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Un dernier livre avant la fin du monde

De livre en livre, Thomas Giraud dévoile les vies de personnalités habitant différemment la vie. L’écrivain y cherche une spécificité, l’espace pour y accoler ses phrases subtiles. Si on lit Thomas Giraud depuis 2016, on peut se dire que chaque roman touche au plus sensible de la présence des êtres. De l’enfance d’Élisée Reclus à l’utopie échouée de Victor Considerant en passant par le silence de Jackson C. Frank, il creuse et interroge des êtres n’ayant pas forcément réussi une immortalité glorieuse. Avec Bas Jan Ader sortie en 2021, éclaire le plus la propre quête littéraire de Thomas Giraud : questionner dans une vie ce qui produit une présence, ce qui est la sève de l’existence, ce « pourquoi » qui laisse parfois sur le carreau ou transporte jusqu’à l’ultime disparition. La lecture d’Avec Bas Jan Ader confirmera la subtilité exacerbée de l’écrivain, qui n’a jamais autant approché l’équilibre ultime entre ses mots et la vie du personnage évoqué.

Bas Jan Ader aura donc eu une vie attachée aux fantômes. Son travail artistique est une suite de recherche pour sonder sa propre existence. L’artiste cherchait dans ses chutes bien plus que du sensationnalisme ou du gag, il guettait ce qui produisait ce balancement entre la présence et la disparition. En s’attachant au fil des pages à décrire la disparition de Bas Jan Ader, Thomas Giraud creuse une relation particulière avec cette figure. Elle en devient même une abstraction où les mots de l’écrivain épousent parfaitement cette fuite d’un être rattaché au fantôme du père. Cette ultime œuvre de l’artiste néerlandais ne sera jamais achevée, la traversée de l’Atlantique dans un petit bateau nommé Ocean Wavelui coûtera la vie. Thomas Giraud décrit la vie de l’artiste avec la justesse comme une certaine prudence pour faire de Bas Jan Ader un écho à ce que l’écrivain a toujours guetté chez l’autre.

Thomas Giraud semble plus que jamais relié à l’être qu’il décrit. Le simple fait que la narration se fait par le tutoiement de son personnage, mais aussi l’apparition inédite du « je » incite à penser que ce livre n’est pas simplement la suite des portraits proposés depuis 2016. Bas Jan Ader chez Thomas Giraud est bien plus qu’un simple artiste contemporain que certain-e connaisse et admire, mais qui reste une figure méconnue du grand public. Plus que jamais, il n’est absolument pas utile de connaître Bas Jan Ader pour lire ce livre ou même de croire en son existence. L’essentiel de ce roman consiste justement à laisser transparaître chez ce personnage l’idée même d’une présence fugace où l’existence est hantée par des fantômes. Le livre peut aussi se voir comme l’histoire d’un ou de plusieurs fantômes. Le Bas Jan Ader de Thomas Giraud est cette figure longiligne où la présence signale aussi bien une absence qu’une fuite.

France Culture

https://www.franceculture.fr/emissions/l-art-est-la-matiere/bas-jan-ader-artiste-hollandais-1942-1975

Bas Jan Ader peut être résumé par sa quête qui pris de nombreuses formes sous un intitulé devenu mythique «  In search of miraculous » (A la recherche du miraculeux…)

Thomas Giraud écrivain vient de publier aux éditions de la contre allée une conversation imaginaire avec l’artiste. Une conversation c’est trop dire car l’artiste ne lui répond jamais. Disons plutôt une adresse ou il l’entretient de sa vie de ses performances et l’accompagne littérairement sur son petit bateau ocean waves  jusqu’au naufrage… Une des seules fois dit l’auteur : « où avec toi c’est vers le haut que les choses sont tombées »