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Readlist du 6 mai 2016 sur Bookalicious – 4 BIZARRERIES LITTÉRAIRES dont fait partie FrICTIONS de Pablo Martin Sanchez

FrICTIONS – Pablo Martin Sanchez. Traduction de Jean-Marie Saint-Lu

Attention livre culte et machine à rater ses arrêts de métro ! Dans un joyeux inventaire borgésien, Pablo Martin Sanchez convoque des figures littéraires, cachées sous des allusions et des références. Les nouvelles de ce recueil puzzle décalé s jouent du lecteur, le piègent, l’embarquent dans une loufoquerie contagieuse, presque addictive. Les genres et les univers se succèdent au fil de ces courtes histoires où l’on croise la mort en t-shirt, où l’on en sait un peu plus sur le jour où Armstrong a marché sur la lune ou sur ce qui peut amener quelqu’un à se jeter par la fenêtre… Autant être honnêtes : nous n’avons pas trouvé toutes les références cachées comme les bonus d’un bon jeu vidéo, entre les lignes, mais nous avons passé un excellent moment de lecture, souvent surpris jusqu’au fou rire par les chutes abracadabrantes de ces nouvelles jubilatoires. Editions La Contre-Allée.

Pour lire l’article directement sur le site, c’est par ici.

L’Inactuel

Un article sur Frictions daté du 27 octobre, sur le site l’Inactuel, journal numérique aux multiples visages, un espace ouvert de liberté et de créativité, quelque part entre le journalisme et l’art :

Depuis qu’au cours de l’été 2016, dans les colonnes d’un journal de droite, un certain professeur de droit révéla au grand jour mon secret, je peux désormais sortir du placard littéraire dans lequel je me suis tenu enfermé depuis des années et dont seuls quelques intimes possédaient jusqu’à présent la clef (nommément : Nelly, Serge, et Samuel ; ce dernier étant lui-même à titre personnel de la coterie à laquelle j’aspire) pour le déclarer publiquement : J’aurais voulu être un écrivain argentin.

Oh, pas comme César Aira, non, il est trop prolifique, ni comme Eduardo Berti, il est trop français, pas comme Jorge Luis Borges non plus, non, il est trop mort, mais comme Pablo Martín Sánchez, ah ça, oui.

Membre de l’Oulipo, comme son compatriote Berti, Sánchez est l’auteur d’un roman (L’anarchiste qui portait mon nom) et d’un recueil de nouvelles, sa première œuvre traduite en français, recueil intitulé Frictions. Ou, pour les hispanohablantes : Fricciones, soit des Ficciones auxquelles on aurait (r)ajouté un r, lettre qui, en négatif peut-être d’une opération de disparition perecquienne, devrait faire entendre sa différance comme un supplément dans l’univers borgésien.

De Borges, de Perec, il en est en effet question dans ces Frictions. De La bibliothèque de Babel, qu’un lecteur souligne entièrement avant d’effacer consciencieusement tous les traits sous les phrases qu’il a soulignées pour ne conserver que le trait sous la première d’entre elles : « Il suffit qu’un livre soit concevable pour qu’il existe ». Des Revenents, dont un professeur de littérature rêve une phrase qu’il n’a jamais lue cependant qu’une jeune fille qui ne le connaît pas rêve qu’un homme rêve cette phrase qu’il n’a jamais lue : « Je cherche en même temps l’éternel et l’éphémère ».

Il est encore question de la mort, du suicide, du dentiste et du diable, des spirales qui deviennent des points d’interrogation, de nouvelles érotiques que l’auteur ne parvient pas à écrire à cause de son obsession grammaticale, de l’etc., etc., et caetera.

Mais le clou du spectacle, si j’ose m’exprimer ainsi, se trouve sans aucun doute dans la mondaine nouvelle, « Un métier dangereux », laquelle met en scène les célèbres écrivains Roberto Bolaño et Rodrigo Fresán, et apporte enfin une réponse (définitive) au problème fondamental des rapports entre la vie et la littérature sur les murs des toilettes du bar où se déroule l’action.

Car s’il est beaucoup question de littérature dans les pages qui composent ces Frictions (comment pourrait-il en être autrement sous la plume d’un Oulipien ?), la vie elle-même n’est jamais bien loin. Certainement parce qu’entre la vie et la littérature, il n’y a pas tant de différences que cela : la vie n’est jamais que la succession des fictions que nous imaginons pour la vivre jusqu’au bout. C’est quand nous sommes à cours d’imagination qu’elle commence de nous paraître invivable, et ce n’est pas la moindre des qualités de la (bonne) littérature que de nous fournir alors quelques munitions de plus pour tenir encore un peu.

— C’est formidable tout cela, Jérôme, mais tu sais…

— Quoi ?

— Eh bien, comment te dire ?

— Vas-y, accouche.

— Sánchez…

— Oui ?

