-en-l’air (Vents d’ailleurs, 2011) ; La femme du Blanc (Vents d’ailleurs, 2011) ; Simaga, le cheval sans papiers (Vents d’ailleurs 2008) ; Le mineur et le boulanger (Vents d’ailleurs, 2007) ; Aïda et l’arc-en-ciel (L’Harmattan, 2003) ; La femme-arbre et le chasseur (L’Harmattan, 2001) ; Le Peintre maudit (Hurtubise, 1998)

 

Naïri Nahapétian

Une voix au chapitre
ÉCRIVAIN . IRAN

« Quand les gens se parlent en Iran, c’est très affectueux et pour retranscrire cette fraternité… il me fallait les mots persans. »
Plaçant pour la première fois l’Iran sur la carte mondiale du roman policier, Naïri Nahapétian, également journaliste et essayiste, fait de sa littérature un moyen d’explorer les différentes facettes de son pays d’origine : son Histoire, ses odeurs, ses contours, ses états d’âme mais aussi ses contradictions et ses paradoxes. À travers des meurtres et des intrigues, la romancière dresse le tableau sombre et désenchanté de cette société placée sous l’emprise d’un pouvoir tyrannique. Dans son polar-documentaire Dernier refrain à Ispahan, des femmes soumises à de terribles humiliations se dressent telles des Antigone modernes pour incarner la rébellion dans un Iran où chanter en public leur est interdit. Dans un style dépouillé, déterminé et réaliste, l’auteur réussit à dévoiler les visages et les voix de ces âmes en quête de libertés.

Bibliographie : Dernier refrain à Ispahan (Liana Levi, 2012) ; Qui a tué l’ayatollah Kanuni ? (Liana Levi 2009, Point 2013) ; L’usine à vingt ans (Arte éditions – Les Petits Matins, 2006). En tant que journaliste free-lance, elle a réalisé de nombreux reportages en Iran (Revue Arabies, Le Journal de Genève, Le Nouveau Quotidien, Politis, Charlie hebdo…) et travaille actuellement pour la revue Alternatives Economiques.

 

Dominique Fabre

De petits riens en majuscules
ÉCRIVAIN . FRANCE

« Je suis curieux de savoir ce que pensent un homme, une femme. J’ai la conscience qu’on est tous de la même pâte : c’est une base de l’écriture. »
Dominique Fabre grandit dans un milieu difficile où la littérature est un luxe et où les livres se font rares. C’est donc en autodidacte acharné qu’il se passionne pour les lettres, consacrant ses ouvrages aux anonymes auxquels il donne la parole, toujours pour évoquer les écorchures qui rythment leurs vies ordinaires. L’absence du père, la famille d’accueil, la banlieue : l’enfance de l’écrivain rejaillit elle aussi au fil de ses textes, d’une simplicité et d’une poésie rares. Parmi ses personnages, silhouettes entraperçues à Clichy, Asnières ou porte d’Ivry, certains fuient, usés d’entendre les mêmes rengaines quand d’autres meurent d’ennui. Virtuose des descriptions minutieuses et des accords mineurs, le romancier croque le temps qui passe en véritable guetteur du quotidien et saisit avec subtilité les presque riens d’une vie.

Bibliographie : Des nuages et des tours (L’Olivier, 2013) ; Il faudrait s’arracher le cœur (L’Olivier, 2012) ; J’aimerais revoir Callaghan (Fayard, 2010) ; Avant les monstres (Cadex, 2009) ; Les prochaines vacances (Chemin de fer, 2008) ; J’attends l’extinction des feux (Fayard, 2008) ; Les types comme moi (Fayard, 2007) ; La serveuse était nouvelle (Fayard, 2005) ; Pour une femme de son âge (Fayard, 2004).

 

Vincent Tholomé

Une langue en mutation
ÉCRIVAIN . BELGIQUE

« Impossible pour moi de concevoir un livre sans tester et expérimenter les outils inventés en atelier. »
À voix nue ou traficotée, samplée, multipliée électroniquement, sur scène, dans la rue ou lors de festivals, les textes de Vincent Tholomé prennent littéralement corps devant nous. Retour aux sources de la transmission orale, communications impossibles ou malentendus, le performeur et improvisateur belge peut aussi bien faire converser des oiseaux et des fantômes que des enfants et des islandais dans une langue « inventée, élémentaire et archaïque ». Quant à lire le poète, cela s’apparente à vivre bon nombre d’expériences : arrangement subtil et étonnant entre fiction artistique, théâtre, jeu de rôles, narration et poésie ; méthode de composition par le hasard ; incursion dans des « steppes imaginaires » ou encore poème anthropophage de longue haleine… une vaste plongée dans un langage atypique et polyphonique en perpétuelle mutation.

Bibliographie : Cavalcade (Rodrigol, Le Clou dans le Fer, 2012) ; Histoire secrète des prairies du Nord-Est asiatique (Publie.net, 2010) ; La Pologne et autres récits de l’Est (Le Quartanier, 2010) ; People (Maelström, 2007) ; Kirkjubaejarklaustur (Le Clou dans le Fer, 2009) ; The John Cage experiences (Le Clou dans le Fer, 2007) ; tout le monde est quelqu’un (Rodrigol, 2007) ; Bang! (Carte Blanche, 2000).

