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Télérama

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Article de François Gorin dans Télérama publié le 26/06/18. (lire directement ici)

Karen Dalton, Jackson C. Frank, le salut par le livre ?

Deux légendes du folk, deux vies tragiques, deux talents reconnus par leurs pairs mais demeurés obscurs. Deux petits ouvrages récents rendent hommage, l’un à la chanteuse indomptée, l’autre au songwriter empêché. Leurs styles diffèrent, leur but est sincère, leur démarche interroge. 

Elle (1937-1993) : deux albums de son vivant, plus quelques archives post-mortem. Lui (1943-1999) : un seul album en 1965, plus quelques démos exhumées. Deux destins contrariés. Deux dont la gloire n’a pas voulu. Deux légendes obscures. Assez pour nourrir un livre ? Oui, si l’on en croit des parutions récentes : Karen Dalton – le souvenir des montagnes, par Pierre Lemarchand, chez Camion Blanc ; La Ballade Silencieuse de Jackson C. Frank, par Thomas Giraud aux Editions La Contre Allée. Deux ouvrages d’un format nécessairement réduit, entre 150 et 200 pages et on peut considérer que c’est déjà beaucoup, au regard d’une matière plutôt mince dans les deux cas.

Deux approches différentes aussi. Côté Lemarchand, on cumule tout document ou témoignage à disposition, certains offerts par les livrets des rééditions des CD de la chanteuse et ceux des compilations de morceaux live ou home made éditées plus récemment : Cotton Eyed Joe et Green Rocky Road (Megaphone) et 1966 (Delmore). Ce déséquilibre entre la discographie posthume de Karen Dalton et sa production de son vivant n’est pas anodin. Malgré ses efforts et ceux des musiciens, producteurs et mentors qui l’entouraient, la fille de l’Oklahoma est restée une enfant sauvage, rétive à se laisser capturer par les techniques d’enregistrement, encore moins par un music bizness qui ne sut que faire de son talent brut.

Les albums studio de Karen Dalton sont frustrants. On est forcément touché par sa voix de blueswoman folk (quelque chose de Billie Holiday, de Bessie Smith) et on sent qu’elle n’est pas tout à fait dans son élément. Comme si le moindre habillage brûlait la peau de sa musique. L’affaire ne s’éclaircit qu’en partie avec les bandes exhumées. Le live de 1962 renvoie là où est née sa légende, au temps où elle épatait même le jeune Bob Dylan. La captation de 1966 nous emmène en ce coin montagneux du Colorado où elle avait élu domicile, près des chevaux qu’elle préférait aux hommes. On est peut-être plus touché encore par les images tournées quelques années plus tard au même endroit pour la télé française. Là crie l’évidence de sa musique pure et métisse, brillante d’être impolie ; sa beauté étrange, mi-cherokee, mi-irlandaise. Là murmure avec insistance que cette femme et cette musique n’étaient pas pour le monde où le talent se vend et où la gloire se paie.

Ni mérite, ni malédiction, c’est un fait. Cette image révélée sert de point de départ au livre de Pierre Lemarchand. Il aurait pu s’y arrêter, en faire un objet de rêverie. Il a préféré l’enquête et la collecte, allant même à la rencontre de quelques seconds rôles. Mais cette somme au fond n’en dit guère plus que ce qu’on voit (et entend) dans le bout de film susdit. Les aléas de la dure vie de Karen Dalton, amoureuse fantasque, mère à temps partiel, toxicomane, fuyant toute convenance en guettant des signes de reconnaissance, font les chapitres d’un roman triste. Il est plus que suggéré par ses disques. Et peut-être a-t-on tendance à magnifier ceux-ci au-delà du raisonnable, en compensation de leur faible écho public.

L’histoire de Jackson C. Frank est plus édifiante encore. La France rock a toujours chéri les losers et sans doute la noblesse des causes perdues nous revient-elle comme un devoir. Le folksinger de Buffalo n’a laissé à la postérité qu’un album. Il commence à l’enregistrer à la p.100 du livre de Thomas Giraud. On est en juillet 1965, à Londres. Il a fallu bien des détours au musicien, comme à son biographe, pour en arriver là. Avant même de peiner à promouvoir son talent, Jackson C. Frank souffre de simplement l’exprimer. Pour lui-même d’abord, perfectionniste voulant traduire en sons l’effet que lui font les couleurs des peintres. Ou devant un public, comme ce sera le cas de Nick Drake — un de ceux à l’avoir le mieux écouté.

Mais le terrible défaut d’assurance de JCF le poursuit en studio. Même couvé par son premier admirateur Paul Simon. Isolé derrière un paravent, le chanteur parvient à livrer dix morceaux, dont quatre splendeurs au moins : Blues run the game (la plus reprise, notamment par Simon & Garfunkel), Milk and honey (Sandy Denny en fit une version), le poignant madrigal I want to be alone et My name is carnival, préludant au premier Tim Buckley. Il est tentant de comparer Jackson C. Frank à des pairs à la légende plus étoffée. Son picking proche de l’Ecossais Bert Jansch. Sa voix, sans l’expressivité lyrique de Tim Buckley, ni la grâce éthérée de Nick Drake. Même s’il avait le pouvoir de charmer, il n’en aurait pas l’envie. Il joue juste et chante bien, s’investit dans ses compositions. Mais ça n’a pas suffi.

Al Stewart, qui l’a accompagné, témoignera sur la suite : « Il a commencé à jouer des choses complètement impénétrables. » Frank est rentré aux Etats-Unis, s’est marié, installé à Woodstock, a perdu un fils, s’est fait interner, diagnostiqué schizophrène. Revenu vivre chez ses parents, puis à New York, il mourra d’une pneumonie après avoir essayé en vain de retrouver Paul Simon. Bien avant cette triste fin, Thomas Giraud fait grand cas d’un traumatisme d’enfance : à onze ans, Jackson a réchappé de l’incendie de son école mais avec des séquelles. On a prélevé un morceau de sa cuisse pour le greffer sur la partie brûlée de son visage. Blues dans la peau et claudication. Fatalité ? Est-on né pour la poisse ?

La Ballade Silencieuse… s’attache à des détails signifiants de cette vie tragique et les romance. On tourne autour, moins d’une énigme ici que d’un vide, d’un non accomplissement. Plutôt que de révéler les failles d’un musicien, les chansons de Jackson C. Frank traduisent une quête, douloureuse et stoïque, pour les surmonter. L’écriture alors peut fournir sur ce personnage littéralement désolé, un éclairage, sinon une prise. Tout tient au choix de la bonne distance. Au-delà d’une intention sincère — offrir sa chance au loser —, l’exercice demeure périlleux.

Longueur d’ondes

Un article sur La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank de Thomas Giraud par Antoine Couder dans Longueur d’ondes. (lire l’article directement sur le site)

L’histoire est encore peu connue. Jackson C. Frank est un musicien folk, américain, auteur d’un unique album produit en 1965 par Paul Simon à Londres et devenu culte. Thomas Giraud en a fait une longue réflexion sur le silence, celui qui frappe ce jeune homme grièvement brûlé à l’âge de 11 ans et qui, après son fameux premier disque, glissera doucement dans la dépression jusqu’à son décès en 1999, à l’âge de 56 ans. À partir d’éléments épars (une rencontre, enfant, avec Elvis, la certitude de pouvoir faire mieux que Dylan, le goût pour les voitures anglaises), l’auteur raconte une histoire mentale, entre onirisme et biographie où il s’autorise parfois à apparaître directement, pour perturber et dynamiser son récit, marchant ici dans les pas de ses maîtres, un Claude Simon ou un Pierre Michon. C’est dire que le texte est de haute facture, à la fois précis, langoureux et hypnotique. Il nous incite à découvrir ou redécouvrir ce musicien perfectionniste dont la subtile fantaisie peu perceptible au premier abord finit par émouvoir celui qui, jusqu’alors, n’y prêtait qu’une oreille distraite.

Antoine Couder

Le Télégramme

Le Télégramme

Le Télégramme revient sur la venue de Thomas Giraud à la librairie Le Grenier de Dinan le 1er juin. (lire l’article)

Le Télégramme revient sur la venue de Thomas Giraud à la librairie Le Grenier de Dinan le 1er juin. (lire l’article)

Dédicace. Juge et écrivain, T. Giraux évoque le musicien Jackson C. Frank

L’écrivain Thomas Giraud est, dans son autre vie, juge à la cour administrative de Nantes, et aussi musicien. Mais c’est avec sa casquette de romancier qu’il est venu présenter son dernier ouvrage, La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank, aux éditions La Contre-Allée, vendredi, à la librairie Le Grenier. Les lecteurs présents ont été captivés par l’évocation de l’histoire de ce chanteur guitariste folk des années 60, tombé dans l’oubli après avoir enregistré un seul album.

Un unique album produit par Paul Simon

« On sait peu de chose de ce musicien, mais j’ai été fasciné par son histoire, parfois dramatique. Il a été victime d’un incendie dans son école à 11 ans, un drame marqué par la perte de ses camarades, de longs mois à l’hôpital et une greffe de peau », explique l’auteur avant de parler de cet unique album. « Il a enregistré un album à Londres, produit par Paul Simon, puis il a disparu peu à peu pour vivre dans la rue et dans la misère pendant 15 ans. Peu de personnes le connaissent, mais beaucoup ont entendu sa musique, qui a été reprise par Paul Simon, Graeme Allwright… » Pour mieux faire découvrir le musicien, Thomas Giraud, a interprété quelques chansons, accompagné par Gaël Mahé, libraire.

Le Matricule des Anges

Le Matricule des Anges

L’Humanité

L’Humanité

Article paru dans l’Humanité du 24 mai 2018, par Alain Nicolas. Pour le lire directement, suivez le lien ou ouvrez la pièce jointe.

 

Article paru dans l’Humanité du 24 mai 2018, par Alain Nicolas. Pour le lire directement, suivez le lien ou ouvrez la pièce jointe.

 

La vie de musicien de Jackson C. Frank commence à l’hôpital. C’est là qu’il reçoit sa première guitare. Jackson est le dernier des enfants de Cleveland Hill à être hospitalisé, après l’incendie de l’école. Quatorze d’entre eux sont morts, la plupart ont eu de légères brûlures. Lui passera des mois, seul, subissant greffe après greffe. Son visage se sera qu’imparfaitement reconstitué et sa jambe, où les greffons sont prélevés, demeurera raide. 

Reste la guitare. Elle fera de lui le « meilleur des chanteurs oubliés des années soixante ». C’est son histoire que raconte Thomas Giraud, avec l’attention à ces petites choses si importantes qu’il avait montrée dans Elisée, avant les ruisseaux et les montagnes. Les arbres, la neige, le vent, les bagonles, tout ce qui fait la vie de ce chanteur qui ne fait qu’un seul disque, mais qui fut aimé de Paul Simon, Marianne Faithfull et de tant d’autres, avant de se murer dans le silence, sont la matière de ce livre dense et émouvant.

Alain Nicolas

ELLE

Un article de Caroline Six dans ELLE pour La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank de Thomas Giraud.

« Le rocker évaporé

Un article de Caroline Six dans ELLE pour La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank de Thomas Giraud.

« Le rocker évaporé

Ça débute sur un coup de théâtre, dans les fumées d’une explosition envahissant une salle de classe, dont quize morts finissent par émerger. Le jeune Jackson C. Frank, 11 ans, survivra, mais les volutes continueront de tournoyer sous son front raccommodé. Une guitare, un tableau de Rothko et une rencontre avec Elvis lui donneront l’impulsion d’en tirer neuf morceaux au cordeau, pas un de plus. L’épaisse saveur brûlée plombe sa langue. Thomas Giraud lui prête la sienne pour une reconstitution d’une empathie saisissante. L’auteur se balade, avec un style tenu remarquable, dans la tête de ce compositeur génial resté dans l’ombre d’Elvis et de Dylan.

Pourquoi arrête-t-on soudain de créer? La question obsessionnelle sourd et irrigue, ce parcours où l’inspiration jaillit et repart, « comme une giclée de soleil à travers les frondaisons qui m’arrive en plein visage, jaune, orange, éparpillée au départ et resseré dans un étau, une forme géométrique ».

Caroline Six

Occitanie Tribune

Article du 14/05/2018 sur La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank de Thomas Giraud dans Occitanie Tribune (lire l’article directement sur le site)

Article du 14/05/2018 sur La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank de Thomas Giraud dans Occitanie Tribune (lire l’article directement sur le site)

Ses chansons se transmettent, depuis 1965, tels de précieux secrets. Des admirateurs comme Simon & Garfunkel ont repris les pépites neurasthéniques de son unique album, Blues Run the Game, perpétuant le mythe du plus célèbre des chanteurs folk inconnus, capable d’émouvoir jusqu’aux Daft Punk qui, en 2006, utilisèrent le titre Dialogue (I want to be alone), dans la bande originale de leur long-métrage, Electroma.

Le Monde – 2013 – Stéphane Davet

Durant son enfance dans la petite ville de Cheektowaga (État de New York), Jackson C. Frank réchappe à l’incendie qui ravage son école.

Ses brûlures lui valent une greffe au visage et c’est au cours de sa longue convalescence à l’hôpital que son oncle lui offre une guitare. Ce cadeau soulage ses mois de calvaire et sert alors de guide à une voix et une vocation naissantes.

La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank est un récit qui imagine ce qu’a pu être la vie de cet auteur compositeur interprète folk américain – contemporain de Bob Dylan – à travers ses drames, ses hasards, ses rencontres… Surtout, ce texte tente de comprendre comment il a pu concevoir son seul et unique album avant de tomber dans le silence et l’anonymat.

Auteur :

Thomas Giraud est né en 1976 à Paris. Docteur en droit public, il vit et travaille à Nantes.

Depuis le bel accueil réservé à son premier roman, Elisée, avant les ruisseaux et les montagnes, il contribue à Remue.net, 303, La moitié du Fourbi ou encore le Yournal. Il vient de publier son deuxième ouvrage, La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank.

Art Press

Art Press

Un article paru dans Art Press, mai 2018 Bilingual English / French.