— Il n’est pas argentin.

— Ah bon ?

— Non.

— Ah… mais il est quoi alors ?

— Espagnol.

— Merde.

— Eh oui.

— Je n’y comprends plus rien.

— Je sais, je sais. Moi non plus.

Lire l’article sur le site L’inactuel ici.

Luxemburger Wort

Un article par Jeff Schinker, dans les pages culture du Luxemburger Wort, daté du 24 septembre :

Ex-comédien et ex-chercheur, Pablo Martín Sánchez nous dévoile, dans son premier recueil de nouvelles, sa passion pour Borges et l’Oulipo à travers de petites fictions en forme de dédales textuels où l’humour loufoque n’est jamais loin.

Si toutes les nouvelles ne se valent pas, la découverte d’un auteur qui voit la littérature comme champ d’expérimentation est fort jouissive. «Quand on ne sait pas quelle est la meilleure façon de révéler un secret, on choisit, dans le meilleur des cas, la ligne courbe ; dans le pire, l’arabesque. Parfois, on en vient même à écrire une nouvelle.» Depuis la publication, dans les années 40, de «Fictions» de Jorge Luis Borges, tout écrivain sud-américain souffre de l’héritage encombrant, écrasant, omniprésent d’un auteur qui réinventa fondamentalement la façon d’écrire et de lire de la littérature. Comme Beckett le fit pour le théâtre, Borges révolutionna la nouvelle en y ajoutant des formes inédites, une morphologie nouvelle, des mondes abstraits qui se déploient souvent sur quelques pages seulement. Borges concevait de véritables fictions métaphysiques, des casse-têtes insolubles, des «Rubik’s Cubes» fascinants.

Ces écrits étaient éminemment pascaliens: s’y déployait le contraste entre un univers infiniment grand et le destin – infiniment petit – des hommes. Face à l’influence inévitablement néfaste d’un tel auteur – hommage et copie sabotant tous deux l’autonomie de leurs successeurs – deux options restent à l’écrivain sud-américain à qui l’idée viendrait de tâter la forme courte: l’on peut commencer par essayer de se dégager de cette influence en faisant tout à fait autre chose. Une telle option est pourtant peu viable car souvent artificielle: se dégager de Borges, c’est se fermer les yeux sur le changement qu’il a opéré. Cela revient à s’aveugler sur le passé littéraire de la région dont on provient. Reste l’autre option, que choisit Pablo Martin Sanchez, et qui consiste à affronter le géant sur son propre terrain, comme l’indique déjà typographiquement le titre du recueil, la greffe du «r» dans le titre («Frictions», donc) parasitant l’oeuvre originale de Borges tout en s’inclinant devant elle. Le titre du recueil est programmatique: si Borges est le maître des labyrinthes textuels à enchâssements multiples, Martín Sánchez y rajoute un miroir, essayant d’enfermer le maître argentin dans son propre dédale.

Sous influence
Pourtant, Martín Sánchez ne serait-il pas Icare se brûlant les ailes du fait d’une ambition démesurée? Pas tout à fait. Sans parvenir à la cheville de l’époustouflant Borges, les «Frictions» que propose l’auteur sont tout ce qu’il y a de plus alambiquées sans être étouffantes ou (trop) prises de tête. On trouve dans le recueil, dont les nouvelles sont classées assez rigoureusement par longueur – la première partie ne contient que des nouvelles de deux à sept pages, la dernière des nouvelles de neuf à une vingtaine de pages -, un affrontement avec la Mort, qui se pointe chez le narrateur en T-shirt orange «avec un dessin de Donald », des rédactions d’élèves acerbes, une notice d’utilisation médicamenteuse pour les «Bécots », un drôle de poète aux doigts de crayon, une traité de poésie métrique – cette poésie qui ne peut s’écrire que dans le métro –, un portrait du dentiste en suppôt de Satan, un comédien qui désespère de faire rire un vieillard grincheux dans le public, un adepte de Bolaño qui n’ose s’adresser à son écrivain favori ainsi que des labyrinthes textuels et sémantiques qu’il serait un crime de révéler ici. Bref, la diversité est au rendez-vous, même si la qualité des nouvelles est parfois de niveau inégal. Cette diversité est subsumée par un style assez limpide, efficace sans effleurer pourtant la grâce stylistique d’un Borges. Martín Sánchez réussit à faire, dans un tour de passe-passe intelligent, de la lourdeur des influences une grâce. Il a l’insolence de piocher dans un réservoir d’auteurs chez qui l’intertextualité, qu’elle s’appuie sur des auteurs ou textes réels ou inventés, est elle-même souvent le point de départ à des fictions ludiques. Les clins d’oeil multiples dégagent le recueil de la lourdeur sous laquelle le projet aurait pu souffrir, faisant de Martín Sánchez non pas un nouveau Borges, mais un écrivain sud-américain d’autant plus prometteur que le sens de l’absurde qui se manifeste dans le recueil se joint, lors de certaines nouvelles, à la problématique des difficiles relations interhumaines. C’est lors de tels moments – comme par exemple l’enfant qui, dans ses rédactions, raconte les violences conjugales – que Martín Sánchez, peut-être involontairement, se range du côté de cet autre sublime et regretté nouvelliste que fut David Foster Wallace.

