Revue de presse

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Podcast avec Amandine Dhée dans l’émission d’Aurélie Fontaine <em>Breton.ne.s & féministes</em>

Podcast avec Amandine Dhée dans l’émission d’Aurélie Fontaine Breton.ne.s & féministes

Retrouvez ci-dessous l’enregistrement de la rencontre avec Amandine Dhée, écrivaine féministe et comédienne, à l’occasion de sa tournée bretonne pour son dernier livre Sortir au jour.

La discussion a eu lieu au café-librairie Les Déferlantes, à Morlaix, dans le Finistère, et c’est Lénaïg Jézequel, la propriétaire de la librairie, qui la recevait.

Un podcast à soi

Un podcast à soi

Lecture d’un extrait de La femme brouillon d’Amandine Dhée dans le 12e numéro d’Un Podcast à soi : Les femmes sont-elles des hommes comme les autres ? (à la 33ème minute)

Pour écouter l’épisode cliquez sur le bouton play, ici, juste en-dessous, ou pour accéder au site du podcast, c’est par ici !

Grammartical

Le premier est un cours roman, écrit par Amandine Dhée et paru chez La Contre Allée. Un livre qui retrace directement sa propre expérience de femme et sa rencontre avec la maternité. Car non, une femme ne naît pas mère, comme elle tend si bien à l’expliquer. Des phrases courtes qui vont droit au but et un sujet rythmé comme il faut, qui nous donnent l’impression d’être à ses côtés dans ces étapes. Une femme brouillon comme elle se nomme, qui se cherche, qui tâte, qui ne comprends pas toujours ce qui lui arrive, qui voit l’attitude des gens autour d’elle changer, qui se redécouvre elle-même, qui fait face à des regards réprobateur ; une femme qui ne se voit pas dans la normalité. Mais qu’est-ce vraiment que la normalité ?

Une écriture spontanée, vive et incisive, qui lui a valu le Prix Hors Concours 2017. Et si la plume de cette écrivaine paraît si proche du lecteur, c’est sans doute aussi de par son expérience en tant que comédienne. Cette dernière partage ainsi avec le lecteur son vécu, comme si elle s’exprimait dans son journal intime ou bien avec sa plus vieille amie.

Pour lire cet article sur le blog de Grammartical, c’est ici !

Journal des activités sociales de l’énergie

Un article paru dans Le Journal des activités sociales de l’énergie publié le 11 mai 2018 par Marie-Line Vitu. (lire directement sur le site)

Amandine Dhée : « Il faut décapiter la mère parfaite »

Être une mère libérée, pas si facile ? Dans un texte incisif et plein d’humour, Amandine Dhée déconstruit une certaine idée de la maternité et déjoue les pièges de la mère parfaite, saturée de normes sociales et d’injonctions. Déculpabilisant, La femme brouillon donne quelques clés pour renaître à soi-même. Un essai à retrouver en musique cet été dans vos centres de vacances.

Le livre. Les femmes ont-elles le droit d’être ravies d’enfanter et en même temps de le vivre difficilement ? Comment se dépatouiller de cette pseudo-contradiction ? Depuis quand le statut de femme enceinte leur confère-t-il automatiquement béatitude et perfection ? Avec La femme brouillon, Amandine Dhée dresse un réquisitoire contre le discours dominant et ses postulats sur la maternité. Elle donne à voir une future mère, percluse de doutes et d’interrogations, qui tente de s’affranchir des pressions sociétales pour apprécier au mieux cette période intime troublante.

Bio express. Jeune auteure féministe, Amandine Dhée a commencé par le slam. Elle publie son premier roman, Du bulgom et des hommes, en 2010. Elle propose des lectures musicales, notamment avec son roman La femme brouillon.

Journaliste : À qui s’adresse votre livre ?

Amandine Dhée : À tout le monde. Aux mères, aux pères, à ceux qui ne sont pas parents. À toutes les personnes qui s’intéressent au féminisme. Certes, il y a forcément un effet miroir avec les femmes. Car avoir un enfant aujourd’hui, c’est se retrouver très vite dans des contradictions et des injonctions sociales que l’on subit, qui que l’on soit, parent ou pas, homme ou femme.

Journaliste : De quelles injonctions parlez-vous ?

Amandine Dhée : Une pression morale forte s’exerce sur les femmes dès qu’elles sont enceintes. On présume ce qu’elles sont censées être, ce qu’elles sont censées désirer, ce qu’elles devraient être. Elles ont forcément des envies, des attitudes propres à leur état : faire ceci et pas cela, manger tel aliment ou pas… Elles doivent se comporter d’une certaine façon et notamment dans l’espace public. Et gare à celles qui y dérogent !

En plus, s’ajoutent les mythes qui pèsent sur elles : le fameux mythe de l’instinct maternel, celui de la fusion avec son enfant, etc. Une femme doit forcément savoir comment se comporter avec son nourrisson. Ces exigences ont des répercussions négatives sur elles. Les femmes sont enfermées dans des représentations normatives, des stéréotypes dont elles ont du mal à s’échapper. Mon texte ne dénonce pas mais il donne à voir ce qui peut se passer dans la tête d’une femme pendant sa maternité puis à la naissance de l’enfant.

Journaliste : La femme se définit-elle essentiellement par sa fonction de génitrice ? N’atteint-elle sa complétude qu’à partir du moment où elle devient mère ?

Amandine Dhée : Oui, bien sûr… (rire). Non, évidemment que non ! Le non-désir de maternité est encore un sujet tabou. Une femme qui n’a pas d’enfant ou qui n’en veut pas est, aujourd’hui encore, suspecte. Elle est forcément envisagée comme inaccomplie ; elle souffre forcément d’un manque… Car la maternité est érigée comme l’accomplissement ultime pour une femme. C’est une expérience bien plus belle et complexe qu’on ne veut le dire. Ce n’est ni tout blanc ni tout noir, ni merveilleux ni nul. Mais la pression sociétale ne laisse pas de place à l’ambivalence.

Journaliste : Pourquoi la société refuse-t-elle d’entendre que maternité ne rime pas forcément avec félicité ?

Amandine Dhée : C’est trop violent d’entendre et d’admettre que la maternité n’est pas forcément une source de bonheur. En période de crise, la société a besoin de s’agripper à une norme bien définie, à des rôles dévolus aux hommes et aux femmes. Ça sécurise tout le monde d’enfermer chacun dans des clichés. Les femmes n’ont pas le droit de s’exprimer sur la place publique. Ce sujet n’est pas légitime, ça reste un « truc de bonnes femmes ». C’est pourtant une expérience personnelle intense qui révèle beaucoup de notre intimité et bouscule des choses en vous. Cela ne se réduit pas seulement à être heureuse ou pas. C’est bien plus compliqué. C’est important de dépasser ce stade.

Journaliste : Qui génère l’injonction d’être une mère parfaite ? Les médias, la publicité, les stars et les politiques qui mettent en scène leur maternité ou les femmes elles-mêmes… ?

Amandine Dhée  : Encore faudrait-il définir ce qu’on entend par perfection. Qu’est-ce qu’une mère parfaite ? Une mère heureuse ? Le cliché a varié selon les époques. C’est une valeur refuge dans une période de crise. Je me réfugie dans ma progéniture ; je compense mes manques sur eux. Aujourd’hui, la mère dite parfaite allaite, mange bio, élève son enfant au bio. Elle est non-violente. Surtout, elle réussit à concilier vie sociale, professionnelle et affective. Elle est sexy, bien entendu. Etc.

C’est une autre forme de morale que dans les années 1950 mais ces représentations sont tout aussi opprimantes. Car les femmes elles-mêmes intériorisent toutes ces obligations et ont envie d’y répondre. C’est normal, elles souhaitent bien faire, bien élever leur enfant, être une bonne mère. Aujourd’hui, on parle de parentalité positive, une charge supplémentaire qui met les femmes – mais aussi les hommes – face à leur limite. Cela crée plus de solitude, de mal-être que ça ne les aide à élever leurs enfants.

Journaliste : Comment combattre cela ?

Amandine Dhée : Il faut décapiter la mère parfaite ! S’abstraire de ces lieux communs. C’est la bataille à mener. Se garder de faire de la mère une victime. C’est aussi un appel à la glandouille, à accepter toutes les identités, les personnalités. Simplement être soi, lâcher prise, pour soi-même mais aussi pour laisser tranquilles ses enfants. Car qui dit mère parfaite, dit enfants parfaits. La pression retombe du coup sur eux.

Journaliste : Dorénavant êtes-vous une « femme brouillon » épanouie ?

Amandine Dhée : (Rires) Je suis une femme brouillon en mouvement, en devenir, comme tout le monde, parfois épanouie, parfois moins. Je suis contente d’avoir pu identifier et dénoncer ce qui m’enferme en tant que femme. Je n’ai pas tout réglé, mais mon livre m’a permis de libérer ma parole, de faire le point, d’avancer. J’espère que cette expérience intime fera écho, qu’elle trouvera une résonance, y compris chez les hommes.

Journaliste : Quelle est votre recette ?

Amandine Dhée : Désobéir aux injonctions. Oser ne pas correspondre à ce qu’on attend de vous. Et toujours avec humour. Savoir se moquer de soi-même. Lorsque l’on réussit à rire de soi, c’est déjà un premier pas. Ouvrir des portes, trouver des familles de substitution et créer des liens qui nous tiennent chaud, qui nous tiennent debout, parfois même au-delà des liens familiaux traditionnels.

La femme brouillon, d’Amandine Dhée

Ed. La Contre Allée, 2017, 96 p., 13 euros.

Cet été, retrouvez les lectures musicales d’Amandine Dhée, accompagnée du contrebassiste Timothée Couteaux : ils seront du 23 au 27 juillet aux Saisies, à Beaufort, à Val d’Isère, à Aussois et au Sauze, dans le cadre des rencontres culturelles de la CCAS.

Son livre également fait partie de la dotation lecture CCAS : retrouvez-le dans les bibliothèques de vos centres de vacances dès cet été.

Les petits papiers d’Eulalie

Un article sur La femme brouillon d’Amandine Dhée publié le 17 juillet 2018 sur le blog d’Eulalie Gartner, Les petits papiers d’Eulalie. (lien)

La femme brouillon, d’Amandine Dhée, paru chez La Contre Allée, est l’une de mes dernières lectures.

Cet ouvrage d’un peu moins de cent pages est certes court, mais il relève du joli concentré littéraire.

C’est un petit traité d’entrée en maternité. Exactement le genre de livre que j’aurais aimé avoir entre les mains dans les moments où le doute avait en moi une croissance proportionnelle à celle de mon ventre.

Devenir mère. Une étape initiatique qui relève du challenge dans notre société qui brandit des images parfaites, qui culpabilise et divise.

La troisième de couverture comporte une note d’intention de l’auteur qui en dit long sans trop en dévoiler non plus :

« J’ai écrit ce texte pour frayer mon propre chemin parmi les discours dominants sur la maternité. J’ai aussi voulu témoigner de mes propres contradictions, de mon ambivalence dans le rapport à la norme, la tentation d’y céder. Face à ce moment de grande fragilité et d’immense vulnérabilité, la société continue de vouloir produire des mères parfaites. Or la mère parfaite fait partie des Grands Projets Inutiles à dénoncer absolument. Il m’a paru important de me positionner clairement en tant que féministe parce que je veux donner un éclairage politique à mon expérience intime.

J’ai voulu un texte court. Plus que jamais, j’avais envie de tranchant, d’aigu, et surtout pas d’une langue enrobante ou maternante.  »

La femme brouillon m’a bousculée. J’y ai perçu des failles ô combien familières, des réflexions d’une rare justesse.