 

Junkpage

Junkpage

Les lectures du mouton

« La ballade silencieuse de Jackson C. Frank » de Thomas Giraud – 17 avril 2018

« La ballade silencieuse de Jackson C. Frank » de Thomas Giraud – 17 avril 2018

« Une fois Blues Run The Game chanté, il n’a rien relevé, pas de surprises, pas de critiques mais pas non plus d’encouragements ou d’applaudissements plus notables que pour une reprise de Seeger. Une impression certainement de continuité, comme si personne n’avait entendu la nouveauté, comme si tout le monde avait entendu ce qu’il y avait à entendre, l’absence de nouveauté. C’était dans une indifférence discrète ou en tout cas avec le même plaisir que s’il chantait un autre – ce qui, au fond, n’est pas si mauvais signe – qu’il avait introduit sa musique. Il s’était fait une place dans le folk et personne ne s’en était rendu compte ».

Jackson C. Frank. À moins d’être amateur de folk, pas grand monde ne connaît ce nom. Et pourtant, ses chansons ont été reprises par plusieurs artistes comme Simon and Garfunkel, Sandy Denny (sa petite-amie) ou Nick Drake. Ses reprises sont d’autant plus importantes que Jackson C. Franck n’a enregistré qu’un seul album. Pourquoi cette œuvre si limitée et confidentielle ? C’est à cette question que tente de répondre Thomas Giraud en écrivant cette ballade silencieuse de Jackson C. Frank.

Par la voie de la fiction, l’auteur dresse le portrait d’un jeune homme marqué dans sa chair. Rescapé d’une explosion dans son école – dans laquelle son ami Donald trouve la mort – il passe de longues semaines à l’hôpital en raison de ses brûlures. Greffé du visage grâce à un prélèvement sur sa jambe, il obtient un faciès reconstruit mais difficile à accepter et une jambe meurtrie. Une telle expérience inhibe un enfant. Son salut, il l’obtient avec sa première guitare offerte. Cet instrument et la visite de Graceland où il rencontre Elvis (et là on mesure le pouvoir de la fiction) lui donnent envie de faire de la musique. Devenu jeune adulte, les poches pleines de l’argent de l’assurance, il se rend à Londres où il écume les bars et écrit ses premières chansons. Repéré par Paul Simon et Art Garfunkel, il enregistre ce fameux album unique. Mais, Jackson est un être dont les blessures physiques ont pesé sur son âme. Peu sûr de lui, complexé par son physique et moins flamboyant qu’un Bob Dylan, il ne parvient pas à se faire une place. Et l’on suit une lente et silencieuse déchéance d’un artiste qui à force de cumuler les zones d’ombre, ne peut se hisser vers la lumière.

J’ai vraiment beaucoup aimé ce roman où Thomas Giraud parvient à composer à assembler les différentes pièces d’un homme qui est resté toujours sur le côté, à la marge, coincé dans un corps qu’il ne parvient pas à accepter et la difficulté à faire confiance en son talent. La partition est d’une grande justesse et l’auteur réussit à redonner de la lumière et de la voix à ce destin chaotique mais ô combien romanesque. Je ne peux que vous le recommander !

Thomas Giraud – La ballade silencieuse de Jackson C. Frank – éditions La Contre-Allée – 170p

Pour lire l’article directement sur le blog, c’est par ici.

 

POPnews

La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank sur POPnews, 05/04/2018, par Hugues Blineau

La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank sur POPnews, 05/04/2018, par Hugues Blineau

« Le silence n’éteint pas le mythe, il l’amplifie. » Ces mots du poète Jean Michel Espitallier au sujet de Syd Barrett, l’astre noir de Pink Floyd – dans son magnifique livre Syd Barrett, le rock et autres trucs réédité l’an passé aux éditions Le Mot et le Reste – peuvent s’appliquer à quelques-uns de ces héros, à l’œuvre parfois météorique, qui peuplent l’histoire du rock. Certains d’entre eux choisissant de disparaître volontairement (la longue éclipse de Scott Walker ou celle probablement définitive de Mark Hollis), alors que pour d’autres la réclusion aura été forcée (Syd Barrett justement, Brian Wilson et quelques musiciens à la notoriété moins grande mais tout aussi précieux). Leurs vies musicales refermées, leurs silences laissent la place à d’infinies constructions de la part de leur auditeur, du fan qui parfois devient écrivain et imagine toutes ces autres vies possibles, ces nouvelles chansons que l’on rêve d’entendre un jour et resteront invariablement à l’état d’idée, de fantasme. De ces impossibles retours qui n’arrivent jamais.

A ce titre, il y a sans doute peu de destinées comme celle de Jackson C. Frank, musicien folk américain qui, repéré à Londres par Paul Simon, enregistra un unique disque en 1965. Une œuvre courte, réévaluée au début des années 2000, grâce à une réédition discographique et au soutien indéfectible de quelques fans. Une œuvre qui, comme celle d’autres perdants magnifiques, aura inspiré quelques-uns de ses contemporains, au premier rang duquel se trouve Nick Drake qui repris en son temps “Milk and Honey”, l’une des plus touchantes chansons de l’Américain.

De l’enfant de onze ans réchappé de l’incendie de sa salle de classe en périphérie de Buffalo, qui emporta 15 enfants – événement d’importance relayé dans la presse nationale du pays -, le jeune Jackson, gardera des stigmates : une greffe, un morceau de peau enlevé à la cuisse qui couvrira une partie de son visage. Cette infirmité, muée en particularité physique, Jackson C. Frank la masquera sur les quelques clichés parvenus jusqu’à nous, dont une improbable photographie prise avec Elvis à Graceland. Par des chemins détournés, elle causera aussi sa perte. Plus profondément bien sûr, elle servira de creuset à ses futures créations. Car au garçon brûlé un oncle offre une guitare. Et la musique, peu à peu entrée dans la vie de Jackson, finira par devenir pour lui autre chose de plus essentiel dans sa vie qu’une occupation secondaire : une véritable raison de vivre, et tout autant une manière d’exorciser ses blessures, morales autant que physiques. Et une manière de s’inventer qui se traduira vite par une recherche d’équilibre et de perfection musicale, obsessionnelle, à l’abri des regards extérieurs.

“Il cherche sur quoi chanter. Comme Dylan, Johnny Cash, il voudrait s’emparer de ce que l’on ne formule pas d’habitude, de ce que l’on ne chante pas. Dire des peines profondes, sourdes, effroyables parfois, parler du feu.” Ces éléments biographiques, oscillant entre rêve éveillé et fiction, nourrissent largement le deuxième roman de Thomas Giraud, La Ballade silencieuse de Jackson C.Frank. De la rencontre entre le corps atteint dans sa chair et la musique folk, l’auteur tire un récit désenchanté mais lumineux où la fiction déborde largement la biographie réelle. Lacunaire, béante en de nombreux points, celle-ci laissera le champ libre à l’auteur nantais, à la mesure peut-être du parcours de vie cabossé de son personnage. Et l’on croisera dans le texte, d’autres fantômes, certains bien réels (Elvis), d’autres fantasmés (Dylan), et aussi un certain rêve d’Amérique des débuts du rock’n’roll.

L’écriture de Thomas Giraud, brillante et sensible, accorde une place toute particulière aux lumières et aux paysages : celui des plaines du Midwest comme celui des lacs anglais balayés de pluie. Mais dans son récit, l’auteur tisse aussi des liens entre deux autres sortes de paysages tout à fait singuliers : ceux du visage refaçonné de Jackson et un tableau de Rothko que le chanteur aurait pu croiser sur les cimaises du musée de Buffalo. C’est là, en cette frontière ténue entre réel et imaginaire, entre intuition et recherche d’absolu, que le passage au véritable acte de création se jouera pour le personnage de Jackson C. Frank, et autant peut-être que pour son auteur.

Pour POPnews, Thomas Giraud a accepté de revenir en mots sur la musique de Jackson C. Frank et de quelques artistes desquels on peut rapprocher le chanteur américain. De Nick Drake à Bonnie “Prince” Billy, d’autres liens se révèlent, avec toujours la même mélancolie folk et le dépouillement comme lignes d’horizon. Une ballade silencieuse – mais éveillée – en cinq titres choisis, pour que la musique de Jackson C. Frank et de quelques autres individus d’exception continue de susciter des vocations et des désirs artistiques.

“Blues Run the Game” de Jackson C. Frank (1965)

“C’est un peu l’incontournable, le morceau par lequel tous ceux qui ne connaissent pas Jackson C. Frank réalisent qu’en fait oui, ils le connaissent. Par la reprise de Simon and Garfunkel, celle de Bert Jansch ou celle de Graeme Allwright. Ce n’est pas à titre personnel mon morceau préféré de l’album du même nom. C’est le premier morceau, il donne le ton, celui de la mélancolie, de la monotonie comme fil conducteur, mais je trouve que le travail des harmonies, la délicatesse, le côté presque anglais d’autres morceaux du disque ne se retrouve pas ici. Il reste très américain, identifiable comme tel alors que l’équilibre me semble différent sur d’autres morceaux.”

“I want to be alone” de Jackson C. Frank (1965)

“C’est peut-être le morceau de l’album que je préfère. C’est celui en tout cas où la mélancolie et la tristesse me semblent les plus accomplies, même si c’est un peu bizarre de dire les choses ainsi car je ne pense pas que la mélancolie était ce que Jackson C. Frank cherchait à montrer, elle était là, présente. La lenteur, la manière dont la voix semble s’élancer parfois, comme pour se donner du courage, tout cela m’émeut systématiquement. Je fais des lectures musicales du livre avec Stéphane Louvain (ex-Little Rabbits et French Cowboys, ndlr) et je trouve qu’il a su capter cette intensité, ce contraste entre une réserve, une forme de timidité particulière et cette force que l’on sent particulièrement dans ce morceau.”

“Milk and Honey” par Sandy Denny (1967)

“Cette version du magnifique “Milk and Honey” me laisse un peu perplexe. Il y a beaucoup de reverb dans la voix, un côté folk gothique, un romantisme un peu outré, très dans l’esprit que je me fais du XIXe siècle. Pourtant, cette version ne me laisse pas insensible car j’ai l’impression d’y sentir l’amour qu’elle porte à Jackson C. Frank, comme si elle essayait de lui apporter quelque chose et que cela devait passer par tous ces ornements, cette mesure un peu épaisse. Mais elle me paraît un peu excessive, comme l’amour peut-être, alors que la version originale est tellement dépouillée…”

“Place to Be” de Nick Drake (1972)

“J’ai écouté Nick Drake avant Jackson C. Frank. Pour moi, le lien entre les deux est évident. Certes, un Américain et un Anglais, mais la même idée de la mélancolie monotone, la même manière de ne pas en faire trop, de faire les choses avec réserve, sérieux. Ce même goût d’automne dans les mots et les mélodies. Une sophistication qui n’est jamais une manière de s’imposer mais une façon de faire entendre une voix différente. Probablement chez les deux, cette impression d’être déplacé, de ne pas être parfaitement bien au bon endroit et avec soi-même.”

“I See a Darkness” de Bonnie “Prince Billy” (1999)

“Comment se lasser de cet album, car pour moi c’est avant tout un album ? Comment se lasser de ce morceau du même nom ? Minimalisme, fragilité, limites à tellement de choses. C’est déchirant. C’est aussi un des disques que je préfère, un des plus émouvants. Un de ceux que j’écoute le plus régulièrement. En exergue du livre, il y a des paroles de cette chanson et la lecture musicale que nous faisons avec Stéphane Louvain se termine sur ce morceau ; évidemment, ce n’est pas tout à fait un hasard. Je ne suis pas devin et je ne sais pas ce que Jackson C. Frank pensait mais j’ai l’impression, l’intuition, qu’il aurait pu penser les mots de Will Oldham. Peut-être avec plus d’inquiétude.”

Merci infiniment à Thomas Giraud pour sa disponibilté et ses réponses.

Pour lire l’interview sur le site et écouter les musiques qui sont proposées, c’est par ici.

Télénantes

Télénantes

Télénantes, émission Sur Place du 04/04/2018, présentée par Anne-Lyse Thomine

Télénantes, émission Sur Place du 04/04/2018, présentée par Anne-Lyse Thomine

Sur place, l’émission qui se déplace au grès de l’actualité, à la rencontre de ceux qui la font. Aujourd’hui je vous propose de rencontrer un jeune auteur nantais. Au civil, il est juge à la Cour administrative d’appel de Nantes. Il vient de publier un deuxième roman, La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank. Il y raconte les épisodes de la vie de ce chanteur folk américain des années 60, contemporain de Bob Dylan, et dont l’unique album a été produit par Simon & Garfunkel.

A.-L. T. : – Bonjour Thomas. Merci de nous accueillir chez vous. On vient vous voir à l’occasion de la sortie de votre deuxième livre, La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank. Alors comme pour le premier livre qui s’appelait Elisée, avant les ruisseaux et les montagnes, les deux sont parus aux éditions La Contre Allée, vous êtes dans un registre qu’on pourrait appeler de la « biographie romancée ou fictionnée » puisque vous racontez la vie de deux personnes qui ont vécu, ou plus exactement vous imaginez ce qu’a pu être leur vie. Comment vous vous êtes orientés vers ce registre-là, ce style-là ?

T.G. : – C’est une très bonne question. En fait, c’est un peu le hasard qui fait que j’ai choisi de faire comme cela, je ne sais pas si je ferai toujours comme ça. Mais c’est peut-être venu de manière négative au sens où, au départ, je savais que je voulais écrire, mais je ne voulais pas écrire sur moi de manière directe, de manière évidente. J’avais envie d’écrire sur des choses qui avaient pu exister mais qui restaient dans les marges, qui restaient un peu inconnues, mystérieuses pour le travail de recherche.  Je crois qu’au fond, cela m’arrangeait assez bien, de m’intéresser à des gens qui avaient existé, dont on ne savait pas grand-chose, et dont je ne cherche pas forcément à boucher les trous mais à imaginer, à partir des événements connus ce qu’eux ont pu ressentir, comment ils ont pu imaginer les choses, comment ils ont pu les penser. Ça n’a pas été quelque chose de très pensé au départ, ça s’est fait plutôt au fur et à mesure on va dire.

