Les libraires en parlent

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Margot, Librairie Passages (Lyon)



Lecture parlante, marquante, éclairante, stratifiante, et plus encore.

La Machine à lire (Bordeaux)

Quel texte ! Le monde vu dix pieds sous terre, pour être mieux et ainsi mieux comprendre ce que nous ne voyons pas et, de fait, ne comprenons pas… Merci Juliette Mézenc.

Librairie Esperluette (Lyon)

«rien de plus urgent à faire que prendre le temps, prendre le temps de creuser, insister, se faire mineur de fond, c’est ma ferme intention, comme ça que je traverserai les horizons de la terre»

Bassoléa est oppressée par le monde, elle a été exposée à des situations répétés d’enfermement (dans un riad à Marrakech en compagnie d’une cantatrice, avec les enseignements qui lui ont été donnés, au sein d’une ferme restaurée, en hôpital psychiatrique). Elle n’en peut plus de ces mises au vert subies. Aussi elle provoque sa propre expérience de retrait du monde extérieur, en investissant ce qui se passe sous terre. Elle décide littéralement de s’enterrer en concevant une véranda sous-terre, sorte d’extension de sa cave et lieu privilégié de contemplation de tout ce qui se joue au niveau des champignons, bestioles, nécrophores, bactéries, protozoaires, racines et autres radicelles. «Une main sur la tête, une main sur le ventre», elle observe et hallucine de tout ce qui grouille sous elle, de comment les feuilles mortes se transforment en humus. Elle s’escrime «à traduire dans le monde des humains l’art de vivre des microbes» nous plongeant dans «une immersion complète dans les sciences de la vie et de la terre».

Bassoléa nous livre une critique sans appel de notre société consumériste avec le travail comme point de centralité «on continue tous à travailler comme des dingues, à travailler toujours plus pour enlaidir toujours plus et bousiller toujours plus, et tout ça pour faire tourner l’économie». Et s’insurge contre cette difficile sortie du tout-travail, «c’est la peur qui leur ment, la peur de sortir de l’ornière qui a pris le forme de leur corps, à force, et c’est pourquoi ils n’ont plus le temps de se nourrir correctement, le temps d’aimer n’en parlons pas, même les morts ils n’ont plus le temps de les accompagner, il faut que ça aille vite, au pas de charge, ils n’ont pas que ça à faire, ils sont bien trop occupés à tuer la vie aux quatre coins de la planète».

Bassoléa prolonge son questionnement autour du corps qu’elle va laisser à sa mort, souhaitant ne laisser aucune trace de son passage sur terre. Ne souhaitant absolument pas finir dans un caveau, elle s’imagine «se fabriquer une chair tendre avec et par la danse» de sorte à se rapprocher d’un corps bio, recyclable et qui n’empoise pas ces petits habitants qui peuplent le monde souterrain («mettons que je meure le corps plein à craquer de psilos et donc de psychotropes, qu’est-ce que ça fera aux microbes?).

L’écriture est constituée d’une suite ininterrompue d’idées qui s’enchainent, comme un flot continu matérialisé par un très faible recours au point. Les virgules quant à elles rythment le texte tout en amenant des micro respirations. Le texte se prêt particulièrement bien à la lecture à voix haute. Le texte étant court, c’est d’ailleurs vivement recommandé de l’approcher ainsi.

Une ôde au vivant, aux petites bêtes, à la petite vie qui compose le dessous du monde.

«respirer c’est l’affaire de toute une vie, respirer c’est l’affaire, la grande affaire de la vie, ce n’est pas rien, c’est phénoménal, c’est la merveille des merveilles, et personne pour s’extasier, ou même s’étonner».