Parce que porter la responsabilité d’une vie autre que la sienne peut transcender ou assommer, parce que la maternité nous relie entre femmes, c’est un fil intergénérationnel, interculturel, qui dépasse le temps et les frontières.

Parce que l’arrivée d’un enfant dans un couple est un bouleversement matériel, psychologique, physique.

La maternité est une explosion dans notre identité déjà multiple de femme. Et Amandine Dhée l’a parfaitement compris.

Je brûle de vous livrer quelques citations, mais le choix est terrible, je voudrais vous donner à lire la totalité des phrases de cette pépite de bouquin.

Malgré tout, je l’ouvre un peu au hasard et j’extirpe ceci :

« Mes identités se disputent.

Je me surprends parfois à jouer la Mère, à contribuer à cette escroquerie.

Profiter de la maternité pour passer mes désirs à la trappe, laisser le couple et la famille tracer mes contours, autoriser les autres à circuler en moi et ne fermer aucune porte. Ne plus vivre l’angoisse d’être libre, comme c’est tentant. Profiter aussi de cette magnifique opportunité d’exercer mon pouvoir sur quelqu’un. Le cribler de dettes, du cadeau de Noël au nez mouché. Régenter, contrôler, prévenir les besoins du bébé, le combler.  »

« Ce n’est pas le bébé qui m’épuise, mais cette façon de me redéfinir constamment. »

En espérant que cela vous donne l’envie de plonger dans les mots si justes d’Amandine Dhée.

Eulalie Gartner

France Culture

France Culture

Sur France Culture, dans l’émission « L’Invité Culture » de Caroline Broué consacrée à Daniel Pennac. (écouter l’émission)  

À la 17ème minute, un extrait de La femme brouillon lu par une des libraires des 2 Georges de Bondy. 

Wéo.tv

Amandine Dhée était l’invitée d’Anouk Winberg sur la chaîne de télévision Wéo le 26 juin 2018. (voir l’émission)

La femme brouillon ou comment vivre sa maternité

Anouk Winberg reçoit Amandine Dhée, auteure du livre La Femme Brouillon. Ce livre évoque les incertitudes de la femme enceinte et du statut des mamans dans la société. Drôle, incisif, une belle lecture pour cet été.

La Voix du Nord

La Voix du Nord

Un article du 31 mai 2018 dans La Voix du Nord à propos d’Amandine Dhée et de sa venue à la librairie La Forge de Marcq-en-Barœul pour parler de la maternité et de son ouvrage, La femme brouillon. (lire l’article)

La Voix du Nord

La Voix du Nord

La Voix du Nord – Cambrai, 19/03/2018

 

« Des hommes et des femmes », la médiathèque décline un sujet brûlant jusqu’à l’été

Ce samedi débute, à la médiathèque d’agglo, un nouveau cycle de conférences et rencontres, projection cinématographique, expo et visite… Tous ces rendez-vous auront pour thème commun les relations entre les hommes et les femmes.

Les hommes, les femmes… Ce thème n’a pas attendu l’affaire des révélations de harcèlement sexuel du producteur américain Harvey Weinstein pour être au centre des discussions : «  Inégalités, féminisme, violence, genre, stéréotypes, progrès… ces mots occupent dans les médias une place importante, mais intermittente, analyse la médiatrice Béatrice Sauvage, de la médiathèque d’agglo de Cambrai (MAC). On en parle vite et fort ; et on n’en parle plus… jusqu’à la prochaine.  » En tout cas, on en parle à la MAC jusqu’à l’été. Jusqu’au dimanche 24 juin très précisément, avec, d’ici là, des rencontres, des expositions, des visites (lire ci-contre)…

Ce cycle a débuté, au début de ce mois, avec l’expo de la photographe Marie-Hélène Le Ny à la médiathèque. Elle y présente une partie d’Infinités pluriElles, un incroyable travail qui a amené l’artiste à rencontrer 145 femmes scientifiques, toutes des pointures en leur domaine. Ce samedi, à partir de 14 heures, la photographe sera présente sur place pour présenter au public cette aventure humaine qui l’a amenée dans plusieurs continents : «  Avec elles, je suis allée des abysses au fond des mers jusque dans les étoiles.  »

Ce samedi également, mais à 18 heures cette fois, aura lieu une lecture musicale : l’auteure Amandine Dhée viendra interpréter des passages de son livre La Femme brouillon (éditions La Contre-Allée) sur une création sonore du violoncelliste Timothée Couteau. «  Elle évoque sa propre expérience de grossesse, de maternité, mais avec beaucoup de recul et d’humour  », indique Béatrice Sauvage. «  Elle s’interroge sur la perception de son propre corps, sa sexualité, la répartition des rôles au sein de la famille, la transmission ou encore ses propres contradictions.  »

Les rendez-vous suivants auront lieu à la mi-avril. Le mardi 10, à 19 heures, le procureur de la République du tribunal de Cambrai discutera avec le public autour du thème « La justice face aux violences sexuelles ». Ces temps-ci, les « affaires » se multiplient : «  Elles suscitent des débats médiatiques contradictoires, qui opposent besoins de vérité et de changement, et peurs de l’excès et de la délation, et en appellent à la justice  », illustre Béatrice Sauvage.

Le samedi 14, à 18 heures, Anne-Sarah Bouglé-Moalic, docteure en histoire contemporaine, viendra évoquer « Les droits des femmes : quand les femmes s’en mêlent (XIXe – XXIe siècles) ». L’occasion de constater que «  selon les époques et l’évolution de la société, les femmes ont été plus ou moins nombreuses à défendre leurs droits. Aujourd’hui encore, les discours féminins contre ces droits continuent de nourrir le débat…  »…

Renseignements : Tél. : 03 27 82 93 93 ; courriel : bsauvage@media-cambrai.com

Pour lire l’article directement sur le site, c’est par ici.

Ça m’intéresse Santé

DEVENIR MÈRE par Juliette Serfati

Pour l’auteure, la mère parfaite fait partie des grands projets inutiles à dénoncer absolument. Ce qu’elle fait dans un texte comme une déflagration, étonnant de drôlerie et de justesse où résonnent les injonctions faites aux femmes et aux mères, les contradictions et les doutes. La violence d’être habitée par un autre, les soignantes aux mains glacées, les slips noirs, culottes de deuil ? Et tout ce que l’on veut transmettre, « la folie, d’accord, mais de celle qui éclabousse, qui irradie ».

Ça m’intéresse Santé, Bibliothérapie Printemps 2018

Prix Hors Concours 2017

Prix Hors Concours 2017

Bondy Blog 2 – Interview d’Amandine sur La femme brouillon

Lauréate du prix Hors Concours 2017 avec son cinquième livre La Femme Brouillon, Amandine Dhée a répondu à nos questions après une soirée-rencontre à la librairie des “2 GeorgeS” à Bondy. Maternité, libération de la parole des femmes, écriture inclusive, l’écrivaine nous répond sans langue de bois.

Bondy Blog : Avez-vous depuis votre enfance ce désir de littérature ?

Amandine Dhée : Être écrivaine n’était pas mon but dans la vie. Pourtant, j’ai grandi dans une famille où l’on aime la lecture, j’ai vu ma mère beaucoup lire, y prendre plaisir, s’évader au travers d’un livre. Dans mes souvenirs, elle m’amenait à la bibliothèque, me disait ce qui lui avait plu dans tel ou tel bouquin. Lire a très tôt été dans mon paysage mais je n’envisageais pas une carrière dans la littérature pour autant.

Bondy Blog : Qu’est-ce qui a créé un déclic chez vous ? Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ?

Amandine Dhée : J’avais 20 ans, je venais de terminer mon cursus universitaire pour devenir éducatrice pour jeunes enfants. Je m’apprêtais à rentrer dans ce qu’on appelle la vie active et un ami m’a invitée à assister à une scène ouverte dans un théâtre de Lille. J’y ai découvert un autre monde, où le principe de la ligne de démarcation entre la salle et la scène était brisé car tout un chacun peut se représenter sur scène et lire un texte de son choix. Après être revenue deux ou trois fois, je me suis lancée, et j’ai lu un texte que j’avais moi-même écrit. L’expérience était grisante car on se met en danger quelque part à exposer devant un public une part de soi-même. Faire rire et émouvoir les gens devant moi m’a libérée.

Bondy Blog : Comment vous est venue l’idée d’écrire sur la maternité ?

Amandine Dhée : Ma propre expérience. Lorsque j’étais enceinte, j’avais le droit à deux discours radicaux dans lesquels je ne me retrouvais pas du tout. Le premier, présumant que la maternité c’est l’accomplissement de soi en tant que femme ; le second, dit féministe, racontant que faire des enfants était une aliénation, un piège tendu par la société. Beaucoup de comportements que des personnes ont eu avec moi lorsque je suis devenue mère m’ont sidérée. La façon dont on présumait de mes désirs, dont on m’enfermait dans un rôle de mère qui était déjà pré-écrit. J’ai voulu dégommer plein de clichés et raconter cette nouvelle histoire qui s’écrit avec mon garçon. C’est un livre de colère, de joie et d’humour.

Bondy Blog : Qu’est-ce que la femme-lézard mentionnée dans votre livre ?

Amandine Dhée : La femme-lézard c’est une manière pour moi de dénoncer l’instinct maternel, qui n’est pas présent chez énormément de femmes. On vend une maternité surfaite. Elles se font du mal à elles-mêmes car elles n’ont pas senti le bonheur que le Larousse leur a prescrit.

Bondy Blog : Votre personnage est dans une lutte interne pour ne pas tomber dans un modèle de femme qu’elle réfute, celui de “la mère parfaite”.

Amandine Dhée : Mon but est de donner de la force et de la joie à celles et ceux qui me lisent. Je ne veux pas faire la morale car je pense que l’on la fait assez aux femmes sur ce qu’elles devraient faire ou ne pas faire et aussi je ne veux pas que ma narratrice se pose en victime. C’est un fait : nous les femmes, on nous enferme dans des normes, mais dire que moi-même, je ne suis pas porteuse de ces normes sociales serait malhonnête intellectuellement. Ces normes représentent une série de références, de repères pour les femmes, qui sont sécurisantes, réconfortantes. Il y a un combat qui n’est jamais réglé à l’intérieur de nous. Mais je ne restreins pas la conception du bonheur dans la maternité à une seule vision. La femme brouillon est justement celle qui se réinvente, en fonction d’elle-même, de sa propre expérience et non pas avec le dictat qu’on lui imposerait.

Bondy Blog : Il y a beaucoup d’humour dans votre livre, pensez-vous que la dérision est une arme puissante pour déconstruire des mentalités ?

Amandine Dhée : Dans les scènes ouvertes, j’ai pu remarquer qu’il y avait plusieurs manières de parler à son auditoire. Certains ont des approches très frontales, mais cela a pour résultat généralement de diviser les gens. Je trouve dans l’humour quelque chose de fédérateur. On rit, mais surtout on rit ensemble. On peut dénoncer des choses assez graves, on fait tomber les carapaces des gens, on change les points de vue. C’est très puissant.

Bondy Blog : Pour finir, au sujet de l’actualité concernant la libération de la parole des femmes, on voit des camps s’affronter et une opposition visible entre deux groupes. Où vous situez-vous ?