– Est-ce qu’il y’avait aussi une volonté à sortir ces personnages de l’oubli ? Vous l’avez dit, c’est pas forcément des gens très connus. Elisée Reclus, connu dans son domaine, c’était un géographe, et Jackson C. Frank qui était un chateur des années 60. Est-ce que vous aviez envie de les sortir de l’oubli ?

– Oui, je crois qu’ils me plaisaient. Ce n’était pas une volonté délibérée de faire parler d’eux à tout prix, mais je crois qu’on écrit sur des choses qui nous plaisent et eux me plaisaient justement parce qu’ils étaient restés dans l’ombre, parce que finalement ils ne sont pas très très connus, ou alors par des initiés.  Et donc il y avait des choses comme m’attiraient chez eux : l’intelligence chez Elisée Reclus, sa malice ; chez Jackson C. Frank peut-être ce côté plus mélancolique, plus torturé, pourquoi sa vie avait marché ou pas marché comme sa musique. Ce goût pour des gens qui sont dans les marges, un petit peu à côté.

– Ce goût aussi peut-être pour aller chercher les signes de ce qui, dans leur vie, allaient indiquer leur destin. On le voit surtout dans Elisée où vous parlez beaucoup de son enfance. Dans Jackson C. Frank vous allez plus loin dans sa vie. Mais on s’attache à des petits épisodes qui sont déterminants selon vous dans ce qu’ils sont devenus.

– Oui, finalement je m’attache beaucoup aux épisodes qui sont considérés comme historiquement vrais, mais j’essaye de les réinterpréter un peu différemment de la manière dont ils sont présentés habituellement pour essayer de reconstruire leur vie. Elisée, effectivement, c’était très fragmentaire. C’était des bouts de son enfance pour sa construction d’adulte. Et là, Jackson C. Frank, ça prend place tout au long de sa vie. Mais j’avais envie, exactement, avec des petits signes, des événements, qui permettent une compréhension possible de ce qu’ils sont devenus après.

– Qu’est-ce qui vous a donné à vous l’envie d’écrire ? Est-ce que c’était un rêve de gosse ou est-ce c’est arrivé un peu par hasard ?

– Je ne sais pas si c’était un rêve de gosse, c’était une activité d’enfant. J’écrivais beaucoup, j’ai toujours écrit, mais des petites choses, des petites notes, de la poésie, comme tout le monde à un certain moment, sauf que souvent les gens s’arrêtent et puis moi je continuais à en écrire, mais dans des carnets, simplement moi, des petits fragments, des choses que je notais, que je remarquais. Et au fur et à mesure, avec le temps, j’ai senti que j’avais une envie, grande, quelque chose qui grandissait, qui était plus important, mais je ne savais pas trop quel chemin prendre pour écrire quelque chose de plus gros, de plus long.

– Quelque chose que vous imagineriez publié ?

– Je ne sais pas si le premier, on l’imagine publié. En tout cas, un roman, un texte, un récit, et donc voilà, je prenais ces notes, et à un moment donné y’a eu un déclic où je me suis dit, en fait je peux oser, je peux essayer de le faire moi aussi.

– Alors aujourd’hui, quelle place prend l’écriture dans votre vie puisque vous avez un métier par ailleurs, vous travaillez à la Cour administrative d’appel de Nantes ? Quelle place ça prend dans votre vie l’écriture, et aussi la promotion des livres puisque La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank vient de sortir, vous faites la promo un peu partout en France. Quelle place ça prend ?

– Ça prend du temps, et il faut s’accommoder. En ce moment, j’ai la chance de pouvoir être à mi-temps depuis le mois de septembre, donc ça me permet vraiment d’équilibrer la fin de l’écriture du troisième livre, le début des idées pour le quatrième, les choses qu’on me demande parfois, les articles dans des revues, des textes pour d’autres événements, par exemple avec La Maison de Julien Gracq, et puis la promotion évidemment.

– A ce que je vois, vous lisez beaucoup. J’ai même lu dans un article que vous lisiez plusieurs livres en même temps.

– Je lis toujours trois livres en même temps. Je ne les débute pas forcément en même temps et je ne les termine pas en même temps, mais j’essaye – enfin les choses se font comme ça – d’avoir toujours un récit, de la poésie, et puis un essai.

– Vous avez des exemples de lecture qui vous ont marqué ?

– Des livres qui m’ont marqué, et notamment dans l’écriture de La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank, il y a ce livre de James Sacré, America Solitude. C’est un poète français que j’aime beaucoup, qui a été le déclencheur de pas mal de choses.

– Pourquoi il a un lien avec Jackson C. Frank ?

– C’est dans la manière dont il parle des paysages. J’aime beaucoup les paysages, je lis beaucoup d’écrivains des paysages, comme Jean Giono, Julien Gracq. Et lui avait une manière de parler des paysages américains qui me touchait beaucoup.

– Un autre ?

– Alors, celui-là, c’est un quatrième registre. C’est la correspondance. Une correspondance de deux écrivains, Michel Butor et Georges Perros. Je suis tombé amoureux des correspondances il n’y a pas très longtemps, ça fait six ou sept mois, en commençant par la correspondance entre George Perros et Bernard Noël. Et je trouve que ces correspondances, quand on voit les amitiés naître, ces écrivains, ces petits choses évoluer, c’est vraiment fascinant. Michel Butor est très connu, Georges Perros l’est un peu moins, et je trouve que c’est quelqu’un de très sensible, de très délicat, avec un sens de la formule qui est assez rare. C’est vraiment un écrivain que je recommande à tout le monde. Pierre Michon, Rimbaud le fils, c’est le livre qui m’a beaucoup marqué. Je ne relis pas beaucoup, mais celui-là je le relis. Je viens de le relire la semaine dernière, je l’avais lu il y a quatre mois. C’est un livre qui a un souffle incroyable, une manière de dire les choses, de faire avancer un récit, autour de la figure de Rimbaud, mais en disant des choses qui ne sont pas celles qu’on s’attend forcément à trouver, sur Rimbaud. Il y’a évidemment toute la vulgate officielle, mais y’a des tas de choses à côté, je trouve que c’est un livre magnifique.

– On a quitté votre domicile et on est dans le centre de Nantes. On se dirige vers la librairie Coiffard, rue de la fosse. Pourquoi on va là justement ?

– Parce que les libraires, c’est fondamental quand on écrit des livres. C’est vraiment eux qui parlent de nos livres, eux qui font découvrir nos livres aux lecteurs. C’est eux qui s’intéressent, qui sont au bout de la chaîne après l’éditeur. Et la librairie Coiffard en particulier car ils ont beaucoup soutenu le premier livre, Elisée, avant les ruisseaux et les montagnes. Ils l’avaient sélectionné pour un prix l’année dernière en fin d’année et ils ont très bien accueilli le nouveau aussi. On a fait une rencontre avec mon éditeur et une autre auteur chez eux il y’a deux semaines, donc c’est un endroit où on se sent bien accueilli, on s’y sent bien. Et puis il y a des livres partout. C’est très agréable.

– Un petit mot du livre qui se trouve justement sur les étals de Coiffard, La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank, qui a eu le coup de cœur des libraires. Comment vous avez découvert l’existence de ce chanteur-là ?

– En fait, ça fait une quinzaine d’année que j’ai son unique disque à la maison, parce que j’écoute beaucoup de musique folk, j’écoute beaucoup Nick Drake qui avait repris des morceaux de Jackson C. Frank. C’est par ce petit phénomène-là que je l’ai découvert. C’est in disque qui était dans ma vie depuis une quinzaine d’année.

– En tant que lecteur, on se pose toujours des questions. Est-ce que c’est vrai, est-ce que c’est pas vrai ? On est parfois obligé d’aller vérifier, notamment l’épisode avec Elvis Presley. On se dit, c’est dingue cette histoire, la rencontre à Graceland avec Elvis Presley. Est-ce qu’elle a vraiment existé ? Et bien quand on fouille, et bien oui.

– Il a vraiment eu une existence faite de très grands malheureux et de très grands hasards un peu miraculeux. Il va à Graceland, il visite la maison et il tombe nez à nez avec Elvis. Ils prennent une photo. Lui, il est un peu malheureux, un peu adolescent mal dans sa peau. Et puis Elvis est fringuant, la plupart des événements que je mentionne sont des choses qui sont déjà arrivés, mais l’interprétation que je fais des ces événements, comment les lier les uns aux autres. C’est vraiment, de temps en temps, j’invente un peu. Mais entre ce qui est un peu vrai, un peu faux, la frontière est ténue.

– Mais le lecteur va aller faire ses recherches. Ça vous amuse de vous dire que le lecteur va aller faire ses propres recherches ?

– Oui, ça me plaît qu’il puisse faire cela. Et puis d’ailleurs il va trouver assez rapidement tous les éléments un peu importants de la vie de Jackson C. Frank. Après, moi ce qu’il me fait plaisir, c’est quand les gens me disent « Je ne le connaissais pas, je suis allé écouter. » Même les gens qui trouvent qu’il y’a une correspondance entre son disque et l’écriture, alors que ce n’est pas quelque chose qui a été pensé comme ça au départ.

– En tout cas, vous l’aurez compris, on vous recommande chaleureusement la lecture de La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank mais aussi le premier livre, Elisée, avant les ruisseaux et les montagnes. Merci beaucoup Thomas Giraud de nous avoir accordé votre temps, et à bientôt pour votre troisième livre ! »

Emission présentée par Anne-Lyse Thomine à revoir ici.

En attendant Nadeau

En attendant Nadeau

Lumière de la musique par Sébastien Omont


Lumière de la musique par Sébastien Omont


La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank est la biographie subjective d’un musicien de folk dont le talent finit par s’évaporer comme le brouillard au-dessus d’un lac : à force d’immobilité. Cette destinée abîmée dessine comme l’envers obscur de la trajectoire puissante de Bob Dylan. Par la grâce d’une écriture concentrée en images sur le corps et les sensations, Thomas Giraud arrive à nous rendre lumineuse une silhouette fragile, et à représenter la musique comme couleurs, odeurs et formes.

 

 

L’enfance de Jackson C. Frank (1943-1999) prit fin brutalement : la chaudière de sa classe de musique explosa quand il avait quinze ans. L’accident fit quinze morts, lui laissant de graves brûlures au front et à la poitrine qui nécessitèrent des greffes de peau et de longs mois d’hôpital. La peau des greffes fut découpée sur sa cuisse, ce qui provoqua – on était en 1954 – une raideur permanente de sa jambe gauche.

 

Thomas Giraud part de l’hypothèse que cet événement fut à l’origine de la vocation de Jackson. Non seulement par le don d’une guitare qu’un oncle lui fit pour occuper les longues journées d’ennui à l’hôpital, non seulement par le choc psychologique, mais surtout par les transformations du corps. La faiblesse nouvelle de sa jambe : « Il ne peut plus grimper aux arbres, danser, s’asseoir en tailleur, aller à la piscine, courir sur une piste d’athlétisme, ni même courir tout court. Son corps n’est plus modifiable, ses limites sont déjà connues, fixées. Il ne pourra que faire à la marge, et le plus souvent sans le corps, avec des astuces. Une grande raideur, figée, s’est installée », tandis que son visage changé lui confère une double étrangeté : « Il lui faut aussi adopter ce presque nouveau visage, cette partie trop tendue de sa peau sur le haut de son front. Cette couleur un peu plus claire de la peau de la cuisse qui a moins connu le soleil. Faire comme il peut avec cette nouveauté de lui-même, oublier le plus possible le regard des autres sur cette partie de peau qui chauffe, jaunit et rosit de manière disgracieuse quand elle est regardée ».

 

Ces altérations vont dans le sens de la timidité de son caractère, le vouent un peu plus à l’ombre. Comme sur cette photo des enfants blessés dans l’accident où on l’a relégué au fond, parce que l’Amérique des années 1950 préfère voir des visages souriants plutôt que des stigmates, suppose Thomas Giraud. Le texte frôle cette silhouette, ce corps, sa façon d’occuper l’espace, de trouver des moyens de se tenir droit.

 

Les blessures, le traumatisme, lui valent cependant des compensations encourageant son goût naissant pour la musique : une guitare neuve, une visite de la maison d’Elvis Presley. Il existe une autre photo de Jackson où on le voit de nouveau « dans l’ombre », cette fois l’ombre du solaire Elvis. Car le jeune garçon a eu la chance de passer une après-midi avec le chanteur, de jouer sur ses guitares, de bénéficier de ses conseils. Tout concorde. Son destin semble tracé. L’accident l’a conduit du côté de la musique. Il sera artiste, puisque même l’espace américain qu’il traverse lui est donné par le biais de la musique folk, « les plaines des chansons traditionnelles » : « Jackson expérimente à travers le pare-brise des paysages qu’il ne connaît pas mais qui pourtant lui sont familiers. Ressentir, comme l’aurait chanté Woody Guthrie, que This Land Is Your Land ».

 

Pour trouver sa voie, il lui faut maintenant inventer ses propres chansons, découvrir plus qu’un style : une structure. Thomas Giraud imagine qu’un tableau de Rothko constitué de deux rectangles orange et jaune lui révèle « la nécessité d’une forme géométrique, bien délimitée, pas trop grande pour encadrer et rassurer ses chansons », du côté d’une certaine sobriété, d’une économie aussi qui caractérisera ses compositions. Mais la blessure, la greffe, est encore ce qui détermine Jackson dans sa recherche d’une expression artistique : « Orange and Yellow ressemble à ce qu’il croit voir de son bout de peau lorsqu’il essaie d’en comprendre les contours en partant de l’intérieur de lui-même : il lève la pupille gauche vers le haut de son œil, et lit, sous son front, la forme de peau changée. Le bout de peau et les formes du tableau réussissent à aplanir toute fragmentation et font avancer et reculer la couleur, toujours dans ce dégradé d’agrumes. Au pied de la lettre, c’est une révélation. »

 

L’auteur parvient à exprimer à la fois précisément et poétiquement le lien entre l’extérieur et l’intérieur, entre le corps et l’esprit, entre la biographie et l’œuvre. Depuis l’incendie, Jackson garde en lui l’odeur de la suie, le goût de la cendre. Les senteurs de l’eau, cet élément qui combat le feu, qui dans le livre est du côté de la stagnation, de la permanence, reviennent aussi souvent. Le jeune musicien va chercher à exprimer dans ses morceaux « ce que l’on ne chante pas. Dire des peines profondes, sourdes, effroyables parfois, parler du feu dont Je sens les braises froides, de la peau déplacée. Il voudrait raconter même si ce n’est pas bien clair dans son esprit ».

