Léa Bronet à La chouette librairie (Lille)
Freshkills est l’histoire d’une décharge, mais pas que: c’est aussi l’histoire d’un enjeu environnemental qui se tait, qu’on fait taire: celui de nos déchets et de leur traitement. À l’heure où tout est remplaçable, où le neuf, l’immaculé semble être l’envie de tous, le besoin même, que faire de ce qu’on laisse derrière nous?
À l’origine, il était une fois un lieu verdoyant, un quartier, pauvre certes, mais dans lequel ses habitants vivaient décemment, où les enfants pouvaient jouer dehors sans crainte; puis les pouvoirs locaux ont décidé, afin de préserver l’imag sans défaut de Manhattan, la création d’une décharge à Staten Island, pour trois ans initialement. Mais, d’année en année, de tonnes de déchets en tonnes de déchets, plutôt que de disparaitre, elle s’est développée, atteignant une taille monstrueuse, et gagnant le triste titre de la plus grande décharge à ciel ouvert du monde, traitant jusqu’à vingt-neuf mille tonnes de déchets par jour durant ses heures de gloire.
Lucie Taleb brosse ici le portrait de cette décharge, aujourd’hui en pleine réhabilitation. Transformer une décharge en parc idyllique, et redorer l’image de Staten Island, lui redonner son lustre d’antan, est-ce vraiment possible? À la fois carnet de voyage sur les traces de cette transformation et écrit écologique et philosophique, Fresh kills amène une réflexion nouvelle, nous montre l’hypocrisie de nos sociétés actuelles, nous qui fermons les yeux face à nos propres déchets, oubliant qu’ils ne disparaissent pas simplement dans la nature une fois mis à la poubelle.
Mais le traitement des déchets n’est pas le seul sujet au cœur de cet ouvrage. Lucie Taieb rappelle notre devoir de mémoire, et espère réveiller les consciences sur des sujets qui nous semblent lointains, et qui nous sont pourtant intimes, avec une plume très poétique, qui n’édulcore néanmoins en rien la réalité sinistre de notre hygiénisme aveugle.