 

Abdelkader Djemaï

Impressions arabesques
ÉCRIVAIN . ALGERIE

« Un écrivain, c’est quelqu’un au milieu des autres, qui a des mots et porte un livre qu’il a en lui. »
Né à Oran en 1948, Abdelkader Djemaï est l’auteur de nombreux romans, de récits de voyages et de recueils de nouvelles dans lesquels le tendre et le tragique se côtoient et s’entrecroisent. Visant l’essentiel, son écriture, qu’il veut simple et attentive aux autres, tente d’être au plus près de la réalité à travers les histoires de gens ordinaires confrontés à un monde pas toujours tranquille. Paisible ou violente, l’Algérie est souvent là, nichée dans ses textes qui nous conduisent auprès de ceux que la vague de l’Histoire a oubliés au bord de la vie et non aux côtés des héros dressés sur leurs certitudes. De livre en livre, poursuivant avec poésie, pudeur et tendresse une œuvre très largement consacrée à l’exil et à l’émigration, l’écrivain aime à retrouver le vrai et l’intime, et tous ces petits riens qui donnent chair au souvenir.

Bibliographie : Cavalcade (Rodrigol, Le Clou dans le Fer, 2012) ; Histoire secrète des prairies du Nord-Est asiatique (Publie.net, 2010) ; La Pologne et autres récits de l’Est (Le Quartanier, 2010) ; People (Maelström, 2007) ; Kirkjubaejarklaustur (Le Clou dans le Fer, 2009) ; The John Cage experiences (Le Clou dans le Fer, 2007) ; tout le monde est quelqu’un (Rodrigol, 2007) ; Bang! (Carte Blanche, 2000).

 

Makenzy Orcel

Les cris de l’ombre
ÉCRIVAIN . HAÏTI

« Je ne veux pas écrire sur ce que tout le monde voit et ce que tout le monde aime, ça ne m’intéresse pas. Je veux être dans le sous-bassement des choses. »
Makenzy Orcel est né à Port-au-Prince en 1983. C’est aux lendemains du tremblement de terre qui a secoué la capitale haïtienne que le poète signe son premier roman Les Immortelles. En quelques phrases épurées l’auteur donne voix et corps aux putains défuntes sous les décombres de béton et révèle une langue de la rue réinventée, incisive, belle et féroce. Un roman pour dire la fureur de vivre malgré l’épouvante autant que pour livrer le plus insolent témoignage face à l’apocalypse. Dans Les latrines, métaphore d’une société aux prises avec ses failles et ses démons, l’auteur nous plonge à nouveau dans les bas-fonds de sa ville natale. À l’ombre de ces lieux délabrés, là où la misère fait rage, les langues se délient et les voix se répondent en écho, graves ou intimistes, à la recherche de leur histoire, de leur conscience, de leur identité.

Bibliographie : L’autre côté du triangle (nouvelle publiée dans l’anthologie L’Afrique qui vient, Hoëbeke, 2013) ; Les Immortelles (Zulma 2012, Mémoire d’Encrier 2010, Prix Thyde Monnier de la Société des Gens de Lettres) ; Les latrines (Mémoire d’Encrier, 2011) ; À l’aube des traversées et autres poèmes (Mémoire d’Encrier, 2010) ; Sans Ailleurs (Arche, Collectif, 2009) ; La Douleur de l’étreinte (Deschamps, 2007).

 

Ryoko Sekiguchi

Écrire l’autre versant.
ÉCRIVAIN . JAPON

« En tant qu’écrivain, mes interrogations sur l’écriture ont changé ; ce n’est plus Que faut-il écrire après une catastrophe ? mais Qu’est-ce que les gens ont besoin de lire ? »
Illustrant à merveille la porosité entre littératures française et nipponne, chaque recueil de Ryoko Sekiguchi est une réflexion sur les mots, la lecture, la traduction et la gastronomie comme possibles pratiques de la poésie. Mais lorsque la catastrophe de Fukushima frappe le Japon, l’impuissance et la colère sont telles que son écriture change. Dans l’urgence et la nécessité de témoigner, l’auteur signe Ce n’est pas un hasard, chronique de ces jours sombres passés à partager le doutes et les angoisses de son peuple. Dès lors, hantée par ces fantômes, la poétesse explore le nouveau goût des mots : être capable de savourer la subtilité de l’âpre, du râpeux, de l’amer et discerner la beauté du monde, aussi effondré soit-il. Des poèmes comme de petites bouchées délicates qui ramènent aux fondements de la vie, aux racines, à l’universel.

Bibliographie : Manger fantôme (Argol, 2012) ; L’astringent (Argol, 2012) ; Ce n’est pas un hasard (P.O.L, 2012) ; Héliotropes (P.O.L, 2005) ; Deux marchés, de nouveau (P.O.L, 2005) ; Calque (P.O.L, 2001) ; études vapeur suivi de série Grenade (Bleu du ciel, 2008) ; Adagio ma non troppo (Bleu du ciel, 2007). Elle a traduit : Pierre Alferi, Atiq Rahimi, Yoko Tawada, Jean Echenoz, Emmanuel Carrère, Gôzô Yoshimasu.

Inventaire