Amandine Dhée : Il y avait une sorte d’omerta sur les sévices corporels ou psychologiques que subissent certaines femmes au quotidien avec une intériorisation de la douleur, de la honte, la culpabilité pour au final se persuader de tout garder pour soi. La déferlante sur les réseaux sociaux de ce ras-le-bol était une suite logique. Le sujet est devenu politique, et je pense que c’est positif. Il y a plein de répercussions dans toutes les couches sociales, et même dans la langue avec l’écriture inclusive, qui est pour moi, en tant qu’auteure, un grand bond en avant.

Propos recueillis par Jimmy SAINT-LOUIS

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Putsch

Amandine Dhée : « Le père est une mère très acceptable » PAR NICOLAS VIDAL 16 JANVIER 2018

Par Marc Emile Baronheid – « Hors de question que je couve en silence » : le sois ronde et tais-toi n’a pas cours, dans ce brûlot marqué au fer du féminisme subtil.

Pas question de rester bouche Dhée, face à ce qui s’annonce et n’entend pas demeurer dans les limites consensuelles du modèle social normé. Autrement dit, du discours dominant sur la maternité, ses rondeurs qui font la fierté du futur père et son service après, ventre ouvert 24 heures par jour et sept jours par semaine. Alors, heureuse ? Ben non, l’ingrate ! Ici se dévoile et s’exprime une jeune femme rétive à la grande tradition qui cimente la famille. Ce refus du pléonasme mère parfaite aurait pu apparaître comme une mauvaise plaisanterie, un gag à la Jean-Edern Hallier.

Que nenni ! C’est un authentique appel à l’insurrection permanente, reléguant Mai 68 au rang d’aimable plaisanterie de potache. « Mon ventre bascule dans le domaine public », pas assez toutefois pour obtenir une priorité quelconque dans les transports en commun du berceau des droits de l’homme. La narratrice ose déplorer l’absence de tables à langer, partout dans la France de Bashung. La République en marche arrière. A-t-on alerté Brigitte (de La Madrague) ? Mâle dominant, si tu ouvres ce livre malicieux et urticant, récent lauréat du Prix Hors Concours, ne t’attends pas à un catalogue de revendications benoîtes. Ici on ne rit pas. On affûte tétines et nuits blanches, au motif que « Le père est une mère très acceptable » …

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Bondy Blog 1 – Critique de La femme brouillon

Amandine Dhée, la maternité sauce piquante

Dans sa nouvelle chronique littéraire, Jimmy Saint-Louis dissèque le roman d’Amandine Dhée, “Femme-brouillon”, qui raconte le chemin d’une femme vers la maternité. Un récit fin et drôle sur une féministe bousculée dans ses convictions.

Ce court essai sur la maternité vue par une femme aurait pu se nommer de milles et unes manières : “Rendez-vous en terres inconnues”, “Les féministes font des bébés” ou bien encore “Touche pas à mon utérus” ! Pourtant, Amandine Dhée, a décidé de manière consciente et complètement dénué de tout déterminisme social formulé par une société masculine et patriarcale, d’intituler son livre “Une femme brouillon“. La maternité enjolivée par tout un discours hégémonique est décortiquée avec un humour piquant et une introspection efficace dans la psyché d’une future mère.

Amandine Dhée part du postulat que la mère est féministe, profondément féministe dans ses convictions et dans ses actions. Tout d’un coup, la voilà qui se retrouve piégée dans les attentes et les fantasmes que ses proches ont sur la maternité. Elle doit patauger pour ne pas tomber dans ses facilités de la mère n’attendant que le maternité pour s’accomplir en tant que femme. Elle est mise à l’épreuve dans ses convictions, se surprend à y prendre goût, mais se sent isolée, presque meurtrie dans la facilité dans laquelle tombent les autres femmes enceintes.

On suit les différentes étapes de la maternité, ses différents aspects, de l’annonce de la venue de l’enfant, au changement de ses couches en passant par la phase délicate de l’accouchement. Amandine Dhée ne prend pas de gants, ne fait aucun cas de la bienséance, elle met les pieds dans le plat avec un langage cru, en s’insurgeant avec justesse des clichés qui entourent la maternité.

L’approche est proprement philosophique. Il s’agit à la lecture du livre, de poser un débat sur ce que la doxa pense généralement de la maternité pour se réapproprier le discours sur les femmes enceintes trop normalisé. Intelligemment, Amandine Dhée déconstruit des idiomes, un peu comme Voltaire sur l’institution de l’église catholique. Des concepts sont lancés à la volée, la femme lézard, la femme brouillon, le père qui fait mieux les crêpes qu’elle et donc mieux qualifié pour être le porteur de l’enfant.

Se lisant d’un trait, nul besoin de progresser dans ce livre d’une manière linéaire ; le lecteur a la possibilité de choisir le chapitre qu’il souhaite sans être le moins du monde dérouté dans le développement de l’histoire. Cela ajoute de la vie et de la couleur à un essai drôle, fin, et accessible à tous.

Jimmy SAINT-LOUIS sur Bondyblog.fr

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Vision

La Femme brouillon

Court, authentique et féministe, La Femme brouillon est le récit du devenir mère d’Amandine Dhée. Elle envoie balader avec force l’idée de la mère innée. Des doutes, des peurs… On ne nait pas mère.

La Femme Brouillon d’Amandine Dhée est un souffle de soulagement pour les femmes, un guide à remettre aux hommes. Dans ce livre court, il se lit en deux heures, on suit les pensées, les doutes, les peurs et les moments de bonheur d’une mère en devenir.  Non, on ne nait pas avec une fonction mère intégrée et encore moins lorsque le modèle que l’on a eu était défaillant. C’est beau, c’est cru et ça libère.

A travers son quotidien, du début de la grossesse aux premiers « non » prononcés à l’enfant, l’auteure dénonce les clichés de la mère parfaite, les diktats, la bien-pensance. La première grande question : est-ce céder sous la pression sociale que de devenir mère ? « Il y a toujours un moment où on rappelle à la femme le sens profond de son existence : procréer.»  Amandine Dhée, féministe, intellectuelle, refuse de tomber dans le conformisme. A chacune sa réponse, à chacune et chacun, femme et homme, de recréer un nouvel espace familial. Ne pas enfermer la mère et le bébé « en fusion » hors des lieux et des espaces de débats, de stimulation intellectuelle.

Dès que la grossesse est visible, l’auteure sent le regard et l’attitude des autres changer. Elle n’est plus une personne, elle devient un objet publique. Dans les diners, elle est une mère que l’on place à côté d’une semblable pour parler layettes. Elle-même sent son double primitif « la femme-lézard » qui est capable de se laisser ranger dans la petite case « maman ». La femme-lézard protège la maternité mais elle est l’ennemie de la femme. Dit la vérité qui n’est pas écrite dans les manuels. « Au milieu de cette guimauve, où dire la violence d’être habitée par un autre ? Suis-je la seule à penser à Alien ? ». La peur de ne pas réussir l’enfant, l’angoisse de ne pas faire les choses correctement : l’allaitement, l’habillage, les pleurs.

Enfin on s’éloigne des photos où tout le monde sourit avec bébé où tout n’est que bonheur, façade moralisatrice sur l’obligation d’être une mère heureuse et parfaite. Ne cédant ni à la tentation de s’effacer devant son enfant ni à celle d’être sur tous les fronts, l’écrivaine s’autorise « la glandouille ». Mot chéri, celui qu’on a peur d’oublier après l’accouchement, douceur de s’autoriser de ne pas être parfaite.

« La femme-lézard ne parle pas, elle grogne. Elle n’a ni pudeur ni dignité. Elle veut que le bébé sorte de son ventre. Elle n’a pas peur de chier. Toutes les femmes chient en accouchant, mais il ne faut pas le dire. Est-ce pour protéger la mère, l’enfant, ou la société qui rêve d’un accouchement propre ? »

La Femme brouillon, Amandine Dhée, Éditions La Contre-Allée, 13 €

Alexandra Gérard sur son blog Vision.

Pour lire directement l’article, c’est par ici!

L’autre quotidien

Paru en 2017 aux éditions La Contre Allée, ce récit construit en courts chapitres saisit avec beaucoup d’humour et de justesse l’expérience étonnante de la grossesse et de la maternité, réduisant en miettes la bien-pensance et les injonctions normées.

La grossesse dès son annonce transforme le regard de la société sur la femme, devenue femme enceinte, qui voit soudainement son identité réduite à une partie de son corps – son ventre – et une société qui semble s’étonner de toute tentative d’échapper à cette réduction et de toute impréparation de la femme à devenir mère.

«Le bruit des voitures en sourdine, des poufs et des tapis. Du mou, du doux, du pastel.

Au milieu de cette guimauve, où dire la violence d’être habitée par un autre ? Suis-je la seule à penser à Alien ?»

La femme brouillon proteste d’être réduite à un ventre, et ainsi dépossédée de son identité. En même temps elle s’amuse de cet état qui permet de rebattre les cartes, et d’échapper aux diktats habituels de parfaite minceur en toute sérénité.

«Mon ventre bascule dans le domaine public.

On s’autorise des gestes déplacés en temps normal, on touche mon ventre comme un gris-gris, le dos du bossu, la tête du singe.»

Amandine Dhée fait rire, réfléchir et émeut. À l’accouchement, expérience vertigineuse, la femme brouillon voit naître en elle une nouvelle identité, une femme-lézard, aux réflexes archaïques plus forts que tout le reste, une mère animale.

«Putain que ça fait mal.

Ma peau s’épaissit, une crête me pousse au sommet du crâne, une femme-lézard apparaît.

La femme-lézard ne parle pas, elle grogne. Elle n’a ni pudeur ni dignité. Elle veut que le bébé sorte de son ventre.»

Lire «La femme brouillon» est une expérience physique qui dit en une langue simple, drôle et tranchante le corps traumatisé et méconnaissable après la naissance, «un corps coussin pour mon enfant», le rythme fracassé, le couple lessivé, siphonné mais aussi la tendresse immense pour un bébé vortex.

«Ensuite le bébé pleure, l’illusion est rompue. Je ramasse au sol ma dépouille de Mère.

Si nous ne répondons pas à ses appels, il rassemble toute l’énergie dont il est capable, et pleure. Un pleur qui date de la nuit des temps, un pleur de bébé des cavernes, qui s’adresse à la femme-lézard. Prends-moi. Sa vulnérabilité nous transperce jusqu’aux os. Paupières gonflées, peau marbrée, marques rouges sur le corps, il a l’air d’un boxeur en fin de match. On s’inquiète de sa mécanique fragile, du canal lacrymal bouché, des intestins tordus, des embardées du cœur.

Personne n’a prévenu le bébé pour l’alternance des jours et des nuits. Bien au-delà de ces mesquines conventions, il possède son propre rapport au temps.»

Le texte trouve ce point d’équilibre parfait entre joie et révolte, raconte cet étonnement de devenir parent, l’effarement devant les stéréotypes et les rôles imposés à chaque sexe, qui démarre dans les rayons des magasins de jouets. Il dit cette lutte pour continuer d’être soi, entre les tiraillements de toutes les identités qui doivent maintenant composer avec celle, forte, de la femme-lézard.

«Ça m’allège de voir le monde avec les yeux du bébé. Il est un fulgurant remède au cynisme. Je finis par être moi—même contente de me rencontrer. Parfois, au détour d’un geste ou d’une odeur, j’ai la sensation ténue d’être rentrée chez moi après avoir longtemps dérivé.

Pour l’instant, je parle encore de moi à la troisième personne. Je suis maman comme une plaisanterie, un malentendu jamais dissipé.»

«Le père est une mère très acceptable. Le lien qu’il tisse avec le bébé me cause une immense joie. Il paraît que les rôles non sexués, ça fout en l’air les fondements de notre société. Tant mieux, on en créera d’autres.»