 

Toutes les fées semblent se pencher sur son berceau. À sa majorité, il touche une indemnisation non attendue, une fortune qui lui permet de vivre comme il veut, d’acheter les voitures de luxe qu’il aime. De partir pour Londres où, après Elvis, il rencontre un second parrain musical, Paul Simon, qui produit son unique album. Il sort avec Sandy Denny, une chanteuse qui va faire d’une de ses chansons un succès.

 

Mais à partir de là, la machine se grippe, s’enraie, la belle histoire ralentit, s’arrête. Le disque n’a pas d’audience. Si les compositions de Jackson ont la mélancolie intemporelle et la perfection close sur elle-même qui vont faire de « Blues run the game », « Milk and Honey » ou « My name is Carnival » des classiques, il leur manque ce qui commence à caractériser l’époque (on est en 1965) : l’innovation, l’expérimentation, l’excitation.

 

Ici apparaît celui qui semble partout précéder Jackson, être toujours en avance sur lui. Celui qui ne fait du jeune homme brûlé qu’un double, une ombre. Bob Dylan a deux ans de plus que Jackson. Celui-ci va l’entendre, et le choisit d’emblée comme aune à laquelle se mesurer : « Jackson est séduit et sûr de lui, Je veux faire la même chose. En beaucoup mieux. Ce qui pour lui veut dire chanter de manière plus appliquée, poser sa voix, être plus juste, plus en rythme, plus droit. Que la musique ne soit pas si oscillante. » Mais c’est justement parce que Dylan oscille qu’il y a dans sa musique « une promesse de choses en mouvement que l’on ne sent pas chez Jackson alors que tout le monde n’attend que ça ». L’autre, le rival, a enregistré Highway 61 revisited quelques mois avant l’album de Jackson, ce qui rend celui-ci obsolète avant même sa sortie.

 

Il y a de la raideur chez Jackson. Pas de mouvement. Pas le souffle de l’époque en marche. Il passe de plus en plus de temps au bord des lacs du nord de l’Angleterre, à ne rien faire, à retrouver l’atmosphère humide de sa ville natale, Buffalo, coincée entre les lacs Ontario et Érié, « ces odeurs qui fermentent, cette impression de renoncement du lac, ce vieillissement tranquille ». Il ne compose plus, rentre aux États-Unis. Par une ironie du sort, c’est à Woodstock qu’il s’installe. Au début des années 1970, on le voit passer « des heures, la nuit, devant le seul feu de signalisation de Woodstock à guetter le fugace passage à l’orange qui lui fait faire, à chaque fois, un petit saut ». Toujours sur place. Paradoxalement encore, c’est dans Times Square, au cœur de New York, ville-phare de l’art, qu’il touche le fond et devient SDF.

 

Thomas Giraud n’essaie pas d’expliquer ce ralentissement, cet enlisement après un départ vibrant. Il le raconte à travers une écriture brillante de clarté à force d’être concrète, donnant à percevoir les couleurs, les odeurs, le poids des matières et des gestes. La beauté du livre tient à la proximité qu’il établit avec la trajectoire d’un homme blessé, sans jamais le juger, en le montrant. Et tient aussi au fait qu’il tente de représenter ce qui peut difficilement être cerné : le processus de la création artistique.

 

Sébastien Omont

 

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Soubresaut

20 mars 2018

Thomas Giraud a sorti La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank, aux éditions La Contre Allée : un livre qui retrace avec justesse l’histoire de l’artiste américain de musique folk.

20 mars 2018

Thomas Giraud a sorti La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank, aux éditions La Contre Allée : un livre qui retrace avec justesse l’histoire de l’artiste américain de musique folk.

De la destruction vient la création. L’histoire de Jackson C. Frank, racontée par Thomas Giraud, commence par un incendie. S’ensuit un séjour à l’hôpital et une greffe de peau qui le marque à vie, physiquement et moralement. Puis la première guitare, la rencontre avec Elvis Presley… Jusqu’à ses premiers enregistrements, pour le moins très inhabituels !

Du détail des sensations du jeune musicien à vivre avec ses « morceaux de peau » à ceux de sa ville natale de Cheektowaga, le récit sonne juste, comme si l’auteur était là, tapis dans l’ombre de Jackson C. Frank à suivre ses moindres pas et respirer le même air.

L’écriture de Thomas Giraud est fluide, poétique (d’une poésie sans prétention, sans effets de style recherchés) ; le jeu sur la typographie est intéressant : exit les guillemets qui cassent le texte avec une ponctuation lourde, on marque la parole par une simple majuscule, dans un style indirect libre.

« Il lui joue un autre blues dont il a retrouvé le thème principal. Ils parlent d’Indiens aussi. C’est bien mon gars. On sent la musique. Elvis fait quelques pas de danse, bouge ses hanches qui ont l’air si souples, ses jambes toniques, sous les yeux envieux de Jackson. Il donnerait presque des cours de danse à Jackson s’il n’avait un sursaut. Dans sa tête, Le gars boîte non ? Il se raidit vite, ralentit sa danse pour s’immobiliser tout à fait. »

Les éditions La Contre Allée – basées à Lille – sont à connaître. D’abord parce que le nom de la maison d’édition vient des paroles d’une chanson de Bashung ; ensuite, parce que leurs livres en tant qu’objet sont d’un design moderne, avec un graphisme recherché, sont de qualité, imprimé sur un beau Munken bouffant ; enfin, parce qu’un livre comme La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank laisse imaginer une ligne éditoriale des plus intéressantes.

« J’ai longé ton corps

Épousé ses méandres

Je me suis emporté

Transporté

Par delà les abysses

Par dessus les vergers

Délaissant les grands axes

J’ai pris la contre-allée

Je me suis emporté

Transporté »

« Aucun express », Fantaisie militaire, Alain Bashung

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Lecteurs.com

Cinq étoiles sur Lecteurs.com

Margot Cotrez

Le 18/03/2018 à 17h47

Ce roman retrace le destin malheureux de Jackson C. Frank, musicien folk américain dont l’ambition était de faire mieux que Bob Dylan et qui ne réussira jamais à percer.

Cinq étoiles sur Lecteurs.com

Margot Cotrez

Le 18/03/2018 à 17h47

Ce roman retrace le destin malheureux de Jackson C. Frank, musicien folk américain dont l’ambition était de faire mieux que Bob Dylan et qui ne réussira jamais à percer.

Le livre commence par un événement inattendu, Jackson qui a alors 11 ans va être victime d’une explosion qui a lieu dans une salle de son école à Cheektowaga. Il va survivre à ses blessures mais devra subir une greffe de peau au visage, stigmate qui le marquera à vie. Lors de son hospitalisation, son oncle va lui offrir une vieille guitare, cadeau qui sera une sorte de guide et orientera sa vie future.

Son parcours va être marqué par diverses rencontres décisives dont celle du « King ». A sa sortie de l’hôpital, sa mère l’emmènera visiter la maison d’Elvis à Graceland où Jackson aura la chance de le rencontrer et de partager quelques heures avec lui.

Quelques années plus tard, Jackson va toucher un chèque de dédommagement par les assurances d’un montant conséquent et fera le choix de partir en Angleterre, c’est là-bas qu’il rencontrera Simon et Garfunkel. C’est Paul Simon qui produira son unique album « Blues run the game» qui ne rencontrera jamais le succès tant attendu.

J’ai été touchée par les fragilités et les silences de Jackson, blessé à jamais dans sa chair et dans l’âme par son accident.

La plume de Thomas Giraud est sensible, délicate et d’une grande justesse. L’auteur réussit à être neutre et n’impose pas son point de vue. Il parvient à rendre un très bel hommage à ce musicien maudit, abîmé par la vie et donne envie à ses lecteurs de le découvrir. D’ailleurs, suite à la lecture du livre, je suis allée écouter la playlist créée par Thomas Giraud.

« La ballade silencieuse de Jackson C. Frank » est un livre qui marque les esprits et se lit d’une traite, je n’ai pas pu décrocher avant la fin.

Un énorme remerciement aux éditions « La contre allée. »

Pour lire l’avis directement sur le site, c’est par ici.

Ouest France – Le coup de cœur de Dominique A

Ouest France – Le coup de cœur de Dominique A

« Je suis en train de lire un très bon livre d’un nantais, Thomas Giraud, LaBallade silencieuse de Jackson C. Frank. Une biographie fantasmée d’un musicien. On sent qu’il aime son sujet, son personnage. »  

 

Après l’avoir évoqué dans l’émission La grande table sur France Culture, Dominique A confirme son coup de cœur dans Ouest France pour le dernier livre de Thomas Giraud. 

« Je suis en train de lire un très bon livre d’un nantais, Thomas Giraud, LaBallade silencieuse de Jackson C. Frank. Une biographie fantasmée d’un musicien. On sent qu’il aime son sujet, son personnage. »  

 

Après l’avoir évoqué dans l’émission La grande table sur France Culture, Dominique A confirme son coup de cœur dans Ouest France pour le dernier livre de Thomas Giraud. 


Alternantes FM

Extraits d’un dialogue entre deux chroniqueurs sur la radio AlterNantes le 03/03/2018 lors de l’émission Voyage au bout du livre : Des auteurs…des livres… 

Extraits d’un dialogue entre deux chroniqueurs sur la radio AlterNantes le 03/03/2018 lors de l’émission Voyage au bout du livre : Des auteurs…des livres… 

Amandine Glévarec nous parle de La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank de Thomas Giraud. (pour écouter l’émission en entier, c’est par ici.)

 » – (…) On a peu de choses. D’ailleurs dans son roman, Thomas ne pouvait pas en dire plus. 

– Mais non parce qu’en fait on n’en sait pas tellement. C’est là que ça devient intéressant d’un point de vue stylistique. Thomas intercale des passages au « il » puisque c’est vraiment une biographie et il ajoute aussi des passages au « je » donc il prend vraiment possession de ce corps finalement, parce que c’est un roman qui est très charnel. La greffe de peau a été très importante dans la vie de Jackson. Je pense que ça a été un déclencheur aussi. Finalement il était mal dans sa peau et c’était vécu comme cela. Donc cette façon d’intercaler des « je » aussi, de se mettre à la place de son personnage, parce que quelque part il faut bien aussi combler des trous. C’est une biographie qui est totalement incomplète. (…) De tout ce livre sort une mélancolie. (…)

– Encore un mot peut-être Amandine sur ce livre. Globalement, c’est un livre que tu as bien aimé. C’est un tour de passe-passe quand même de faire un livre qui n’est pas une biographie d’un chanteur mais un livre inspiré librement du peu de la vie que connaissait Thomas Giraud de ce personnage-là.

– C’est un hommage certainement d’une part. Et puis ce qui est intéressant, c’est vraiment l’écriture de Thomas, pour en venir vraiment à un point de vue littéraire. C’est vrai qu’il y’a une mise à distance toujours. J’ai beaucoup beaucoup aimé cette alternance de « je ». On ne sait plus si c’est Thomas qui parle ou si c’est Jackson en fait. « 

Ouest France

Ouest France

Le Petit Carré Jaune

La Ballade silencieuse de Jackson C. Franck – Thomas Giraud, par Sabine Faulmeyer  (26/02/2018)

La Ballade silencieuse de Jackson C. Franck – Thomas Giraud, par Sabine Faulmeyer  (26/02/2018)

« Dans cinquante ans, quand l’histoire n’aura laissé de ces années que de blocs de quatre ou cinq années, quand l’urgence de la nouveauté n’aura plus de sens, on l’écoutera différemment. On entendra la souffrance pudique, la dignité des détails précieux de cette mélancolie sans outrance et l’application émouvante à vouloir bien-faire. Bien faire voulait dire pour lui Une brise fine, une légèreté appliquée, le contrôle sur à peu près tout. Ça aussi on l’entendra, avec le temps, et on comprendra ce qu’il y a de beau dans cette abnégation laborieuse. »

Il est des romans comme des vieux blues grésillant sur une platine semblant sortie d’un disquaire qui dégotte des pépites, une ballade semi-folk qu’on redécouvre un soir, un son, une écriture, un feu qui se nourrit au son d’une mélodie mélancolique, d’un désenchantement des jours qui passent et qui ne s’éteignent que sous l’incandescence de la vie. Il est des romans comme des vieux tubes qu’on n’ignorait mais qui sous un jour nouveau prennent leurs dimensions artistiques, pénètrent les âmes puissamment. Il est des romans comme des brûlures d’une sensualité folle qui mettent toute une vie à rester cette plaie ouverte, une claudication, une greffe, un tatouage chirurgical cicatrice qui marque à vie et donne toute la beauté à cette ballade silencieuse, sa sonorité du bout des doigts et des rifts, sa puissance ténébreuse et nostalgique.

31 mars 1954. Cheektowaga, près de Buffalo, Etat de New York. Une école dans une Amérique qui résonne et se déhanche aux airs d’un Presley débutant mais déjà au faîte de sa gloire. Une école comme une autre. Une date comme il y en a 364 autres aux calendriers des jours et des années qui passent. 08h30 « le silence de la salle de classe » et soudain l’explosion. 08h37 : La chaudière claque. « Même si on ne sait rien finalement ».

« Quelques secondes. Le feu. La fumée partout. D’autres secondes. Les flammes avalent la porte de la salle et lèchent les murs de bois que l’on commence à entendre craquer. Mrs Siebold entre en courant, hurle Cassez les fenêtres. Les vitres volent en éclats sous les coups des chaises, des cartables, des poings ensanglantés. »

La fumée envahit la salle, l’annexe, se disperse dans les coins, atteint les poumons. Les flammes  atteignent ceux qui n’ont pas le temps de sauter, d’évacuer, de se briser sur le sol dans la cour. La moitié des enfants finira à l’hôpital, les poumons enfumés ou de multiples contusions.  Jackson C. Franck, quant à lui, est gravement brûlé un peu partout sur le corps et en particulier sur la poitrine et le visage. Il subira une greffe, une partie de la cuisse recouvrant la poitrine, son front et une partie du visage.