Lekti-ecriture

Lekti-ecriture

Un articler du Préfet maritime, daté du 28 juin 2016 :

Jeune Espagnol inspiré par Borges et l’Oulipo, Pablo Martin Sánchez s’adonne à la fiction courte à tendance paradoxale, décalée, cruelle et même parfois drôlatique. On ne citera pas Robert Bolaño saisi à la dérobée au moment où il sort des toilettes (il est surtout question de son ami Roberto Fresán qui a éclipsé « le prétendu talent de Vila-Matas »), Rofolfo aux doigts de crayons ou le grand-père momifié incapable de sourire.

Emballant quand il prend à son propre jeu la mort en tee-shirt et tort le cou aux récits prévisibles, Pablo Martin Sánchez montre tout de même lorsqu’il décortique un bécot ou qu’il allonge le récit en notes de bas de page que les formalismes oulipiens ou néo-oulipiens ont une nette tendance à contenir moins de fiction et moins de plaisir qu’une simple bonne imagination bien débridée. Et de l’imagination, il en a apparemment à revendre. On attend donc la suite et confirmation de ce premier essai de frottements.

Le site de Lekti-ecriture ici.

Monde des Livres

Monde des Livres

Comme un bouquet de fleurs sauvages

Dans « Frictions », Pablo Martin Sanchez impose un univers décalé et absurde. Un premier livre virtuose.

Réchappé d’une hémorragie qui manqua de le tuer, à Paris, en 1981, l’écrivain argentin Julio Cortazar eut ces mots magnifiques : « C’est un miracle qu’elle ne m’ait pas envoyé regarder les fleurs par les racines. » L’expression donne son titre à l’un des trente-six textes qui composent le réjouissant premier livre de l’Espagnol Pablo Martin Sanchez. Dans cette courte nouvelle, un homme se réveille un jour, enfermé dans un cercueil. A-t-il été enterré vivant ? Ou bien est-il possible de penser après la mort, interroge l’auteur, avant d’interpeller plus brutalement le malheureux : « Imagine, imagine ça un instant. Et puis oublie. » Comme si, le doute existentiel posé, il était décemment possible de passer à autre chose…

Fervent admirateur de l’auteur de Marelle (1963)il a, comme lui, été coopté par l’Oulipo –, autant que de Perec et de Queneau, Sanchez, né en 1977, multiplie ici les clins d’œil à Cronopes et Fameux(1962), cet ensemble de micro-contes qui valut à Cortazar son entrée au Collège de ‘Pataphysique. Situations étranges, scènes de la vie quotidienne saisies avec une distance cocasse, glissements soudains vers l’absurde, mélanges étourdissants entre le fantastique et la réalité, mais aussi réflexions enjouées sur l’acte d’écrire, font le sel de cet ouvrage divisé en trois parties – « Frôlements » , « Caresses » , « Etreintes ».

Ainsi, comme chez Cortazar, la glace du texte intitulé « Solitude des miroirs » est dotée d’une autonomie propre. Une autonomie qui fait d’elle un monstre – « un œil immense et scrutateur, Polyphème procureur de toi-même, aleph reflet de tous tes masques » –, où il est impossible de reconnaître son propre reflet. Cet héritage revendiqué, qui donne lieu à un subtil exercice d’admiration, n’empêche toutefois pas l’auteur de déployer son propre univers lumineux, un paysage intime tracé d’une écriture vive et fraîche, où humour et onirisme s’entremêlent de façon enthousiasmante.

« Loin de tout effet d’artifice, le résultat est brillant, généreux et souvent émouvant. »

Ariane Singer, le Monde des livres

Lire la suite ici.

Frictions par la librairie Passages à Lyon

Frictions par la librairie Passages à Lyon

Voilà comment Erik Fitoussi en parle…

A écouter ici.

Blog d’Eric Darsan

Blog d’Eric Darsan

« Ces Exercice(s) de style(s) sont aujourd’hui l’occasion de vous présenter Frictions de Pablo Martín Sánchez traduit par Jean-Marie Saint-Lu et Tombeau de Pamela Sauvage de Fanny Chiarello, deux ouvrages sur(-)prenants et formellement (d)éton(n)ant, qui jouent et se jouent de la contrainte, sortis aux Editions La Contre Allée le 23 février. Et de poursuivre quelques réflexions sur les rapports entre actualité, écrit et édition initiées ici et ailleurs au fil du temps… »

La chronique complète ici.