Pour lire cet article sur le site de L’autre quotidien, c’est ici !

L’intervalle

On ne naît pas mère, on le devient, peut-être, ou pas, ou de façon bancale, toujours, dans le tâtonnement des regards, des cris et des silences partagés, dans les nuits de tempête, d’angoisse et d’abandon à ce qui vient, qui est énorme, impossible, terriblement intimidant.

Avec Amandine Dhée, petite voleuse, femme brouillon, pas de faux-fuyant.

D’entrée de jeu, le ton est donné, direct, familier, drôle, façon stand-up de qualité.

Quelques extraits de la première page, pour vous appâter, épater, mettre le lait à la bouche.

« Alors je me tortille sur mon siège et balbutie que voilà, je suis enceinte. On me félicite. Même ceux qui ont des enfants. »

« Une famille, ça simule super bien le bonheur. Il faudrait des reporters embedded pour savoir vraiment. »

« Et moi, fruit de trois générations de mères lamentables, quelles sont mes chances ? J’aurais dû être immunisée contre la maternité. Mais non, il a fallu que je récidive. »

« Hétérosexuelle et monogame, je faisais partie des populations à risque, vite rattrapée par le discours pro-maternité. Les femmes intelligentes sont lesbiennes, c’est bien connu. »

Avec Amandine Dhée, ça cogne en permanence, en gant de velours, manique pour four à propolise (pardon ?), ou pas.

Plus possible de douter, la maternité est là, s’est imposée : le corps s’essouffle, se fatigue plus vite, fait son boulot, mieux informé que vous-même. On commence à vous plaindre.

Journal d’une maternité, La femme brouillon est un livre d’acceptation, d’accueil, mais aussi un cri de protestation contre : – l’hygiénisme (cinq fruits et légumes par jour) – la moraline (guimauve) – la bien-pensance (logique sacrificielle) – la novlangue et ses euphémismes (vous éprouverez, Madame, des sensations intenses) – la culpabilisation (bébé sent tout de vos humeurs).

Les chapitres sont courts, façon billets d’humeur, au fur et à mesure d’une dépossession annoncée par le corps médical (échographies, analyses, séances de préparation à l’accouchement), et les yeux des Mabuse de la société : la femme enceinte est devenue femme publique, exposée, touchée, scrutée.

Mais la grossesse n’est pas une maladie, ni un calcul, ni un show.

Assignée à résidence hormonale/humorale par le regard biopolitique, et les dispositifs de pouvoir distribuant selon le bon vouloir de la domination séculaire places et fonctions aux femmes, Amandine Dhée donne à son texte une dimension politique, refusant de vivre la maternité comme un moment d’aliénation supplémentaire, quand tout son effort aura justement été de se libérer – plusieurs livres en témoignent – de l’oppression d’une logique sociale d’essence patriarcale, saluant au passage son compagnon comme on éprouve le besoin d’un amer dans la nuit, un ami de fond avec qui s’isoler.

Heureusement, l’ironie sauve – « Nous n’avons pas souhaité connaître le sexe. C’est le premier cadeau que nous lui offrons, un sursis de genre. » -, comme les confidences, ne craignant pas le ridicule, parce qu’elles disent tout de la vulnérabilité : « J’ai peur de ne pas sentir les premières contractions. Peur absurde qui fait sourire tout le monde, sauf les femmes enceintes. »

Et lorsque bébé arrive, le moment est bouleversant.

La lutte ne fait pourtant que (re)commencer de plus belle.

Au secours, je ne parviens pas à allaiter.

Au secours, je ne lis plus.

Au secours, je ne baise plus.

Se battre, s’appuyer (sur le père), retrouver par le corps l’esprit, écraser au presse-purée atomique les clichés.

Victoire : « Je décapite la mère parfaite qui menace en moi. »

Offrir à bébé la chance d’une femme brouillon, d’une mère qui sait, et doute.

Pour lire cet article sur le blog de L’intervalle, c’est ici !

Le Point

Le Point

Par Sophie Pujas

Publié le 19/05/2017 à 18h30

Pour en finir avec la mère parfaite. Portée par une vitalité vengeresse, Amandine Dhée fait avec La Femme brouillon le récit du cheminement vers la maternité d’une femme enceinte. En anthropologue acerbe, la narratrice observe tout, du regard des autres qui se transforme à ses propres désarrois, et esquive d’emblée tous les (bons) sentiments obligés. Elle se livre aussi au dézingage savoureux de toutes les injonctions dont les mères font l’objet, ces femmes soudain sommées d’être parfaites, et dont le corps devient propriété collective (« Mon corps bascule dans le domaine public. On s’autorise des gestes déplacés en temps normal, on touche mon ventre comme un gris-gris, le dos du bossu, la tête du singe. »). La future mère ne tait aucune pensée sensément inavouable. Ainsi, au cours de préparation à l’accouchement : « Le bruit des voitures en sourdine, des poufs et des tapis. Du mou, du doux, du pastel. Au milieu de cette guimauve, où dire la violence d’être habitée par un autre ? Suis-je la seule à penser à Alien ? » Et après la naissance : « Départ de la maternité, sensation persistante de kidnapping. » Elle note encore, par la suite, l’irritation à se voir réduire en permanence au seul rôle de mère…

Amandine Dhée a le verbe précis, élégant, libérateur et surtout irrésistiblement drôle. Sa force est de mêler une ironie savoureuse à l’émotion ravageuse liée à cette aventure intime. Car elle tient le journal d’une joie et d’une stupeur accueillies et apprivoisées au fil du temps. « Pour une fois, je me sens du côté de la vie, sans le passé qui déborde et le futur qui inquiète. Son enchantement me contamine. » Mais à une condition : « Je décapite la mère parfaite qui menace en moi. » Brillant et salutaire.

Causette

Un article d’Isabelle Motrot

Emerveillement culturel

Voici trois raisons de lire La femme brouillon :

1) Pour les idées véhiculées

La femme brouillon est un court texte qui dénonce l’image de la mère « parfaite » en montrant que ce n’est pas inné de devenir mère pour la première fois. Amandine Dhée signale également que l’on reste avant tout une femme et que l’on ne doit pas être réduit au simple statut de mère, même si dans notre société actuelle, le regard d’autrui change à partir de ce moment-là.

Une femme n’est elle bonne qu’à procréer? Est-ce une norme sociale ?

2)Pour son réalisme

La femme brouillon propose un éclairage intéressant sur la femme enceinte et  la maternité , partageant ainsi une vision plus réaliste.

Comme je l’ai dit précédemment, Amandine Dhée dénonce le discours pro-maternité de notre société.  Une grossesse implique énormément de nouvelles responsabilités qui peuvent ne pas être évidentes.

3) Prix hors concours 2017

J’ai découvert ce titre en participant au prix Hors concours de cette année. Le prix Hors concours valorise l’édition indépendante (plus d’information ici), qui est malheureusement souvent mise à l’écart par la presse et les médias.

Grâce à ce prix, j’ai à la fois découvert ce texte mais également la maison d’édition indépendante la contre Allée.

Pour lire cet article sur le site de Emerveillement culturel, c’est ici !

Les lectures du mouton

« Lors d’une réunion familiale, un cousin propose d’échanger ma place avec la sienne ? Comme ça, vous pourrez parler de bébés, dit-il en désignant sa compagne qui nourrit leur fille sur une chaise haute. En quelques mots, il dresse d’invisibles frontières, celles qui désignent la place des femmes et ce dont elles sont autorisées à parler. Est-ce que j’ai fait tout ce chemin pour ça ? Discuter poupons entre femmes pendant que les hommes picolent à côté ? Je lui en veux à lui, à elle, je la méprise. Je voudrais qu’elle se rebelle, lui jette son mouliné de poireaux à la gueule. A-t-elle vu La Petite Voleuse ? Mon repas est gâché. Le pire, c’est que ça m’aurait plu de parler de maternité ».

Difficile de parler de ce livre sans évoquer mon propre vécu de maman. Car oui, cette femme brouillon, c’est Amandine Dhée mais aussi moi. Maman de trois enfants (dont la dernière n’a même pas trois mois), je me suis reconnue dans ce récit. Je me suis reconnue dans cette description de l’ambivalence entre être femme et être mère, surtout quand tout concourt à te ramener uniquement à ta place de mère : « Larousse l’affirme, mère et bébé sont en fusion. Après tout, c’est bien de son ventre qu’il vient, non ? La mère est irremplaçable, ça tombe bien, personne ne veut la remplacer. La société adule la femme – lézard, la hisse sur un piédestal pour mieux la faire taire […] Les femmes devraient toujours se méfier quand on leur accorde un monopole ». Nos sociétés ont des préjugés et des codes tellement ancrés que même les femmes les plus féministes finissent parfois par les intégrer et les reproduire sans s’en rendre compte. Tout est intériorisé, la femme s’efface derrière la mère. Elle a du mal à concilier sa vie de femme et de mère parce qu’on la rejette, pas parce qu’elle n’en est pas capable. Elle n’existe plus. Elle n’est qu’un corps quand elle est enceinte (« Mon ventre bascule dans le domaine public ») qu’on touche, qu’on manipule sans avis (ou alors celui de monsieur), puis qu’une maternante à l’arrivée du bébé.

À la naissance de mon premier enfant, j’avais vingt-cinq ans, j’étais jeune et je suis tombée dans ce diktat de la maman parfaite, celle qui fait tout pour son enfant. Je me suis tournée vers le bio, le maternage alternatif, « nature », je lisais des ouvrages sur le développement du bébé etc. Je me suis perdue pendant au moins deux ans jusqu’à ce que mon compagnon – qui n’avait pas trop osé dire quoi que ce soit – finisse par me dire que tout ce que je faisais, ce n’était pas moi ! Mais combien d’hommes arrivent à dire ces choses quand ils sont eux-mêmes noyés dans ce cadre social prédéfini ?

Alors oui ce livre peut être terrifiant quand on n’est pas encore parent mais il est intelligent, critique et parfois drôle. Il est réaliste et invite à prendre conscience de tous ces barreaux qu’on dresse autour de la femme enceinte puis maman. Oui, toute femme est une femme brouillon au départ : elle ne sait pas où elle met les pieds, elle ne sait pas vers quelle direction aller mais le brouillon doit finir par devenir une œuvre complète après réflexion justement, après avoir tout vu, tout testé et après s’être affirmé – contre vents et marées. Aujourd’hui, avec mon troisième enfant, je ne me sens plus femme brouillon ni lézard, je me sens moi, être à multiples facettes et j’emmerde ceux qui veulent me mettre là où je ne souhaite pas aller.

Que vous soyez homme ou femme, parent ou pas, n’hésitez pas à lire ce court récit mené par une écriture incisive.

Pour lire l’article sur le blog des Lectures du mouton, c’est par ici ! 

Chez Laurette

Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais, en ce qui me concerne, j’arrive doucement mais sûrement à un âge où il devient suspect de ne pas être mère ou, à tout le moins, de ne pas avoir des envies de marmots. Comme le dit si bien Amandine Dhée dans son essai La Femme brouillon, « Il y a toujours un moment où on rappelle à une femme le sens profond de son existence : procréer. Toujours un ami, une tante, un dentiste pour lui rappeler qu’elle n’a pas encore d’enfant. Et la voilà sommée de se justifier. Soupçonnée de souffrir secrètement d’une carence de maternité ou de transférer son amour maternel sur un chat. ». Ajoutez à ce ressenti une bonne dose de féminisme qui me caractérise et qui agace certain·e·s (le premier ou la première qui me dit qu’aujourd’hui il n’y a plus de problème d’égalité entre les femmes et les hommes, je lui balance mon chat baigné d’amour maternel dans la tronche), et il était certain que ce livre exposé chez mon libraire allait chatouiller ma curiosité. Je l’ai donc embarqué dans ma valise cet été (le livre, pas le libraire) et je n’ai pas été déçue de ce choix.