Une brulure, une greffe comme une cicatrice à vie, une marque, une note de blues pour celui qui deviendra un guitariste nourrit de sa rencontre avec Presley, d’une guitare désaccordée offerte pour passer les jours de convalescence, des morceaux qui racontent la souffrance, les ballades loin du folk naissant. La musique de la mélancolie, la ballade silencieuse de Jackson C.Franck, le talent d’un homme qui ne sera jamais reconnu et qui aura pourtant côtoyé  les plus grands, les Dylan, les Johny Clash, enregistré un album produit par Paul Simon et Art Garfunkel, un homme qui aurait pu si son étoile n’avait pas brulé un jour de mars 1954. Un grand, un immense, l’auteur de « Blues Run the Game », son unique album, merveille d’une bande son de l‘après Woodstock. Une ballade silencieuse, mélodieuse comme il en existe peu. Un rift, une mélodie, une sensualité, une brulure qui reste longtemps.

Thomas Giraud a encore une fois écrit ce quelque chose qu’il est quasi impossible de résumer. Une ballade mélancolique qui nous transporte dans une telle profondeur, un tel silence, une vie qui aurait pu être immense et restera que celle d’un passage, de drames, de hasards et  de rencontres nourrissantes, une mélancolie nécessaire, belle, mélodieuse. Un silence comme une respiration vitale, une mélodie qui ne nous quitte pas comme il fut impossible d’oublier la naissance de cette passion musicale de Jackson C. Franck, l’homme aux doigts de feu.

Lire Thomas Giraud c’est entendre la pudeur du silence, la mélodie des mots qui se glisse auprès de nous, la délicatesse d’une plume qui vole et se pose à vos côtés. C’est entrer dans un territoire ou la langue se lit à vous, vous gourmande avec tendresse, résilience, élégance. Il y a du grand en lui, il y a une langue, une écriture, un certain envoûtement à cheminer dans ces mots, à entrer dans son monde où le mot humanité et poésie prend tout son sens. Il y a la beauté de son écriture, cette façon si intense et indicible de peindre les âmes humaines, de nous amener à  entendre et regarder ces êtres libres, fragiles et pourtant si fort, si fougueux et aimant de la vie.

Il y a deux ans, j’avais découvert la puissance de son premier roman, la beauté des chemins vers lequel il m’avait conduit. J’avais aimé Elisée avant les ruisseaux et les montagnes, comme on aime un personnage, on entre dans son costume, on épouse ses pas, ses mots. J’avais adoré au point de le défendre en librairie et de demander à Thomas de participer à un été carré jaune, chose qu’il avait accepté avec un sublime texte-journal de bord qui m’avait ramené vers Thierry Metz et son œuvre sublime.

Et je peux le dire de nouveau. Retrouver l’écriture de Thomas Giraud est un vrai bonheur, une poésie délicate, sensuelle, élégante, pudique. Une fragilité entre force et fougue, entre passion et feu libérateur, « un acte mesurable ». Suivez bien cet écrivain tout en retenu…. le petit carré jaune me dit qu’il ira loin. Tranquillement. A sa vitesse et son silence, sa retenue et sa discrétion, Thomas Giraud ira loin.  « Il s’est lancé, il a enclenché quelque chose, un mécanisme qui ne pourra pas s’arrêter. » (Et notons encore une fois le sublime travail d’éditions et de recherche de couverture, de graphisme, de qualité de papier et de format de la Contre Allée qui l’art de délaisser les grands axes pour prendre les chemins de traverse)

« Il voudrait s’emparer de ce que l’on ne formule pas d’habitude, de ce que l’on ne chante pas. Dire des peines profondes, sourdes, effroyables parfois, parler du feu dont je sens les braises froides, de la peau déplacée. Il voudrait raconter même si ce n’est pas bien claire dans son esprit Cette noirceur, la mienne, si particulière de la suie, celle qui me recouvre entier comme un mouchoir mouillé qui pénètre et transit toute la peau, juste ce qu’il faut pour rendre les os presque coupants prêts à être transpercés […] Il ne se sent ni l’envie, ni même les armes pour être provocateur dans ce qu’il chanterait ou dans la manière de le faire. Je ne cherche pas à me positionner répète-t-il, mais il voudrait plutôt s’inspirer de cette vigueur qu’il devine dans certaines postures afin d’éviter de chanter des mots blanchis, rendus fades et sans intérêt. Rester sur quelque chose d’essentiel et tranchant. »

Et lire le magnifique et émouvant hommage d’Isabelle Bonat Luciani

Pour lire l’article directement, c’est par ici.

L’Un Dans l’Autre (blog de Isabelle Bonat-Luciani)

La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank, de Thomas Giraud aux éditions La Contre Allée par Isabelle Bonat-Luciani (25/02/2018)

Cher toi,

La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank, de Thomas Giraud aux éditions La Contre Allée par Isabelle Bonat-Luciani (25/02/2018)

Cher toi,

Est-ce que toi aussi parfois tu te parles comme si tu attendais une réponse à venir de ta propre voix, même si elle est silencieuse tu le sais bien, mais quelque chose qui pourrait te surprendre parce qu’elle ne serait pas toi tout à fait ? Aujourd’hui, j’ai rencontré une part de silence, La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank, le deuxième opus de Thomas Giraud.

C’est toujours un moment d’impatience (et d’appréhension) d’ouvrir le second livre d’un auteur dont on a apprécié l’écriture à tel point qu’elle a laissé une empreinte en nous. Parce son Elisée [1] était venu sillonner des endroits, que cette ballade vient compléter d’une autre façon.

De Jackson C. Frank on a pu dire qu’il était « le plus connu des musiciens folk sixities dont personne n’ait jamais entendu parler », alors que son Blues Run The Game a été porté par Sandy Denny, Nick Drake ou encore Garfunkel.

Il n’est pas question ici de biographie mais de roman, de chair pourrait-on peut-être dire, de bouts de pensées qui ont pu traverser et forger cet homme si cela était possible, frappé dès l’enfance par l’incendie de son école ayant tout ravagé. Il portera la marque de cet incendie dans sa chair, creusée par une greffe de la peau de sa cuisse pour reconstituer celle de son visage.

Il sera celui qu’on place dans l’ombre sur les photographies prises à l’hôpital

« Et si la misère fait vendre, c’est uniquement dans certaines limites bien comprises. C’est parfait lorsqu’elle s’accompagne d’espoir et de l’impression d’une solidarité efficace, mais elle est invendable, même pour certains journaux peu regardants, quand tout parait achevé, ne présentant que la douleur de la chair à nu, des peaux calcinées. Les photographes installent Jackson dans l’ombre, au deuxième plan ou au troisième même si l’on peut ».

Il sera celui dont le centre de gravité aura irrémédiablement changé.

« Ce n’est qu’un bout de peau mais il change toute la structure due son corps, se fait le centre de gravité, dans tous les sens du terme, point de rupture et de tristesse donc, également. Ce bout de peau a tout réorienté. »

La chair est ce point de rupture, cette gravité dont chaque geste et chaque son de Jackson C. Frank porte la marque, elle sera aussi son autre visage, un cadre, un espace clôt où, comme dans une peinture de Rothko dans laquelle il se reconnait et qui donnerait la forme et la couleur de sa musique.

« tout est fait pour enchâsser Quelque chose dans quelque chose. Enferrer ma musique. Et puis ne pas en dire trop, être sobre et économe. »

C’est lors de son séjour à l’hôpital qu’on lui offre une guitare, puis lors d’une rencontre avec Elvis qu’il fera de la musique un espace où être, être et le devoir-être.

Si l’empreinte de ce roman a déjà fait son œuvre dans ma chair c’est parce qu’il sait si bien dire l’adolescence, Ils ne savent presque rien, restent en amont d’un désir quelconque sur ce qu’ils pourraient être, ce à quoi ils sont destinés, c’est aussi parce que les voix s’emmêlent et que la phrase de l’écrivain s’efface pour celle du personnage alternant les possibles  Pour la première chanson, pour sa première chanson, Pour ma première chanson, la main gauche moite sur le manche, sa respiration qui lui reste dans la gorge et les mots coincés en dessous ne l’aident pas,  

et c’est ainsi qu’on peut toucher au plus proche les silences de Jackson C. Frank.

C’est aussi parce que la musique est une sœur de l’écriture et qu’ici il est question de construction du musicien, de processus.

Une chanson pour tenir, pour être droite, et même pour bien tomber, un peu comme on le dirait d’un costume bien coupé, doit entretenir un lien étroit avec un cadre, même s’il ne sait pas quel lien ni quel cadre. 

Hier soir j’ai rencontré les silences de Jackson C. Frank sous l’écriture de Thomas Giraud et qui au matin, emplissent les notes si mélancoliques de cet homme à une époque où la lumière était probablement plus de mise que les ombres. Une question de retard, donc. Il semblerait qu’il n’y en ait jamais vraiment, puisqu’aujourd’hui, d’une certaine façon, sa musique nous est révélée par une autre voix/e. Rien n’est donc perdu, et surtout pas le temps qui à présent lui est immédiat.

[1] Elisée, avant les ruisseaux et les montagnes, Editions La Contre Allée

Pour lire l’article directement sur le blog L’Un Dans l’Autre, c’est par ici.

Un dernier livre avant la fin du monde

Thomas Giraud – La ballade silencieuse de Jackson C. Frank – Alexandre – 23 février 2018

Thomas Giraud – La ballade silencieuse de Jackson C. Frank – Alexandre – 23 février 2018

Je dois confesser ma paresse. Il y a quelques années, pendant ma période Bob Dylan (période de laquelle je ne suis jamais tout à fait sorti, même si j’écoute nettement moins souvent qu’auparavant Blonde on Blonde ou The freewheelin), je n’ai pas eu la curiosité de jeter une oreille attentive à tout le mouvement folk. A peine ai-je poussé jusqu’à Joan Baez ou Karen Dalton, mais je ne me suis jamais aventuré au-delà, délaissant les contrées muettes et obscures.

Quel tort ! Car alors, j’aurais croisé la route de ce musicien maudit, abîmé, désespéré : Jackson C. Frank. En creusant, à l’époque, je me serais passionné pour la vie cabossée de cet artiste errant dans les oubliettes musicales, de la même façon que je me suis passionné pour ces écrivains maudits dont la vie ne fut qu’un long et pénible chemin de croix (je pense ici très fort à Jean-Pierre Martinet et Frederick Exley, comme deux totems noirs surplombant les éclairages artificiels de l’immédiateté médiatique). Alors, je remercie très fort Thomas Giraud d’avoir eu l’excellente idée de redonner vie et de rendre hommage à ce musicien demeuré dans le silence.

Ne vous y trompez pas, La ballade silencieuse de Jackson C. Frank n’est pas une biographie (bien que le livre s’inscrive dans la collection La sentinelle des éditions la Contre Allée, consacrée « aux histoires et parcours singuliers de gens, lieux, mouvements sociaux et culturels). Non, cette Ballade est un objet littéraire et fictionnel. Le but est de combler, par la fiction, les trous que laisse, ça et là, l’énumération des éléments biographiques purs. Dans l’ordre : l’incendie originel déclaré dans la salle de classe du petit Jackson lorsque celui-ci a tout juste dix ans, l’hospitalisation, la greffe de peau pour reconstruire son visage en partie brûlé, la rencontre avec Elvis Presley, l’ambition de faire mieux que Bob Dylan, l’encaissement d’une cagnotte confortable tombée de nulle part, l’enregistrement d’un premier album avec Paul Simon, puis le néant.

Ainsi, le but de la fiction sera de répondre à la question que pose la vie tourmentée de Jackson : mais pourquoi diable n’a-t-il enregistré qu’un seul et unique album ? Que s’est-il passé ensuite ? Pourquoi ce retour au silence ? Thomas Giraud s’attarde donc sur les grandes lignes de la biographie du musicien, l’animant avec brio en rapportant, par quelques touches subtiles, d’hypothétiques paroles ou pensées. L’écriture est aussi délicate que le personnage est timide. Le but n’est pas de prendre toute la lumière, mais de se mouvoir sans difficultés parmi les ombres. Mieux même, d’avancer avec grâce.

C’est peut-être dans ce but que l’auteur préfère décrire minutieusement une photo marquante, celle témoignant de la rencontre entre Jackson et Elvis. Marquante car improbable (Jackson et sa mère se promènent dans les allées et couloirs de Graceland, avec autant de chances de tomber sur le King que de gagner à la loterie), marquante car point de départ véritable de l’ambition de Jackson. Certes, il a en tête de rivaliser avec Dylan, mais c’est à Elvis qu’il envoie les textes de ses premières chansons, quêtant un encouragement. Cette rencontre a tout changé pour lui, et la photo prise ce jour là est un événement central de sa vie. Ainsi, la photo est décrite dans ses moindres détails, le sourire, la posture, le grain de la peau, mais on ne la verra jamais. Ce qui illustre bien le personnage.

Jackson vivra de nombreuses années dans la rue, à New York, ânonnant aux carrefours ses chansons folk que trop peu de monde a entendues. Thomas Giraud arrête son récit à ce moment de la vie de l’artiste : indigent, clochard dans la grande ville, alors qu’il vient de perdre un œil et qu’il est pris en charge à l’hôpital.

Pourquoi l’auteur s’arrête-t-il à ce moment précis ? Pourquoi occulte-t-il la sortie des Enfers, Jackson prit par la main et reconduit à la surface par un fan de folk l’ayant reconnu ? Tout simplement car le sujet que Thomas Giraud souhaitait explorer est le silence. Mieux même, un oxymore : le silence d’un musicien. Jackson semble personnifier ce silence : un homme timide qui se réfugie dans le silence de la mer pour créer, le silence d’un studio pour enregistrer un album, le silence assourdissant de son impuissance le plongeant dans une ténébreuse dépression. Le blocage qui le laissera définitivement muet, sans aucun autre album. Alors, qu’importe le happy end, qu’importe la main tendue, puisqu’elle vient trop bruyamment inverser la courbe de la vie de Jackson. Le retour à la lumière (relatif tout de même, puisque Jackson ne restera connu que des musiciens ou mélomanes les plus pointus) paraît incohérent dans cette vie cabossée.

Celle d’un homme resté dans l’ombre, réticent à s’exposer, comme un soupir entre deux mesures.

Alexandre pour le blog Un dernier livre avant la fin du monde.

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Presse Océan

Presse Océan

Nantes Thomas Giraud, un nouveau livre et des rencontres

 

L’auteur nantais Thomas Giraud imagine à travers son nouveau roman, « La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank » ce qu’a pu être la vie tumultueuse de ce mythique compositeur folk américain des années 60, personnage intriguant qui n’aura réalisé qu’un seul album souvent repris par les plus grands, de Simon & Garfunkel à Daft Punk.

 

Nantes Thomas Giraud, un nouveau livre et des rencontres

 

L’auteur nantais Thomas Giraud imagine à travers son nouveau roman, « La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank » ce qu’a pu être la vie tumultueuse de ce mythique compositeur folk américain des années 60, personnage intriguant qui n’aura réalisé qu’un seul album souvent repris par les plus grands, de Simon & Garfunkel à Daft Punk.

 

Il sera en dédicace musicale avec Stéphane Louvain (French cowboy) le 23 février à La Vie devant soi (animée par Alain Girard), rue Joffre une autre à la librairie Coiffard, rue de la Fosse  le 13 mars.

 

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Sitaudis

La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank de Thomas Giraud par François Huglo – 18 février

La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank de Thomas Giraud par François Huglo – 18 février

Pourquoi Jackson C. Franck n’est pas devenu Bob Dylan ou, ce qui revient au même, why Dylan is Dylan. Pourquoi et comment ils se sont trompés : Jackson en 60 après avoir vu Bob sur scène : « Je pourrais faire aussi bien, je ferai mieux ». Paul Simon qui sent chez lui une rigueur, une raideur, une « honnêteté qui fait que la musique fonctionne ». Mais pas les critiques (Melody maker, le NME : « c’est un disque où il ne se passe rien, destiné à rester dans les marges, qui a le sérieux de l’impuissance »). De même que la responsabilité d’un acte repose moins sur ses intentions, conscientes ou non, souvent impondérables, que sur ses conséquences, plus calculables, « ce que veut dire un texte » ou un artiste importe moins que « ce qu’il peut dire » (Levinas). Comment souffler des questions dans le vent sans l’écouter, le flairer, l’accompagner, le devancer ? Mais Jackson C. Frank « n’est pas là pour séduire ».

Dans un précédent ouvrage, Thomas Giraud imaginait et reconstituait à la fois comment Élisée Reclus était devenu lui-même. Cette fois, il cherche à deviner pourquoi le destin de Jackson C. Frank ne pouvait être que ce qu’il a été. Formation et dynamisme dans le premier cas, répétition d’un traumatisme dans le second. Un traumatisme devenu trace physique et image mentale : un morceau de peau prélevé sur la cuisse, greffé sur le front, d’une matière aussi spirituelle que le « petit pan de mur jaune » du tableau de Ver Meer, qui fait dire au Bergotte de Proust : « c’est ainsi que j’aurais dû écrire ». Jackson C. Frank fixe son attention sur ce pan de peau sur le front, où il « semble chercher toujours quelque chose en levant les yeux », de même que Bergotte attache « son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu’il veut saisir, au précieux petit pan de mur ». Le peintre du Jackson C. Frank de Thomas Giraud n’est pas Vermeer, mais Rothko. L’œil suit sous la peau du front « des lignes reliées entre elles, une sorte de rectangle encore un peu bancal, un losange en transformation. Une forme géométrique qu’il se dessine mentalement ». Jackson règle sa vision « pour avoir l’idée du tableau de Rothko », qui lui donnera le début de sa première chanson, modèle immuable de toutes les autres.

Le traumatisme : il a onze ans quand une explosion met feu à la salle de classe. Il perd son ami Donald, qui chantait avec lui dans leur cabane, pour rigoler. Grand brûlé, il est opéré. Le bout de peau déplacé « change toute la structure de son corps », réoriente tout. Ce « point de rupture et de tristesse » lui donne « le charisme de celui qui est revenu d’un scalp ». Il garde un goût de cendre sur la langue. Un oncle lui offre une vieille guitare espagnole. Il n’ose la toucher, se rêve chanteur à guitare. Tenaillés par la culpabilité, ses parents remplacent l’instrument sans valeur par une Grestch Streamliner rouge, et emmènent leur fils à Graceland, visiter la maison d’Elvis. Jackson aime le folk, Hank Williams et Hank Snow, « mais Elvis est le roi ».

Premier miracle : l’incendie ne l’a pas tué. Deuxième miracle : il rencontre Elvis. « Il a ce sourire de vendeur de brosse à dents qui n’est pas seulement celui du VRP du rock’n roll ; ce sourire est aussi une certaine manière de dire aux gens, même sans les connaître, Je vous aime : il y a de la bienveillance sur ses joues potelées ». Un côté Mac Cartney ? Il « n’est pas encore ce mastodonte d’argent, de graisse et d’amphétamines, mais presque un jeune homme comme tout le monde, certes avec des moyens mais qui se souvient encore, c’était il y a peu, ce que c’était que de trimer pour obtenir un cachet, que faire la vaisselle ou plier ses chemises ». Il pousse la gentillesse jusqu’à passer l’après-midi avec Jackson, lui tend sa Gibson J-200 « où tout est facile », lui donne des conseils de composition. Ils parlent d’Indiens, Jackson joue un morceau de Pete Seeger, quelques blues. Il comprend que « pour tenir », une chanson « doit entretenir un lien étroit avec un cadre, même s’il ne sait pas encore quel lien ni quel cadre ».

Il entend Dylan à New York, veut « faire la même chose. En beaucoup mieux. Ce qui pour lui veut dire chanter de manière plus appliquée, poser sa voix, être plus juste, plus en rythme, plus droit ». Il oublie les conseils d’Elvis, mais trouve à l’Albright-knox Art Gallery de Buffalo, « une part de lui » dans un « tableau peint par un autre ». Un fond orange, un rectangle rouge et orange foncé, confirment son intuition : « la nécessité d’une forme géométrique, bien délimitée, pas trop grande, pour encadrer et rassurer ses chansons ». Le tableau de Rothko, Orange and Yellow, « ressemble à ce qu’il croit voir de son bout de peau lorsqu’il essaie d’en comprendre les contours en partant de l’intérieur de lui-même ». Levant l’œil gauche vers le bout de peau, il lit dans un « dégradé d’agrumes » ce qu’il est et ce qu’il doit être. À 21 ans, il reçoit un chèque destiné à couvrir l’indemnisation de préjudices évalués à 112000 dollars : troisième miracle. Il s’offre « la plus belle voiture du monde », une Jaguar Mark, embarque pour Londres car il veut trouver mieux. La traversée l’ennuie. Enfermé dans sa cabine, ses couleurs et sa géométrie mentales, il écrit « comme une machine » neuf morceaux en trois jours.

Sur une péniche à Kingston, La Barge, il teste sa première chanson, Blues Run the Game, « dans une indifférence discrète ou en tous cas avec le même plaisir que s’il chantait un autre —ce qui, au fond, n’est pas si mauvais signe (…). Il s’était fait une place dans le folk et personne ne s’en était rendu compte ». Il rencontre Paul Simon et Art Garfunkel. Paul croit en lui, « le couve, un peu inquiet, peinant à comprendre comment tout ce corps est uni ». Il « met Jackson au pied du mur en réservant et payant le studion de Levy’s Sound pour deux sessions de trois heures ». Son poulain ne peut enregistrer qu’entouré de paravents. Perdu dans l’espace du studio, il s’abrite dans celui d’un cercueil, reconstitue la cabine du bateau, la chambre d’hôpital, la cabane où chantaient les amis d’enfance, avec aux jointures les « teintes d’agrumes » du tableau.

Jackson offre à Paul « des arpèges aux sonorités presque religieuses » pour Scarborough Fair. Il sort soulagé du studio, comme après un examen qui, selon la critique, ne sera ni vraiment raté, ni réussi. Le succès ne vient pas. Jackson a loupé le coche. Techniquement, il est plus précis, plus complexe que Dylan, mais ses textes « se comprennent tout de suite », sans mystère, et il repousse « toute improvisation, tout laisser aller, toute fantaisie ». Dylan avance, sans arrêt, ajoute un mot pour tomber sur la douzième syllabe, l’inventerait au besoin comme Hugo son Jérimadeth. Il expérimente, quinze versions pour une chanson. « Il a la liberté et la confiance dans tout. Il croit au hasard et aux accidents d’enregistrement. Jackson est plus classique, c’est cruel ». Les labels veulent du vent, du feu, pas « l’eau du robinet ». Le quatrième miracle n’aura pas lieu. Quand Paul et Art, quand Sandy Denny, chantent Jackson, ce n’est plus Jackson. Manquent l’hiver, « la fièvre tabagique », le « léger mouvement de la mer et les incertitudes du déracinement à venir », l’odeur de chien mouillé.

Jackson boit et s’enfonce, « la forme géométrique n’y est plus ». Il quitte l’Angleterre. « Le bout de peau déplacé sur son front » semble s’être « mis sur sa bouche ». Il crie parfois, « se tait beaucoup ». À Woodstock, il revoit Art. Il cherche en vain Paul à New York. Sans domicile, il vend sa guitare, la carte postale d’Elvis. « Des jeunes gens dont il ne sait rien » lui tirent dessus, il perd l’œil gauche. L’hôpital le prend en charge, des médecins écoutent ce qu’il a à dire des couleurs et des formes géométriques. « Les souvenirs de ses onze ans » reviennent. Des miracles, que reste-t-il ? Peut-être ce que Thomas Giraud a capté. Proust dirait : « un rayon spécial ».

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Addict-Culture

La musique et la chair de Jackson C. Frank – Écrit par Adrien Meignan

Dans la lignée de son premier roman, Thomas Giraud nous raconte, avec La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank, la triste vie d’un chanteur folk américain qui marqua pourtant l’histoire de la musique. Au-delà du récit, l’écrivain nantais précise son style tout en délicatesses et fulgurances d’écriture.

La musique et la chair de Jackson C. Frank – Écrit par Adrien Meignan

Dans la lignée de son premier roman, Thomas Giraud nous raconte, avec La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank, la triste vie d’un chanteur folk américain qui marqua pourtant l’histoire de la musique. Au-delà du récit, l’écrivain nantais précise son style tout en délicatesses et fulgurances d’écriture.

Le livre commence par un incendie, celui du bâtiment en bois où le jeune Jackson suivait des cours de musique. Il passe 7 mois dans un hôpital, rescapé de l’incendie mais marqué dans sa chair. Tout cela n’a pas détourné son attention de la musique. Au contraire, les parents de Jackson vont être plus compréhensifs, faisant tout pour que leur fils dépasse ce début de vie chaotique. Son professeur va même lui offrir une guitare. Plus tard, Jackson C. Frank dira que sa vie était régulée par la chance, chance d’avoir pu réchapper à l’incendie, chance d’avoir rencontré le King Elvis lors d’une visite à Graceland et chance d’avoir obtenu un chèque de dommages et intérêts.

A partir de cette histoire, Thomas Giraud fait comme pour Elisée Reclus, il tisse tous les éléments biographiques et autres matériaux concernant Jackson C. Frank pour fabriquer un texte inédit, ni roman biographique, ni biographie romanesque. Lire ce livre est comme rentrer dans l’atelier de fabrication d’un musicien. La langue se rapproche de l’art du personnage sans pour autant l’imiter. Le ressenti que transmet Thomas Giraud n’est pas celui d’un musicologue. Il est celui d’un écrivain usant des phrases pour tisser l’imaginaire folk traversé par des figures comme Bob Dylan, celui que Frank ne pourra jamais dépasser, Paul Simon et Art Garfunkel ou encore Nick Drake.

Dans Elisée, avant les ruisseaux et les montagnes, le texte laisse éclore un rapport à la nature très fort, vecteur de créativité et de joie. Ici la nature est triste, elle n’aide pas l’inspiration mais provoque de la mélancolie. Ce qui s’échappe de ce texte est le rapport au corps, meurtri dès sa jeunesse, qui devient un sujet d’obsession. Le personnage de Jackson C. Frank voit dans la greffe de peau qu’il a sur le front un parallèle surprenant avec un tableau de Rothko vu dans un musée. Ce parallèle est comme l’unique moyen de considérer son corps et sa peau. Dans les mots de Thomas Giraud, ce n’est pas la chance qui rythma la vie du musicien, plutôt la déclinaison d’un être fragilisé par un incident originel. Il aura fait vibrer sa guitare, n’aura enregistré qu’un seul disque mais restera enfermé dans ce corps aux morceaux de peaux brûlées, jaune et orange.

Thomas Giraud nous a fait le plaisir de concocter une petite playlist où l’on trouvera ce qui a nourri et accompagnée l’écriture de ce livre (que vous pourrez aller écouter directement sur leur site en suivant ce lien)

 

Europe 1

Europe 1

Chaque week-end sur Europe 1, dans « La voix est livre », avec Nicolas Carreau, deux libraires partagent leurs coups de cœur.

 

Chaque semaine, des libraires extraient des pépites de leurs rayonnages. Ce samedi, Jérémie Banel, de la librairie « Fontaine », à Paris, et Anaïs Balin, de la librairie « L’Ecriture », à Vaucresson, nous dévoilent leurs choix dans La voix est livre, sur Europe 1.

 

La ballade silencieuse de Jackson C. Franck de Thomas Giraud, aux éditions de La contre-allée

Chaque week-end sur Europe 1, dans « La voix est livre », avec Nicolas Carreau, deux libraires partagent leurs coups de cœur.

 

Chaque semaine, des libraires extraient des pépites de leurs rayonnages. Ce samedi, Jérémie Banel, de la librairie « Fontaine », à Paris, et Anaïs Balin, de la librairie « L’Ecriture », à Vaucresson, nous dévoilent leurs choix dans La voix est livre, sur Europe 1.