Armée d’une plume efficace et sans lourdeur, Amandine Dhée décrit son expérience de la maternité confrontée à ses convictions féministes, sa tentative de réconciliation de la femme, de la mère, de la fille et de la féministe qu’elle est. Elle aborde moult sujets qui ont un jour ou l’autre remué ma cervelle, parmi lesquels :

•le passage du ventre de la future mère de la sphère privée au domaine public : sous des atours de mignonnerie, avez-vous déjà réfléchi à la pratique consistant à s’autoriser à toucher le bedon d’une femme enceinte sans lui demander sa permission ?

•le choix du nom de l’enfant (j’ai bien dit du nom, pas du prénom) : c’est un sujet sur lequel je me querelle souvent avec mes amies, dans la continuité de la problématique du choix du nom lorsque l’on se marie. Personnellement, je répugnerais à me débarrasser entièrement de mon nom de famille au profit de celui de mon mari. Non pas que je ne le respecterais pas, ce charmant époux, mais au nom de quel principe devrais-je m’effacer ? Et de même pour le nom d’un enfant. On a beau me brandir en crachant des flammes l’argument du « nous voulons que toute la famille porte le même nom », je pense qu’en réalité la pratique de la sélection unique du nom du père est un relent d’une directive muette qui a traversé les siècles selon laquelle les femmes doivent être discrètes et s’incliner devant le mâle (rien que ça. Mais cela n’engage que moi, vous êtes libre de me soutenir l’inverse dans les commentaires).

•le conditionnement lié au sexe de l’enfant : « C’est la première question qu’on me pose, comme une urgence. Fille ou garçon ? Les layettes servent à l’étiquetage des enfants. Du rose ou du bleu, des voitures ou des fleurs, du vif ou du pastel. Aussi caricatural que ça. Même lorsque je cherche une affiche pour décorer sa chambre, on m’interroge sur le sexe du bébé. Filles et garçons n’ont pas le même beau. »

•la charge mentale, soit l’idée selon laquelle au-delà de la problématique de la répartition des charges au sein du couple,  l’anticipation et l’organisation de la vie quotidienne représentent un lourd travail mental qui incombe très souvent aux femmes : « Le travail gratuit et invisible des femmes, cette merveilleuse manne. Un sujet ringard qui n’intéresse personne, ni les hommes, ni les quelques femmes au pouvoir qui se gardent bien d’aborder des questions aussi mesquines. Pire encore, un sujet qu’on croit réglé. La société nous piège tout le temps avec les combats qu’elle s’imagine avoir gagnés. »

Peut-être venez-vous d’avoir une réaction épidermique à mon sens vigoureux du féminisme qui a pu déteindre dans ces quatre derniers points. Rassurez-vous, Amandine Dhée est beaucoup plus subtile que je ne le suis, et c’est le véritable atout de ses écrits : savoir bousculer ses convictions féministes avec ses expériences personnelles. Faire du féminisme un bouillonnement constant, un perpétuel questionnement, qui vogue au gré de ses contradictions.

Pour lire cet article sur le blog, c’est ici !

La Manche libre

La villa la Brugère, grande maison dédiée aux artistes à Arromanches, dans le Calvados, organise une rencontre publique avec Amandine Dhée, écrivain lilloise auteur d’un livre sur la grossesse abordée sous un angle nouveau mercredi 26 juillet 2017.

Mercredi 26 juillet 2017 à 18h, la Villa La Brugère qui accueille des écrivains et des artistes de toutes disciplines en résidence pour des séjours entièrement consacrés à la création, à Arromanches (Calvados) propose une rencontre publique avec Amandine Dhée, auteur du livre « La femme brouillon ».

Ironie et colère

Dans ce livre, Amandine Dhée raconte son expérience intime de la grossesse, de l’accouchement et de la maternité. Mais ne vous attendez pas à un gentil roman de plus sur la maman et son bébé! « La Femme brouillon » est un récit plein d’ironie et de colère. D’ironie parce que, comme toujours, Amandine Dhée se moque de ses propres naïvetés et décrit avec humour comment elle a vécu le regard des autres.

Un regard féministe

« Mon ventre bascule dans le domaine public. On s’autorise des gestes déplacés en temps normal, on touche mon ventre comme un gris-gris, le dos du bossu, la tête du singe. »

De colère parce qu’elle raconte la norme qu’on tente quotidiennement de lui imposer et sa lutte pour préserver son émancipation. La femme enceinte, la jeune mère, on lui dit ce qu’elle doit faire mais aussi ce qu’elle doit être. “La mère parfaite fait partie des Grands Projets Inutiles à dénoncer absolument. Il m’a paru important de me positionner clairement en tant que féministe parce que je veux donner un éclairage politique à mon expérience intime.”

La Femme brouillon est un livre drôle et cinglant. Il est paru en 2017 aux éditions La Contre-allée.

Article du 22 juillet 2017 par Frédéric Oblin

Pour lire l’article sur la page web, c’est ici !

Les livres de Joëlle

Amandine Dhée nous livre ici sa vision de l’aventure de la maternité. 

Elle évoque la transformation du corps, « la violence d’être habitée par un autre » qui lui fait penser à un Alien, la propulsion dans un nouveau statut, l’accouchement « Ici le temps s’écoule en doigts et en centimètres » puis l’étape de l’allaitement pas si naturel qu’on le dit, les diktats médicaux matraqués aux jeunes parents…

Puis ce sera le désarroi face à ce petit être, la sensation de ne plus s’appartenir avec ce bébé qui l’aspire complètement, elle qui se retrouve « Le cerveau bardé de post-it », les conversations qui ne tournent qu’autour du bébé et elle qui se retrouve réduite à n’être que maman, la perte du désir…

 » Le père est une mère très acceptable.

Le lien qu’il tisse avec le bébé me cause une immense joie.

Il paraît que les rôles non sexués,

ça fout en l’air les fondements de notre société.

Tant mieux, on en créera d’autres. »

Le parcours de jeune maman passe aussi par la lutte contre le syndrome de la mère parfaite, le refus de ne s’accomplir qu’au travers de son bébé, par la question de la conciliation de la maternité et de l’écriture, la découverte de la garderie, des jouets selon le genre de l’enfant…

Le propos est féministe, juste et merveilleusement bien observé. Le ton est plein d’humour. Un petit bijou à offrir aux femmes enceintes ou aux jeunes parents!

Une très belle découverte…

Pour découvrir cet article sur le blog des Livres de Joëlle, c’est ici !

Un dernier livre avant la fin du monde

« Je suis maman comme une plaisanterie, un malentendu jamais dissipé. »

Le rôle d’une femme dans notre société est-il uniquement défini par sa fonction de mère ? Peut-elle ou doit-elle y échapper ? C’est pour répondre à ces questions qu’Amandine Dhée a écrit ce court texte, sur son désir de maternité, sa grossesse et son rapport à l’enfant. Une expérience du domaine privé mais dont l’institutionnalisation dans notre société banalise et régit le vécu.

L’autrice, militante féministe, sait déjouer les pièges que tend une société patriarcale, en jouant avec ses désirs, ses instincts et ses responsabilités. Et pourtant, elle se surprend parfois à faire docilement ce que la société attend d’elle malgré le travail de déconstruction sur elle-même, et ses pensées émancipatrices.

« Au milieu de cette guimauve, où dire la violence d’être habité par un autre ? Suis-je la seule à penser à Alien ? »

De scènes cocasses comme les repas de famille, le choix du doudou ou la place dans les transports en commun, aux épisodes de doute et de peur panique de reproduire un schéma social qu’elle rejette, Amandine Dhée partage son questionnement.

Dans une alternance de courts chapitres portés par un style aigu et percutant, nous pénétrons dans l’intimité d’une femme enceinte puis d’une mère. Dans les séances de gymnastique pré-accouchement, dans les questions du corps médical, dans le marketing et ses injonctions à une vie saine, c’est toute l’instrumentalisation de la maternité qui éclate au grand jour.

« Moi qui dénonçais les stratégies marketing qui surfent sur nos angoisses, voilà que j’achète des gélules contribuant au développement cérébral du fœtus. »

Parfois, elle est aussi la « femme lézard », l’instinct personnifié. « Celle qui ne parle pas mais grogne, celle qui n’a ni pudeur ni dignité ». Celle qui ne peut qu’accourir quand le bébé pleure, et qui oublie toute mesure pour son enfant. La femme animale.

« La femme lézard », au-delà de l’instinct, est aussi celle qui se réjouit. Celle qui voudrait ne se consacrer qu’à son enfant dans la joie de leur relation primaire.

« Le bébé ferme les yeux sur nos fêlures. »

Comment concilier cette part instinctive de soi avec son chemin de femme militante, écrivaine et féministe ?

Dans la deuxième moitié du récit, Amandine Dhée raconte ses difficultés à sortir de son rôle de mère. Préparation à l’accouchement, maternité, crèche, école, autant de lieux où les mères se retrouvent entres elles. Un entre-soi étonnant, où leur seul point commun est cette expérience bouleversante, et cette joie de s’occuper de leur enfant. C’est lorsqu’une amie sans enfant refuse une invitation à « goûter avec deux autres mamans et leur petit de quelques semaines » qu’elle prend conscience de cet enfermement.

Faut-il revenir à sa vie quotidienne d’avant grossesse ? Retourner au travail ? Comment se définir autrement que par sa grossesse ?

La femme brouillon est un texte de questionnement, de petites expériences vécues au jour le jour pour raconter un bouleversement sans précédent. Un texte de doute et de colère parfois. Mais aussi, et c’est une part importante de ce récit, d’amour et de joie ; envers l’enfant, envers cette expérience, et envers la vie.

Pour lire l’article sur la page web d’Un dernier livre avant la fn du monde, c’est par ici !