 

La ballade silencieuse de Jackson C. Franck de Thomas Giraud, aux éditions de La contre-allée

« C’est le deuxième roman de Thomas Giraud publié chez cette maison d’édition. Il faut déjà regarder la couverture, que je trouve très chouette. J’ai aussi eu un énorme coup de cœur pour le titre. C’est assez poétique, d’autant plus quand on sait que Jackson C. Franck est un chanteur de folk, américain, qui a sorti un seul et unique album, Blues run the game, en 1965, dans l’ombre d’un certain Bob Dylan. Thomas Giraud va nous plonger dans le destin un peu hors du commun de ce chanteur. Gamin, il grandit dans l’état de New York, survit assez miraculeusement à l’incendie de son immeuble. Il apprend la guitare au cours de sa très longue convalescence. Jackson C. Franck part ensuite à Londres à 21 ans. Il chante dans les bars, va rencontrer Paul Simon qui, avec Art Garfunkel, va produire le fameux album. Ensuite, ça va être un peu la dégringolade », retrace la libraire Anaïs Balin.

 

Quant au travail d’écriture, elle ajoute : « Il y a quelque chose d’hyper poétique et je trouve ça génial de questionner le silence qui s’installe chez un musicien. Il y a aussi une sorte de motif géométrique et les couleurs jaune et rouge que l’on va retrouver en filigrane dans tout le roman. C’est lumineux et sombre en même temps. La mort de ce type-là va être aussi romanesque que son adolescence. C’est une pépite, entre délicatesse et rugosité. On peut écouter l’album en lisant le roman, ça vaut vraiment le coup. »

 

Pour écouter l’émission en intégralité, c’est ici.

Radio Eldorado

Extrait de l’émission de Pierre Lemarchand intitulée « ERRANCE #102 : DE JACKSON C. FRANK À JOY DIVISION » diffusée sur la Radio Eldorado à le 12 février. (lien)

Extrait de l’émission de Pierre Lemarchand intitulée « ERRANCE #102 : DE JACKSON C. FRANK À JOY DIVISION » diffusée sur la Radio Eldorado à le 12 février. (lien)

« Parait aux Editions La Contre Allée ce livre au si beau titre La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank. Il est signé Thomas Giraud et son contenu se révèle à l’aune de son intitulé : « une beauté grave d’une mélancolie attentive, d’une douceur précise. » La destinée du musicien américain Jackson C. Frank y est narré en même temps qu’imaginé. A l’instar de ce qu’il se trame dans la tête de Jackson sur le fil de la folie, Thomas Giraud mêle dans son récit réel et imaginaire. Si Jackson est un être qui aurait pu être reconnu, être heureux alors le livre qui se penche sur sa trajectoire se devait d’esquisser des possibles. Ceux qui connaissent la musique de Jackson C. Frank savent de quels drames fut tissé le drap de sa vie, de quels miracles aussi. (…) »

Nova Book Box (Radio Nova)

Extrait de la Nova Book Box du mardi 13 février par Richard Gaitet à écouter en entier sur Radio Nova (lien)

Extrait de la Nova Book Box du mardi 13 février par Richard Gaitet à écouter en entier sur Radio Nova (lien)

« Les paroles en l’air, ça me sidère, ça me scie. Mais si on se taisait ? (…) Et si on essayait d’être complètement silencieux. La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank, c’est le titre de la « tentative d’explication subjective » publié par l’écrivain nantais et docteur en droit public Thomas Giraud aux Editions La Contre Allée à propos des errances mutiques de Jackson C. Frank, ce grand brûlé de la folk américaine. (…) Jackson C. Frank enregistra un seul véritable album aux alentours de 1965 à Londres produit par Paul Simon, un disque qui lui vaudra l’admiration de Nick Drake qui chantonne ses refrains, le compère de Paul Simon, Art Garfunkel ou de l’animateur radio John Pill. Mais c’est ce qui se passe après qui semble interloquer l’écrivain français Thomas Giraud. Jackson C. Frank s’avère incapable d’écrire quoi que ce soit par la suite comme s’il était atteint d’une paralysie extrême, de la page blanche. Et Jackson C. Frank va progressivement glisser dans une dépression qui va le murer dans un silence créatif quasiment total. La suite est irrémédiablement faite de malchances terribles. (…) Dans son livre, Thomas Giraud s’interroge sur les états d’âme de ce barde malheureux. »

François Bon (Youtube)

Extraits de la vidéo de François Bon :

Extraits de la vidéo de François Bon :
« Thomas Giraud! Ah, je l’attendais! (…) J’ai mis des années et des années à savoir qu’il y avait quelque chose à savoir sur Jackson C. Frank. Mais quoi? Presque rien. De ce presque rien, Thomas Giraud (On en a parlé il y’a un an, il a sorti un très beau bouquin sur Elisée Reclus (…) magnifique portrait d’Elisée Reclus) C’est son deuxième livre, du même éditeur, Editions La Contre Allée. C’est aussi un travail magnifique d’ailleurs : les rabats, les matières, et puis là au moins c’est imprimé de façon à ce qu’on puisse lire. C’était le truc de Flaubert, qu’un livre tienne sur rien, que le sujet d’un livre, le mieux c’était rien. Vous prenez la vie de Jackson C. Frank, il y a trois articles, c’est-à-dire de quoi remplir trois feuillets. Et lui, Thomas Giraud, qui a trente balais, qui n’a pas connu ce truc de Blues Run the Game, voilà qu’il fait 160 pages sur ce thème-là. (…) ça, c’est ce qui va être dans le sac pendant mes heures de train.. »
François Bon, sur sa chaine youtube
Radio Campus Lille – Emission littéraire Paludes

Radio Campus Lille – Emission littéraire Paludes

PALUDES 857 du vendredi 9 février 2018 sur Radio Campus Lille

 

PALUDES 857 du vendredi 9 février 2018 sur Radio Campus Lille

 

« (…) C’est donc à toute cette existence, avec ses béances, avec ses fragilités, ses doutes et ses incertitudes, avec tous ses manques, que Thomas Giraud construit un roman d’une très très grande sensibilité. (…) Ce personnage, malgré ces effets flamboyants très épisodiques, est surtout une créature de l’effacement et du silence qui le recouvre. Alors il reste ce merveilleux album Blues Run The Game et surtout cette manière d’entrer dans l’existence de ce personnage, de cet individu. Je ne veux pas trop en dire de tout ce que construit Thomas Giraud parce qu’il faut y aller par petites touches et appréhender ce qu’il se cache derrière cette peau transformée, dénaturée par le premier incident, et puis petit à petit comment la musique sort de ses mains, comment elle arrive à affleurer dans son existence et à la transformer petit à petit, comme une vague qui se retire, le silence revient. C’est un texte bouleversant que j’ai lu d’une traite et qui a été accompagné de l’écoute de ce Milk and Honey qui ne cesse de me bouleverser. Un très beau livre qui préfigure l’entrée en 2018 des éditions La Contre Allée qui fêtent leur dixième anniversaire. »

L’extrait sonore de l’émission est audible en intégralité (12 minutes) dès maintenant sur le site Internet de Paludes sous la forme d’annexes MP3. Cliquez sur le lien pour y accéder et écouter l’émission consacrée à La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank de Thomas Giraud : Paludes 857.

Retrouvez l’émission littéraire Paludes en intégralité sur le site Internet de Radio Campus Lille à partir du samedi 10 février 2018, pendant deux mois, dans la grille des programmes (Archives).

 

Des informations plus précises sur le site de l’émission Paludes.

Bonnes feuilles et mauvaises herbes

LA BALLADE SILENCIEUSE DE JACKSON C. FRANK, DE THOMAS GIRAUD

article datant du 7 février 2018 • par antoinelibraire

La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank est un récit qui imagine ce qu’a pu être la vie de cet auteur compositeur interprète folk américain – contemporain de Bob Dylan – à travers ses drames, ses hasards, ses rencontres… Surtout, ce texte tente de comprendre comment il put concevoir son seul et unique album et ensuite tomber dans le silence et l’anonymat.

LA BALLADE SILENCIEUSE DE JACKSON C. FRANK, DE THOMAS GIRAUD

article datant du 7 février 2018 • par antoinelibraire

La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank est un récit qui imagine ce qu’a pu être la vie de cet auteur compositeur interprète folk américain – contemporain de Bob Dylan – à travers ses drames, ses hasards, ses rencontres… Surtout, ce texte tente de comprendre comment il put concevoir son seul et unique album et ensuite tomber dans le silence et l’anonymat.

MON AVIS : rescapé de l’incendie qui ravagea son école et tua son ami, le jeune Jackson sera marqué à vie, tant physiquement, malgré les opérations, que moralement, on le serait à moins. Une guitare offerte par son oncle lui permettra de traverser la convalescence, et scellera son destin.

Né dans les flammes, il aurait pu être l’égal de Bob Dylan, à qui il est comparé par les connaisseurs. Il aurait fallu pour ça qu’il soit un personnage de roman. Mais Jackson C. Frank fut bien réel. Et c’est son destin que nous raconte, superbement, Thomas Giraud .

D’une écriture fine et pudique, il nous raconte ce qui aurait pu être une success story de légende, mais qui se termine dans la misère la plus totale dans les rues de New York.

Une enfance marquée par cette explosion dans son école, la longue convalescence, cette peau extraite de sa cuisse pour reconstruire son visage, tout cela nous est décrit avec sensibilité et beaucoup de grâce par l’auteur, qui réussi à nous faire entendre aussi bien la musique que les silences de Jackson C. Frank.

Vous croiserez Elvis, Bob Dylan, Simon et Garfunkel. Vous y rencontrerez surtout Ce chanteur qui aurait pu….

« La ballade silencieuse de Jackson C. Frank » est à ranger parmi les plus belles biographies, celles qui, la plupart du temps, nous parlent des perdants magnifiques.

Pour lire directement l’article, c’est par ici.

Chien de lisard

Jackson C. Frank: quand on n’est pas Dylan

 

Jackson C. Frank: quand on n’est pas Dylan

 

Jackson C. Frank est l’un des plus inconnus des musiciens culte. Ce chanteur folk est pourtant l’auteur d’au moins deux « standards » de la musique folk, Blues run the game et My name is carnival. Jackson C. Frank y inventait, dit-on, une nouvelle forme de mélancolie, lui donnait ses couleurs personnelles de braise froide et un certain mouvement de mer, et cette application d’artisan qui le distingue de Bob Dylan. Après son premier livre, un essai rêvé autour du géographe Elisée Reclus, Thomas Giraud met en oeuvre la même méthode personnelle, ni biographie ni essai historique, pour tenter de comprendre l’apparition et le retrait de Jackson C. Frank.

Né à Buffalo en 1943. Jackson C. Frank grandit dans la petite ville de Cheektowaga, non loin des chutes du Niagara. Quand son école brûle, il fait partie des survivants. Une guitare offerte par l’un de ses professeurs vient éclairer sa douloureuse convalescence. C’est l’époque où Elvis Presley devient le king: Pour fêter le retour à la maison, la mère de Jackson offre à son fils une visite à Graceland. En cette résidence royale, l’incroyable rencontre fortuite a lieu entre l’enfant brûlé et la jeune star, qui passe quatre heures avec lui et sa guitare.

Commence la période bénie du jeune musicien, que Thomas Giraud sait analyser de cette manière quasi médiumnique qui avait déjà fait merveille avec Elisée Reclus. Car l’essentiel de son analyse, si elle met en mouvement des blocs de biographie bien identifiés, tient dans une sorte d’empathie imaginative avec ce personnage aux couleurs pastel.

Paul Simon sur sa route

 

Devant un tableau de Rothko, couleur peau et Bétadine, il découvre « la nécessité d’une forme géométrique pour encadrer et rassurer ses chansons ». L’auteur nous fait entrer dans la vision interne du musicien, repérant sa fixation objectale sur ce morceau de peau qu’il a greffé au front et qu’il semble fixer de l’intérieur… Un artiste ne naît pas au monde sans ce fin ajustage de ses capteurs sensoriels, de ses infirmités, de ses blessures sur ce grand tout qu’il s’apprête à chanter. Mais voici que l’argent de l’assurance tombe. Fortuné et fou de voitures, Jackson prend le bateau pour se rendre à la concession londonienne de Bentley, et à bord, fixant une sorte de losange hallucinatoire apparu mentalement, écrit ses premières chansons. Cela sonne comme du Pete Seeger. Il se glisse dans l’universel folk, avec son look de séminariste, son air « d’échassier égaré ». Nous nous l’étions peut-être imaginé enfant noir? Voici que Thomas Giraud nous le montre, « blond comme les blés, beau comme un astre (…) qui boîte et se balade en automobile de luxe ».

Son chemin croise celui de Paul Simon, déjà en route pour la gloire. Paul lui loue un studio encore tout chaud des traces d’un « jeune loup frisé » appelé Dylan. Paul sait le dorloter, l’enfermer dans un cocon de paravents pour qu’il accouche de son album. C’est magnifique, Blues run the game sort de sa gangue, Jackson se coule dans le swinging London, claque sa fortune, et puis sans prévenir, c’est l’échec. L’album sorti en décembre 1965 fait un flop. La critique flingue le chanteur à la Bentley. Diagnostic? Thomas Giraud: « Il y a une promesse de choses en mouvement que l’on ne sent pas chez Jackson alors que tout le monde n’attend que ça. Jackson ne secoue pas vraiment, il est une brise légère ». Ne pas être Mozart ou Bach est possible, il existe une place pour chacun, mais de fait la comparaison peut sembler cruelle entre les deux méthodes de travail. Celle de Dylan qui incarne la puissance créatrice à l’oeuvre, indomptable improvisateur, progressant au fil d’une « narration audacieuse et aventureuse », et celle de Jackson C. Franck, dans un « juste milieu entre le folk anglais et américain », dont les morceaux « sont terminés comme pris dans le ciment ». Et cette observation cruelle de Thomas Giraud: « Jackson avait dit en 1960 après avoir vu Dylan sur scène, pourtant médusé par autant de talent, Je pourrais faire aussi bien, je ferai mieux. C’est raté. Il est en retard. Il a 22 ans en 1965. À 22 ans, Dylan avait déjà au moins 30 ans. »

Pour réussir, il faut aussi réussir à coïncider avec son époque. On se souvient du beau film des frères Cohen sur un thème semblable, Inside Llewyn Davis, où le balladin occidental renoue avec les épreuves de Lancelot sur la quête du Graal: de Rimbaud à Charlot, l’échec serait-il plus beau que le succès? Jackson oublie les chansons, les voitures, reprend l’avion pour un état proche de l’Ohio, boit avec les travailleurs agricoles et les hippies, se clochardise. Il fait tout ce qu’on peut faire quand on est pas Dylan, et c’est aussi terrible que si ça avait marché, mais en plus secoué.

Daniel Morvan

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Soul kitchen

Après Elisée, avant les ruisseaux et les montagnes (La Contre Allée, 2016) qui fut sélectionné pour de nombreux prix (Prix de la librairie Coiffard à Nantes, Prix Jules Verne 2017, Prix littérature Bretagne 2017 et Prix Liber & Co), Thomas Giraud revient en ce début d’année avec son deuxième roman, La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank. Dans ce livre, Thomas Giraud revêt les habits de Jackson C. Frank et retrace la vie totalement fascinante de ce natif de Cheektowaga.

Après Elisée, avant les ruisseaux et les montagnes (La Contre Allée, 2016) qui fut sélectionné pour de nombreux prix (Prix de la librairie Coiffard à Nantes, Prix Jules Verne 2017, Prix littérature Bretagne 2017 et Prix Liber & Co), Thomas Giraud revient en ce début d’année avec son deuxième roman, La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank. Dans ce livre, Thomas Giraud revêt les habits de Jackson C. Frank et retrace la vie totalement fascinante de ce natif de Cheektowaga.

La vie de Jackson C. Frank relève du mythe. Rescapé d’un incendie qui détruisit son école, il enregistra un seul et unique album avant de disparaître pendant de longues années, incapable de composer un second album. Il fut retrouvé au début des années 90 par un fan alors qu’on le croyait perdu à jamais. Thomas Giraud retrace donc de la plus belle des manières les doutes de ce musicien.

Giraud a encore fait le bon choix. Tout comme celle de Jacques Elisée Reclus, la vie de Jackson C. Frank est hallucinante. Comme pour Reclus, Giraud s’intéresse à l’enfance de C. Frank. Avec une écriture pudique et saine, on s’immisce dans la chambre d’hôpital où séjourna JCF après l’explosion de la chaudière de son école. On se faufile dans le studio d’enregistrement où Paul Simon réussit à faire enregistrer un JCF empêtré dans ses doutes.
La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank met enfin la lumière sur le plus grand inconnu du folk US des années 60.

Comment as-tu eu l’idée d’écrire un livre sur Jackson C Frank ?

Thomas Giraud : Je souhaitais écrire un livre qui avait un lien avec le silence et la musique. Que pouvait être la raison du silence pour un musicien ? Les réponses étaient différentes selon les musiciens. Il y a ceux pour qui c’est de la musique, John Cage par exemple ; ceux qui ont eu envie de s’arrêter en estimant qu’il n’y avait plus à faire, qu’ils avaient terminé (c’est un peu la position de Glenn Gould), ceux qui essaient de se perfectionner dans leur coin en ne faisant plus rien entendre, enregistrer aux autres ; ceux qui n’y arrivent plus. Jackson C. Frank avec son seul album Blues run the game me semblait être de cette dernière catégorie.

Ce qui me plaisait d’écrire sur Jackson C. Frank plutôt que sur Cage, Gould ou sur les pannes d’inspiration de Dylanà certains moments, c’était sa place dans l’histoire de la musique : il reste dans les marges, mal connus. Connu des musiciens en général, des amateurs pointus de musique (qui sont souvent musicien aussi d’ailleurs) mais largement inconnu du grand public.

J’aime aussi écrire sur des évènements, des hommes ou des femmes ayant réellement existé. J’aime bien voir comment la réalité et la fiction peuvent se mélanger dans ce cadre là (à la manière dont Pierre Michon l’a fait notamment dans La vie de Jospeh Roulin ou dans les Onze).

C. Frank est inconnu du grand public mais il se trouve à la confluence de pas mal de courants. Paul Simon a produit son seul et unique album… Mais il a mis quasiment quatre mois à convaincre Jackson C. Frank de l’enregistrer. Pourquoi selon toi ?

Je n’ai aucune certitude mais plutôt des intuitions. Jackson C. Frank était un homme inquiet. Je le suppose perfectionniste, souhaitant tout maîtriser et pas du tout prêt à s’abandonner dans une sorte de création jouissive et jubilatoire. Il se craint lui-même, ses propres débordements intérieurs, cette folie qu’il cherche à contenir, à éviter de montrer. Je suppose comme beaucoup de gens avec leur première création restent persuadés qu’il préexisterait un objet parfait à créer, que ce soit un disque, un livre, un ballet. Il repousse sans cesse car il est intimement persuadé qu’il peut atteindre une forme de perfection et que pour le moment il n’y est pas.

Comment qualifierais-tu la relation entre Simon et C. Frank ?

Je pense que cette relation a été rassurante pour Jackson C. Frank. Lui n’y a vu, à mon sens, que quelqu’un qui « lui voulait » du bien. Mais c’était certainement un peu asymétrique. Simon est là pour se relancer, pour trouver quelque chose, pour « se servir » de ce qu’il entend, voit (ce qui n’est pas critiquable en soi). Et il y a certainement chez Jackson quelque chose qui résonne avec ce que Paul Simon sait faire, recherche. J’ai l’impression que Simon s’est un peu servi de Jackson C. Frank.

D’ailleurs, comment as-tu découvert ce musicien ?

Ça fait une quinzaine d’année que j’ai Blues run the game chez moi (j’ai 41 ans). Je ne me souviens pas du jour où je l’ai découvert. Ce doit être une succession de désordres et de hasard qui a mis ce disque sur ma route. Un peu à la manière de tous les gens de mon âge qui écoutent beaucoup de musique, je remontais les goûts et les inspirations de ceux que j’aimais, Palace, Smog, Silver Jews et chez ceux qui étaient plus ou moins contemporains de Jackson C. Frank, Dylan, Drake, Jansch, Townes Van Zendt. En lisant Magic peut-être ? Dans les magasins de disque dans lesquels je trainais beaucoup, dans les discussions et goûts partagés.

Je suis venu à Jackson C. Frank via le groupe Erland & The Carnival. Connais-tu ce duo ? Si son disque n’a pas marqué les esprits des chroniqueur la semaine de sa sortie, il infuse doucement dans le temps et est toujours d’actualité. As-tu retrouvé les chroniques du Melody Maker et du N.M.E ?

Ah non je ne connais pas Erland and the Carnival (mais en quelques clicks, ça y est je connais un peu !). Je ne me souviens plus exactement pour les chroniques. Je crois que Jim Abbot on évoque certaines mais sans entrer dans les détails. Mais ce qui est certain c’est que c’est moi qui les ai inventées en me disant que c’était probablement ce qui avait été dit…

Qu’est-ce qui t’a poussé à écrire sur lui ?

Ce qui m’a poussé à écrire sur lui outre ce silence que j’évoquais après son premier disque, le fait qu’il soit resté « dans les marges », c’est ce que je ressentais en écoutant beaucoup Blues run the game, cette impression de quelqu’un se retenant, se contenant, quelqu’un dont on devinait derrière ce qu’il dissimulait beaucoup de douleurs, d’inquiétude, de modestie aussi. En faisant quelques recherches, au départ rapide, sur lui les quelques éléments connus ou souvent évoqués de sa vie étaient assez sidérants. Il m’a semblé que c’étaient des « événements extraordinaires », et qu’ils permettaient peut-être de comprendre un peu mieux ce qu’il était devenu ou justement, ce qu’il n’était pas devenu.

Sa vie se termine par un événement extraordinaire… Jim Abbott le retrouve, S.D.F et borgne dans les rues de New-York… Et sa vie commence surtout par un événement extraordinaire.. Cette explosion qui le défigure… Tu y consacres une grande place dans ton livre. Pourquoi ?

Cette explosion ne peut pas avoir été anodine dans sa vie. C’est un traumatisme dans l’instant (voir ses petits camarades mourir, voir le feu tout envahir. Et on trouve beaucoup d’articles de journaux et même des sites de pompiers qui évoquent cet incendie qui fut un choc pour l’Amérique), un traumatisme qui continue, l’hospitalisation longue et puis ce corps transformé, les morceaux de peaux déplacés pour être greffés. Sans que ce ne soit trop littéral ou trop évident, il m’a semblé que l’on pouvait à partir de cet évènement traumatisant, pouvoir tirer, imaginer des choses sur sa manière de créer, de chanter, d’être dans la vie même, tout simplement. Dans mon esprit, tout cela est très intérieur même si évidemment ça se voit un peu sur son visage. J’ai aussi l’impression que l’incendie et tout ce qui en a découlé à favoriser l’installation d’une folie tranquille mais sûre d’elle qui s’est peu à peu installée partout en lui. Je pense, même si évidemment je ne suis pas médecin, qu’il ne devait pas être très loin de ce que l’on appelle généralement schizophrène.

Comment as-tu travaillé ? Sur quels matériaux as-tu échafaudé ton ouvrage ?

Au départ, j’ai fait des recherches avec les articles en français disponibles sur lui. Ils ne sont pas très nombreux mais donnaient bien le ton. J’ai lu la biographie écrite par Jim Abott qui m’a donné quelques repères temporels, quelques éléments sur son enfance. J’avais lu et j’en ai profité pour les relire des textes sur des musiciens et notamment les excellents textes de François Bon sur Dylan et les Stones. Ensuite, j’ai essayé de comprendre ce qui se passait dans la vie de JCF entre les évènements que l’on connaissait ; qu’y avait-il dans ces blancs, que pouvait-on y mettre. Comment les choses de sa vie avaient pu probablement, possiblement se passer ? Notamment comment il s’était mis à faire de la musique, comment l’envie était née, comment elle avait continué, ce qui lui avait donné envie de persévérer et ce qui l’avait fait s’arrêter. Bien sûr, ce n’est pas du tout un ouvrage historique, beaucoup de choses sont inventées, mais je voulais que cela reste plausible. Et j’ai eu l’impression qu’il était possible d’imaginer comment cet incendie terrible dont il réchappe, les greffes de peau, l’apprentissage de a musique à ce moment là, sa volonté d’exister à sa façon, avait donné ce qu’il était devenu.

J’ai aussi beaucoup écouté les sessions d’enregistrements des albums de Dylan : je supposais, qu’en creux, cela me dirait beaucoup sur la manière dont l’enregistrement du disque de JCF, sa manière de fabriquer ses morceaux, se passait. Pour le dire de manière un peu caricaturale, il me semblait qu’il était un peu l’opposé de Dylan. Dylan est fougueux, commence, recommence, rate, améliore, change alors que JCF m’a semblé très contrôlé, très rigide presque dans sa manière de chanter, probablement parce qu’il cherchait à se protéger. Il voulait tout faire pour ne pas donner l’impression d’être fou (ou dissimuler sa folie) alors qu’à cette époque beaucoup jouait justement à faire les fous, les excentriques. Sa modestie, ce retrait sur soi est vraiment très touchant.

Comment as-tu découvert la place d’Elvis Presley dans la vie musicale de Jackson C Frank ?

Jim Abott évoque leur rencontre dans sa bio. Et puis, et c’est ce qui m’a semblé assez étonnant c’est qu’on retrouve la photo de cette rencontre sur internet. Pas toujours dans le même sens d’ailleurs (parfois Elvis est à droite, parfois à gauche, c’est un détail troublant mais qui a certainement une explication scientifique).

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5e édition du festival Raccord(s) Lecture Folk : La ballade silencieuse

Cécile Mazin – 08.01.2018

 

La soirée d’ouverture du festival Raccord(s), dédié à l’édition indépendante, aura lieu le soir du mardi 13 février au Petit Bain (Paris 13e). L’auteur Thomas Giraud sera mis à l’honneur pour la sortie de son nouveau livre La ballade Silencieuse de Jackson C. Frank, dont il fera des lectures musicales, rythmées par les mélodies de Stéphane Louvain. 

 

5e édition du festival Raccord(s) Lecture Folk : La ballade silencieuse

Cécile Mazin – 08.01.2018

 

La soirée d’ouverture du festival Raccord(s), dédié à l’édition indépendante, aura lieu le soir du mardi 13 février au Petit Bain (Paris 13e). L’auteur Thomas Giraud sera mis à l’honneur pour la sortie de son nouveau livre La ballade Silencieuse de Jackson C. Frank, dont il fera des lectures musicales, rythmées par les mélodies de Stéphane Louvain. 

 

Pour la 5e édition du festival Raccord(s) dédié à l’édition indépendante, l’association des Éditeurs associés lance sa soirée d’ouverture avec une lecture folk le mardi 13 février 2018 à 20 h au Petit Bain (Paris 13e). Cette création littéraire et musicale unique de Thomas Giraud, auteur, et de Stéphane Louvain, guitariste, est inspirée par la vie de Jackson C. Frank. 
 

Thomas Giraud, auteur d’un premier roman remarqué, Elisée avant les ruisseaux et les montagnes, imagine à travers son nouveau roman, La Ballade Silencieuse de Jackson C. Frank (ed. La Contre Allée), ce qu’a pu être la vie tumultueuse de ce mythique compositeur folk américain des années 60, personnage intriguant qui n’aura réalisé qu’un seul album souvent repris par les plus grands, de Simon & Garfunkel à Daft Punk. 
 

La soirée débutera avec une lecture musicale du roman par son auteur, accompagné de Stéphane Louvain, que l’on connaît pour avoir pris part aux aventures extraordinaires des Little rabbits puis des French cowboys, ou encore de Philippe Katerine et Jeanne Cherhal.
 

Elle se poursuivra avec un entretien animé par Julien Delorme et se clôturera par un set acoustique de Stephane Louvain (reprise de Neil Young…) 

Entrée libre, le 13 février au Petit Bain, 20 h (XIIIe arrondissement)

 

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