Dans ta page

Si, ce soir, j’ai pas envie d’ rentrer chez moi, si, ce soir, j’ai envie d’casser du cliché
Je suis enceinte et je triple déteste qu’on me dise ce que je dois faire, les deux n’étant pas spécialement liés par un lien de cause à effet. Du coup, par contre, je suis très peu friande des lectures spéciales futures maman, que se soit sur des blogs, dans des livres ou dans le marc de café.
Heureusement, je suis tombée, assez fortuitement (1 fortuitement inspiré par Lupiot, et 1 autre fortuitement recommandé par une collègue) sur deux titres qui m’ont à la fois particulièrement parlé (puisqu’ils parlaient de moi. Limite flippant) tout en transcendant le genre « livre que tu peux lire que si t’attends un bébé, sinon casse toi ». La preuve, ils ont tout deux été lu par deux personnes qui ne sont pas (quoi qu’en fait, pour une, j’en sais rien) enceintes. Il s’agit, dans l’ordre chronologique de lecture, de Chère Ijeawele, de Chimamanda Ngozi Adichie, publié chez Gallimard et de La Femme brouillon, d’Amandine Dhée, publié aux éditions La Contre Allée. Les deux romans ont en commun de questionner notre rapport à nous même, les femmes, aux rôles qui nous sont attribués, par nous et par les autres. Je ne m’attarderai pas sur le 1er, tu as la très bonne critique de Lupiot ici si ça t’intéresse, j’en dirai un peu plus sur le second, dont on trouve peu de critiques.
Dans La Femme est brouillon, Amandine Dhée nous raconte sa grossesse, son accouchement et les premiers mois avec son bébé, en toute simplicité, avec beaucoup, beaucoup d’humour et un style incroyablement clair, littéraire et moderne.
J’ai écrit ce texte pour frayer mon propre chemin parmi les discours dominants sur la maternité. J’ai aussi voulu témoigner de mes propres contradictions, de mon ambivalence par rapport à la norme, la tentation d’y céder. Or la mère parfaite fait partie des Grands Projets Inutiles à dénoncer absolument. […] Plus que jamais, j’avais envie de tranchant, d’aigu, et surtout pas d’une langue enrobante ou maternante.
Dans ce court texte, l’auteur brosse son portrait, qui est aussi le mien et donc, je suppose, celui de beaucoup d’autres personnes, et nous parle de cette volonté d’être parfaitement parfaite tout en déclarant haut et fort que l’on ne l’est pas, sans l’admettre réellement que l’on puisse rater. Schizophrénie totale. Pour moi, c’est clair, honnête, intelligent et nuancé (et en plus, c’est drôle). (un autre petit extrait pour te prouver que c’est drôle)
Mon échelle de valeurs évolue. Si jusque là, j’ai vaillamment lutté contre toute forme d’injustice, mes ennemis sont désormais le lait cru et les crustacés. Larousse a été formel sur ce point. Moi qui dénonçais les stratégies markéting qui surfent sur nos angoisses, voilà que j’achète des gélules contribuant au développement cérébral du fœtus. On ne sait jamais.
C’est un livre à mettre entre toutes les mains, masculines et/ou féminines, un livre frais, éclairant et lumineux, qui fout un peu la frousse, des fois, mais dont les qualités littéraires et l’importance du sujet sont capitaux.
Pourtant, surtout à la lecture du Ngozi Adichie, je ne peux pas m’empêcher de me poser la question de l’opportunisme. Non pas que je doute une seule seconde de l’honnêteté des auteures ni que je les soupçonne d’être opportunistes et de vouloir se faire un max de blé sur notre bonne conscience (sinon, en plus, être auteure, c’est nul comme choix…), c’est plutôt dans le sens de ces thèmes là ne sont-ils pas « à la mode », et si oui, est-ce un mal ? Est-ce que le fait de pouvoir -enfin- parler d’un sujet en fait un sujet « à la mode » ? Est-ce que finalement, casser du cliché, c’est pas cliché ?
Pour lire cet article sur le blog Dans ta page, c’est ici !
Rencontre avec Amandine Dhée et Antoine Mouton à la librairie Charybde

Rencontre avec Amandine Dhée et Antoine Mouton à la librairie Charybde

 

Le jeudi 30 mars 2017, la librairie Charybde (129 rue de Charenton 75012 Paris – http://www.charybde.fr ) recevait, avec le soutien de Julien Delorme et du festival Raccords, Amandine Dhée et Antoine Mouton, pour une lecture-discussion croisée de leurs « La femme brouillon » et « Chômage monstre ». A (ré)écouter ici !

Authentiques Tropiques

Ma tante disait que les dragées se dégustent soit par deux, soit pas du tout. Elle était gourmande et généreuse. Est-ce pour cela que je vous présente toujours les livres deux par deux ? Est-ce que cet adage s’applique aussi aux hommes ? Puisque je suis dans la rubrique littéraire, je serai tenté de prendre exemple sur Marguerite Duras pour répondre à cette dernière question.

Une fois n’est pas coutume, je vais vous présenter deux livres qui traitent du même thème, celui de la maternité :  « La femme brouillon » d’Amandine Dhée et « Insecte » de Claire Castillon.

Depuis la découverte de « Pas dans le cul aujourd’hui » me voilà abonnée à la newsletter des Éditions de la Contre-allée. Ce matin-là, en ouvrant mes mails, un paragraphe me percute : « Le meilleur moyen d’ éradiquer la mère parfaite, c’ est de glandouiller. Le terme est important car il n’ appelle à aucune espèce de réalisation, il est l’ ennemi du mot concilier. Car si faire vœu d’ inutilité est déjà courageux dans notre société, pour une mère, c’ est la subversion absolue. Le jour où je refuse d’ accompagner père et bébé à un déjeuner dominical pour traîner en pyjama toute la journée, je sens que je tiens quelque chose« . J’ai acheté le livre, je l’ai lu d’une traite puis j’ai renversé une bouteille d’eau dessus, par mégarde bien sûr.  Serais-je aussi une sorte de femme brouillon ?

Ce livre court mêle humour et sentiments, sans mièvrerie ni concession. La langue simple et ciselée met en valeur le propos. L’auteure parle de la construction de la maternité, ce drôle de truc qui nous tombe dessus sans prévenir. On se raccroche alors aux branches, aux manuels des bonnes mères, aux normes qui nous surveillent sans faillir.  Féministe, Amandine Dahée se demande comment vivre à la fois la maternité et le féminisme sans que l’une n’exclut l’autre. Voici ce qu’elle dit dans ses interviews « Je ne prétends nullement à la fidélité à ma propre histoire. Et surtout, je sais que ça résonne pour d’autres « . « Je me définis et m’évade en permanence de cette identité demère « .  Elle remet en cause, par exemple,  les injonctions de CNV (communication non violente) et se débat avec l’escroquerie de la Mère.

Les différentes personnalités ou voix intérieures qui sont présentes dans ce livre m’ont interpellés : La femme brouillon, la demi-mère, la femme-lézard, l’ado blessée, la Mère… Elles font échos  aux archétypes de Jung. J’ai aimé la femme Lézard que vous laisse découvrir. Comme j’ai eu la chance de pourvoir le dire de vive voix à l’auteure, cette femme lézard est d’une grande richesse qui ne demande qu’à être approfondie. Cependant ce n’est pas un livre réservé aux femmes. Lors d’une soirée de présentation de son livre où j’étais présente, un homme de l’assemblée finit par dire, alors que la conversation tournait autour  du temps de l’accouchement : « bon, ben on a va vous laisser entre femmes ». Non et non. Ce sujet concerne tout le monde, hommes compris.

« Le père du bébé aurait fait une bien meilleure mère. Son instinct de sacrifice est plus développé, et c’est toujours lui qui fait les crêpes. »

« Le père est une mère très acceptable. Le lien qu’il tisse avec le bébé me cause une immense joie. Il parait que les rôles non sexués, ça fout en l’air les fondements de notre société. Tant mieux on en créera d’autres. «

» Nous n’avons pas souhaité connaître le sexe. C’est un premier cadeau que nous lui offrons, un sursis de genre.«

» J’ai peur de ne pas sentir les premières contractions. Peur absurde qui fait sourire tout le monde, sauf les femmes enceintes. »

» On avait promis de ne pas se précipiter. De faire comme d’habitude. Ils jouaient bien du violon pendant le naufrage du Titanic.                Nous nous précipitons. «

» Dans les transports en commun, les yeux brillent, des gangs de mamies fondent sur nous, des personnes guindées se  multiplient en grimaces. On peut obtenir un effet similaire avec un chiot ou un chaton, mais le bébé rafle tout. «

« Le poète est formel, écriture et vie de famille  sont incompatibles. Les contraintes domestiques ne conviennent pas à l’écrivain, ivre de liberté. Je me braque, je crie au cliché. Cite les écrivaines qui ont des enfants, liste incantatoire.                Je mélange nerveusement ma tasse de café. »

» Les layettes servent à l’étiquetage des enfants. Du rose ou du bleu,  des voitures ou des fleurs, du vif ou du pastel. Aussi caricatural que ça […]. Tout m’agace. Ces gamines à qui on demande de contrôler leur mouvement, ré-ajuster leur jupe, ravaler leur corps. Ces hommes qui leur réclament des bisous, ces plaisanteries sur les filles qui disent non quand c’est oui.«

Une  critique du livre avec un regard « journalistique » ici.

***

Un beau jour, trainant mes converses dans une librairie, je tombe sur « La femme brouillon » dans le présentoir des nouveautés françaises. Dans un élan d’amour, oui on peut être amoureux.se d’un livre, je saute sur la libraire avoir son avis. Comme tous les passionnés, je suis déçue extrêmement déçue qu’elle ne connaissance pas l’objet de mon amour. Elle n’a pas lu le livre ! Ravie de pouvoir conseiller une libraire, je lui vante la richesse de ce texte. Ma mission accomplie, je reviens à mon dada, trouver des bonnes nouvelles à lire. Quelques instant plus tard, la libraire me tend « Insectes » de Claire Castillon. C’est absurde et cela traite du rôle mère-fille, me dit-elle. Vendu ! Cependant, un petit détail me chafouine sur la couverture. On y trouve une recommandation de « Elle » : « Claire Castillon convainc totalement avec ses vachardes variations sur les relations mère-fille. » J’entretiens une relation compliquée avec le magazine Elle et j’avoue que si la libraire ne me l’avais pas recommandé, j’aurais abandonné le livre à son triste sort.

C’est une série de nouvelles  saugrenues avec parfois des accents burlesques. Chacune d’entre elle est cohérente et se lit avec facilité. L’idée générale est de mettre en lumière les folies maternelles en les caricaturant. Et ça fonctionne plutôt bien. Mais avant de commencer ma lecture, j’avais consulté les critiques qui promettaient uppercut et souffle coupé. Je suis déçue. Je n’ai pas ressenti cet enthousiasme. Peut-être aussi parce que je lis pas mal de ce type de textes décalés, un brin surréalistes qui traitent de nos folies humaines. Je me sens comme une femme expérimentée devant un nouveau sexe d’hommes : plus experte mais moins enivrée par la découverte. Au-delà de ce constat, à mon sens, quelque chose ne fonctionne pas dans certaines nouvelles. Ce livre rappele noir sur blanc que l’instinct maternel qui nous ferait, par nature, de bonnes mères aimantes, toutes options casseroles comprises, n’existe pas. Et, en cela, ces nouvelles me parlent faisant échos à quelques mots j’ai pu écrire ici : les mères te mènent en voiture.

» J’entre dans la classe, les fesses serrées autour de mon suppositoire vitaminé. Je suce une pastille d’oligo-éléments avec des propriétés génératrices. Quand j’ai compté les gouttes et les comprimés de ce matin, je suis arrivée à quatorze remèdes avalés. Ma mère me drogue, elle a ses moyens pour m’endormir le soir, pour m’éveiller le matin, pour réveiller en moi le sommeil, la détente et la relaxation. «

» Devant la pharmacie, j’appelle mon mari. J’aime bien sa voix sur son répondeur, ça me rappelle la voix qu’il a quand il parle aux autres. «

» C’est moi qui ai préparé les filles, elles étaient levées depuis six heures, surexcitées à l’idée d’étrenner leur cartable. Elles avaient échangé leurs robes et se chamaillaient à cause d’une petite barrette, j’ai été obligée de la casser en deux pour finir. Du coup elles ont pleuré, refusé de déjeuner, de s’habiller, refusé de marcher jusqu’à la voiture. Je me suis battue avec celle en D, qui s’agrippait aux coussins du canapé. J’ai dû la porter, moi qui souffre du dos. Et là, loi des séries oblige, ça n’entrait pas dans ma mini-Smart. J’ai essayé d’en faire passer une dans le coffre mais il était encombré par les poussettes. Je les ai finalement assises l’une sur l’autre à la place du mort, ça criait tant que ça pouvait, je n’entendais rien de la radio. Ça roulait bien pour un matin. J’ai ouvert la portière, et j’ai jeté celle du dessus sur le périphérique. Et j’avoue ne pas être très contente de mon geste parce que j’ai jeté la plus sage. »

» Pour un homme, c’est détestable de promener une femme qui ne sait pas minauder. Je profiterai de dimanche, et je lui montrerai comment passer sa langue sur ses lèvres et sa main dans ses cheveux, et puis comment s’asseoir en écartant doucement les jambes, les cuisses, à peine bien sûr, je ne dis pas qu’elle doive se dévoyer, seulement le faire pour l’homme qui l’accompagne, sans que les autres la voient. Oui, quand elle viendra dimanche, je lui monterai que faire de ses mains et comment les poser  sur l’homme pour ne pas le laisser filer. Je l’aurai, mon mariage de princesse et ma robe, songe la maman en s’endormant. »

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Parutions.com

Certains reptiles ont l’écaille souple

Ne lisez pas le résumé sur le rabat de la quatrième de couverture : il fait du texte d’Amandine Dhée une caricature, un genre de pastiche qu’auraient pu pondre les Inconnus, les jeux littéraires de France Culture, ou un situationniste se produisant pour la première fois devant la caméra. Mais lisez le texte : il répond à un besoin de notre temps (il est rigoureux), s’adapte à la demande du marché (il est court) et s’adosse à une valeur dominante de notre temps (la dérision des valeurs). Il est drôle, souvent, et évite – parfois de justesse – les écueils de son genre (littéraire, merci) : l’itération, la lassitude, la sécheresse. C’est cet évitement, ce jeu d’équilibriste qui fait de La Femme brouillon une réussite : un texte qu’on peut vouloir relire (une condition nécessaire à l’écriture d’une recension), avec bienveillance (une condition nécessaire à l’écriture bénévole et non sadique d’une recension).

En forme d’anti-éloge de la maternité à la première personne, La Femme brouillon satisfait aux exigences morales et esthétiques de la critique militante : il entend démystifier, provoquer, moquer, subvertir les normes, dénoncer les mensonges qui baignent les institutions et les représentations de la maman – ce mot, probablement dans le peloton de tête des occurrences lexicales de la langue française, ne surgit qu’une fois dans tout le livre (p.52), avec les italiques qu’on réserve par convention aux langues étrangères. A l’inverse, le syntagme «mère parfaite», craint et honni, est régulièrement brandi comme porte-étendard de l’ennemi(e) – de l’ennemi(e) culturel(le) intérieur(e) – à arracher.

Il y a sûrement beaucoup d’autobiographie dans ce livre, mais le simple lecteur, qui ne connaît pas l’auteure et n’a pas recherché d’information complémentaire sur elle, ne sait pas en mesurer la dose exacte. C’est heureux, car, aux dires de l’amoureuse de l’auteur de la présente recension, qui l’a lu avant nous, «cela lui a vraiment parlé et parlera à de nombreuses mères». Si ce texte parle aux gens, c’est donc qu’il est une parabole : il contient un fragment d’universel – un pléonasme commun à la bonne littérature et au mauvais manifeste.

Les lieux communs («Ce connard de Larousse a menti. Ce n’est pas vrai que la maternité rapproche mère et fille», p.27), la novlangue («l’essentiel, nous dit-elle [la sage-femme], c’est d’être open», p.25), les euphémismes, les rituels, les lieux («les murs de couloir sont couverts de personnages de dessins animés maladroitement exécutés. Certaines cultures recommandent d’entourer le nouveau-né de belles choses. Dans notre cas, il aura vu Donald frappé de dysmorphie et sa mère dans la robe de chambre jaune à fleurs de l’hôpital», p.40), l’hypocrisie («la sollicitude de mes concitoyens est cependant à géométrie variable (…) en fin de journée dans les magasins, mon ventre rond s’estompe», p.23), les institutions («nous n’avons pas voulu connaître le sexe. C’est le premier cadeau que nous lui offrons : un sursis de genre», p.30), les injonctions inégalitaires, leur simplisme («j’ai le cerveau qui bouillonne, et on me répond en pictogramme», p.76), l’assignation au rôle («La cartographie de la ville change, il me faut maintenant connaître les lieux disposant d’une table à langer. Il y en a très peu. Le message est clair. Reste à la maison, où vivent les femmes et les bébés en fusion», p.64), et jusqu’à la honte de s’y conformer («je visionne des tutoriels sur internet, des vidéos amateures et au lettrage nunuche, la plupart du temps j’en ressors humiliée»), sont passés au hachoir à viande d’une ironie acerbe. N’y eût-il eu que cela, un long billet sur la blogosphère politique et/ou féministe eût convenu. Il aurait même pu mériter une notice – c’est le plus grand compliment qu’on lui fera – dans une encyclopédie de mai 68. Mais il y a encore plusieurs choses, dont voilà deux.

D’abord, Amandine Dhée, dans une langue affûtée à la fraiseuse, est une productrice d’images talentueuse : leurs arrêtes affranchies jusqu’à la coupe tirent des pointillés entre la poésie en prose et le langage publicitaire. Très efficace. Les thèmes ? Ils sont nombreux. L’articulation des trois temps, qui se joue de part et d’autre de l’accouchement, de la – stricto sensu – génération : «pour une fois, je me sens du coté de la vie, sans le passé qui déborde et le futur qui inquiète» (p.52), l’observation clinique du corps, de la perception et du sentiment de soi («à quoi bon la pudeur ? J’ai trop de corps, j’en ai perdu les contours», p.43), etc. La question sociale n’est jamais loin, bien sûr.

Mais, ensuite, il y a sporadiquement de la place pour des injections de tendresse, façon béton expansé. Entre les micro-pieux de l’édifice dé-constructeur, laid par vocation, subsiste pas mal de la joie et de la consternation heureuse que le sens commun, laid par nature, adosse à la maternité. «Avec le bébé, ma voix n’est pas la même. Il dispose d’une tonalité rien qu’à lui, une radio pirate qui l’inonde de chansons sucrées. (…) ça m’allège de voir le monde avec les yeux du bébé. Il est un fulgurant remède au cynisme» (pp.51 et 52). La «femme-lézard», comme se désigne elle-même la narratrice, évolue alors sur un chantier vieux plus vieux que la modernité, celui des contradictions de l’individu parcouru de sentiments, d’idées et de représentations dissonants. Elle cherche la sortie, avec les mouvements saccadés et précis du reptile. Un zigzag préparatoire, comme un échauffement, avant l’appel au voyage et à la vie qui clôt le texte de façon somme toute silencieuse, modeste.

David-Jonathan Benrubi

le 24/02/17

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Lou et les feuilles volantes

« On ne sait pas s’il faut l’habituer à un monde injuste, ou construire une humanité nouvelle en commençant par lui. Nous avons l’amour, la musique et les livres à lui offrir. Et selon les jours, ça semble rempart ou dérisoire. »

« Je décapite la mère parfaite qui est en moi. »

« J’ai perdu mes certitudes. »

Pendant des années, tu te construis, te déconstruis, t’inventes : femme brouillon que rien ni personne ne détermine, tu avances pas à pas, interroges ton identité de femme, essaies d’échapper aux diktats des hommes et de la société, lorsque survient, choisie, la grossesse qui te confronte à toute ta construction, ta déconstruction.

Drôle, caustique, vif, malin, touchant, féministe et politique, La femme brouillon est le récit de l’expérience intime, perturbante, déconcertante et belle de la maternité. Amandine Dhée, aux prises avec les clichés et les stéréotypes, y bouscule les discours dominants et revient sur son vécu, ses interrogations, ses doutes, ses craintes au cours de cette expérience qui oblige à repenser le rapport au corps, au genre, aux parents et au couple, au travail, à l’écriture… Elle montre à quel point la maternité échappe aux discours qui croient l’enclore sans jamais la contenir, et comment chaque femme doit tracer sa propre voie, unique et personnelle en essayant d’échapper à une pluie d’injonctions, lancées comme des pierres, souvent contradictoires, qui ne laissent les femmes tranquilles. Tu n’es pas encore enceinte, tu n’es pas normale – comprendre : normée. Tu es enceinte, ne bois pas ne fume pas ne mange pas ceci ni cela. Tu es enceinte, tu peux t’asseoir à table avec les mères, tu parleras d’enfants. Tu es mère retourne travailler, tu es mère ne travaille pas, etc.

« Mon ventre bascule dans le domaine public. »

Certains voudraient encore pouvoir choisir vêtements et pensées pour les femmes, et la vie de notre utérus semble passionnante pour tous ceux qu’elle ne concerne pas. Quand un fœtus l’occupe, le ventre des femmes passe à l’insu de leur plein gré du privé au public : « Expérience intime, tu parles. » Amandine Dhée évoque avec justesse la violence de ce sentiment de dépossession, ce sentiment que soudain le corps habité de la femme ne lui appartient plus. Sifflé, commenté, harcelé avant la grossesse, il devient par elle « respectable », car emplissant sa fonction sociale. On le palpe, on l’idéalise, on se permet de lui « faire la morale ». Femmes enceintes, femmes ceintes par les discours : « Nous sommes toujours à portée de mains et de mots. Ici, j’aurais voulu que mon corps m’appartienne. »

« Pourquoi, sous prétexte que j’ai un utérus, dois-je porter une telle responsabilité ? »

Avec ironie, La femme brouillon interroge les rôles du père et de la mère (« Le père du bébé aurait fait une bien meilleure mère. Son instinct de sacrifice est plus développé, et c’est toujours lui qui fait les crêpes. ») et renvoie dans les cordes les tenaces stéréotypes liés au genre, « d’invisibles frontières » sur lesquelles la grossesse semble agir comme un révélateur, qui se cristallisent autour de la femme enceinte, puis de la jeune mère et de son bébé. — « J’ai vu tellement de femmes se faire avoir. Des couples soi-disant conscients, qui avaient réfléchi, qui avaient déconstruit. Peut-être cela se joue-t-il dans la torpeur des premières semaines ? Quand la femme joue à la maman, et l’homme au papa. Quand chacun trouve refuge dans les clichés auquel il croyait avoir échappé. C’est lorsqu’on est fragile que la norme nous agrippe le mieux. » Ça commence par la famille, ça continue avec les institutions, le corps médical, la publicité, les jouets et vêtements genrés qui donnent envie de « brûler un caddie » et d’offrir « un sursis de genre » au bébé en refusant de connaître son sexe avant la naissance, les employés de la sécu qui s’étonnent qu’une femme ne connaisse pas la durée d’un congé maternité. « S’imagine-t-il que les femmes se retrouvent dans des grottes à la nuit tombée pour échanger ces informations ? Croit-il que ce soit naturel pour moi ? »

« Au milieu de cette guimauve, où dire la violence d’être habitée par un autre ? Suis-je la seule à penser à Alien ? »

Amandine Dhée constate la négation généralisée de la violence de l’expérience de la grossesse, refoulée derrière la bien-pensance et les euphémismes qui font de la douleur de l’accouchement des « sensations étranges », de l’épisiotomie un acte médical bénin, et conseillent aux femmes de porter à la clinique des culottes noires, suite logique du sang bleu des publicités. Sans détour, l’autrice démystifie « l’expérience merveilleuse » de la maternité véhiculée par les discours dominants, et expose la non-évidence de la maternité, l’étrangeté de sentir en soi un autre, de voir son corps bouleversé, meurtri, modifié, par l’accouchement, le besoin de le réapprivoiser après la naissance, de se retrouver, de se distinguer de l’enfant (« Comment désirer l’autre si je ne sais plus qui je suis ? »). Elle exprime aussi le désarroi souvent tu des femmes enceintes, leurs peurs communes moquées, celle de ne pas sentir les premières contractions, celle d’exploser, celle plus tard d’être en incapacité de s’occuper du bébé ou qu’il meurt subitement. Face à la soumission, par défaut, par peur, par ignorance, au monde médical et au Larousse des futures mamans, le self-help apparaît comme les prémices d’une « révolution », d’une émancipation.

« Les femmes devraient toujours se méfier quand on leur accorde un monopole. »

Surtout, Amandine Dhée explore le rapport de la femme à la maternité qui, même pensé en amont, sera à la naissance de l’enfant différent et nouveau. Imprévisible, inconnue, cette femme-lézard qui naît lors de l’accouchement, qui naît de la douleur, du cerveau reptilien et de l’instinct, qui « ne parle pas », qui « grogne », qui « se fiche de la littérature », qui a la tentation de prendre possession de ce petit être à nourrir et protéger, ce petit être que l’on peut contrôler tant il dépend de nous. Insidieuse, cette « mère parfaite » dont l’image écrase et envahit. La débusquer, la décapiter n’est pas aisé : les avatars insidieux de cette hydre à sept têtes poursuivent sans relâche. De l’image d’Épinal de pondeuse aux fourneaux pétainiste à l’adepte de la communication non violente « incollable sur le maternage naturel » ou encore la mère qui concilie, « qui tente d’articuler dans un même discours la joie de rencontrer son enfant avec les bases élémentaires de lutte contre le patriarcat, et le tout avec très peu d’heures de sommeil ». Entre elles, se cachent encore « la gosse qui n’a pas les mots », « l’ado blessée » qui n’a pas pardonné à sa propre mère, « la féministe et la demi-mère ».

« Le meilleur moyen d’éradiquer la mère parfaite, c’est de glandouiller. Le terme est important car il n’appelle à aucune espèce de réalisation, il est l’ennemi du mot concilier. Car si faire vœu d’inutilité est déjà courageux dans notre société, pour une mère, c’est la subversion absolue. Le jour où je refuse d’accompagner père et bébé à un déjeuner dominical pour traîner en pyjama toute la journée, je sens que je tiens quelque chose. »

Peu importe la norme, la perfection, que l’on ou que tu t’imposes, être mère relève du funambulisme : tu es toujours à deux doigts de te casser la gueule, oscillant entre ce que l’on attend de toi, ce que à quoi tu refuses d’être cantonnée, ce que tu veux offrir à l’enfant, ce que ton corps et ta fatigue te permettent, et toutes tes peurs pour lui, et ton désir d’écrire, de travailler, de faire ta vie.

La femme brouillon est un bel hommage à la maternité dans toute sa complexité, un texte intelligent et un livre éminemment politique.

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Eulalie

Par Françoise Objois pour Eulalie

Elle qui se pensait immunisée contre la maternité, la voilà enceinte ! Basculement du monde, angoisses, interrogations, une femme se débat contre l’idée de procréation considérant, suite à une histoire familiale difficile que l’on devine en filigrane, que « la moindre des politesses quand on met un enfant au monde, c’est de lui fournir un kit de survie ». Amandine Dhée, féministe convaincue, ose dire avec style et simplicité « la violence d’être habitée par un autre » et celle d’avoir l’impression d’être dépossédée de son corps. Au fil des mois, elle analyse la situation tout en refusant les rôles que la société attribue traditionnellement au père et à la mère. Elle raconte tout avec la pointe de dérision pas facile à cultiver dans ces circonstances. Lâche un « putain que ça fait mal » et le bébé arrive… L’aventure de la vie à deux, celle de la mère et de l’enfant ne fait que commencer. Et s’il ne l’aimait pas, et si elle n’était pas une bonne mère ? Il faut inventer une relation avec l’enfant et soi-même, le temps de s’apercevoir que « notre corps commence et finit entre les mains des autres ». Amandine apprend aussi que « le bébé ferme les yeux sur nos fêlures » et qu’il est, ce bébé, sans prénom tout au long du livre, « un fulgurent remède au cynisme » et un accélérateur de lien social. Mais attention, pas question de rentrer dans le rang pour autant et de n’être qu’une maman, encore moins une mère parfaite. Il s’agit que le bébé ne colonise pas son cerveau pour laisser l’imaginaire s’y réinstaller. Et par-dessus tout ne jamais perdre son identité, celle de la femme brouillon que l’on a toujours été.

Mouvement.net

Lézard contre-offensive

Avec La Femme brouillon, publiée aux éditions La Contre allée, Amandine Dhée tranche dans le vif : elle conjugue maternité et politique dans une langue et un rythme percutants.

« Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience. » (Fureur et Mystère, de René Char, 1948)

Cette citation en guise de préambule donne le ton de La Femme brouillon d’Amandine Dhée : vous n’êtes ni au royaume des Bisounours ni au pays de la guimauve.

Par Natacha Margotteau

 

In utero veritas ?

La femme brouillon est décevante. Pour elle, la maternité n’a rien de naturel. Elle n’a jamais cru aux « histoires de spermatozoïdes, de gamètes et d’ovulation ». Elle ne connaît pas la durée de son congé maternité ni comment on tient à jour le carnet de suivi de grossesse avec les bons documents. Son expérience de la douleur se limite au souvenir d’un doigt coincé dans une porte métallique. Elle oublie de prévoir les vêtements de sortie de la maternité pour le bébé – bébé qu’elle ne sait ni changer, ni laver. Pour autant, la femme brouillon n’est pas Pierre Richard, cumulant gaffes et impairs. Elle n’est pas une catastrophe, elle vit une catastrophe – non pas une tragédie mais un de ces événements qui bouleversent une vie et dont les conséquences sont imprévisibles : la maternité.

Blogs, articles et livres à la pelle sont là pour guider les femmes, nous direz-vous.  Mais « cette société qui rêve d’un accouchement propre » avec ses « publicités où le sang des femmes demeure mystérieusement bleu » apparaît dans le livre comme une véritable fabrique de la « Mère parfaite qui fait partie des Grands Projets Inutiles à dénoncer absolument. » Le tout un chacun qui se sent autorisé à dicter la conduite, la sollicitude à géométrie variable, les sujets de conversation réservés, la bien-pensance sur la parentalité, etc… ici, pas question de materner le lecteur.

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Le Matricule des Anges

Le Matricule des Anges

Disons-le d’emblée, La Femme brouillon est un remède salvateur à la « littérature » d’experts en maternité, qui prétend combler la question de la parentalité. Parce que dans son genre hybride, le cinquième ouvrage d’Amandine Dhée dit la pluralité, la diversité des êtres, l’échec d’une parole qui prétendrait circonscrire ce qui est de l’ordre de l’indicible. C’est un récit intimiste sur le basculement du corps, de l’âme, et un essai philosophique, qui ne s’interdit ni la poésie – « Pour toujours, nous sommes suspendus à cette vie qui hésite. » et surtout pas l’humour. C’est un cri qui sourd de ce ventre qui grossit – « Suis-je la seule à penser à Alien  ? » – traversé de questionnements, de refus, d’abdications, pour mieux se trouver. Au fil de ce journal de bord, la narratrice s’affronte à une société qui compartimente – « c’est lorsque l’on est fragile que la norme nous attrape le mieux. » –, revisite son enfance, découvre ce rapport inédit à l’autre qui est en soi mais qui est un autre. « Jamais, réalise-t-elle, je n’ai été si disponible à quelqu’un ». La phrase suit ce processus à la fois distancié et passionnel, cet écartèlement permanent. Des phrases courtes pour dire l’éclatement, le tiraillement entre les projections de la société – « femme-lézard »« maman-coussin » – et l’individualité. « N’ai-je pas trahi le camp des femmes libres ? »s’inquiète-t-elle, refusant de rentrer ce ventre désormais rond dans des vues sociales étriquées qui disent l’enfermement, le tais-toi et nourris. 
Amandine Dhée démontre avec force quelle inconnue est la maternité, sans courbe tracée ou prédéfinie. Cette génétique qui nous fait craindre de reproduire les erreurs, mais qui n’est qu’un leurre. On se construit sans cesse. L’auteure brasse toutes ces questions sans prétendre y répondre, puisqu’elle qui ne pensait pas un jour franchir le pas, la voilà « maman (…), un malentendu jamais dissipé ». Puisqu’à chacune son brouillon.

Virginie Mailles Viard

La Femme brouillon, d’Amandine Dhée, Éditions La Contre Allée, 96 pages, 13 €

Ventre en liberté Par Virginie Mailles Viard 

Le Matricule des Anges n°180 , février 2017.

Sophielit

Amandine Dhée La femme brouillon

08 février 2017


« J’ai écrit ce texte pour frayer mon propre chemin
parmi les discours dominants sur la maternité. J’ai aussi voulu témoigner de
mes propres contradictions, de mon ambivalence dans le rapport à la norme, la
tentation d’y céder. Face à ce moment de grande fragilité et d’ immense
vulnérabilité, la société continue de vouloir produire des mères parfaites. Or
la mère parfaite fait partie des Grands Projets Inutiles à dénoncer absolument.
Il m’a paru important de me positionner clairement en tant que féministe parce
que je veux donner un éclairage politique à mon expérience intime.
J ai voulu un texte court. Plus que jamais, j’avais envie de tranchant, d’aigu,
et surtout pas d’une langue enrobante ou maternante. »

Amandine Dhée

Pas une ligne de ce court livre qui ne m’ait parlé. De la
phrase de René Char en exergue « Ce qui vient au monde pour ne rien
troubler ne mérite ni égards ni patience » à la sensation de commettre un
kidnapping au sortir de la maternité, j’aurais voulu tout avoir écrit avec elle
– peut-être parce que ce sujet est ma préoccupation du moment, et aussi le cœur
de mon prochain roman.

La femme brouillon est une pépite. Tout y est juste et
remarquablement senti. La plume d’Amandine Dhée se tient en équilibre sur un
fil, entre fragilité et détermination. Un livre que chaque lectrice devrait
offrir à toutes ses amies, et aux pères des bébés de ses amies.

Si vous désirez lire le billet sur le site Sophielit, cliquez ici !

Version Libre

Chronique datant du 03 février 2017 par Version Libre.

« La femme brouillon » d’Amandine Dhée

Dans l’écriture créative tout comme dans l’essai argumenté, il y a un sujet qui paraît toujours un peu problématique à aborder. Et lorsque ce sont des femmes qui prennent la plume, euh pardon, le clavier, ça semble même encore un peu plus compliquer la donne… Ce sujet : la maternité. Elles sont à la fois les mieux placées pour en parler, et très agacées d’être presque systématiquement questionnées sur la particularité féminine de leurs sujets d’écriture, voire de leur manière d’écrire…

Mais ces dernières semaines, j’ai eu le plaisir de faire deux lectures passionnantes et jubilatoires et qui se rejoignent sur ce thème là, assez essentiel à tout… à l’humanité, à nos vies personnelles, à nos sociétés, au présent, à l’avenir…bref…sur ce sujet central à nos vies.

« la femme brouillon d’Amandine Dhée » publié tout
récemment à La Contre Allée… Dans ce livre, Amandine Dhée
témoigne du tourbillon dans lequel l’a projeté la maternité, de
l’avant à l’après naissance… Elle nous parle des étonnements,
des contradictions, des injonctions en tout genre qui nous sont
faites et que l’on se fait soi-même à notre insu… Je passe au
nous parce que bien évidemment, une lectrice femme va forcément s’y
retrouver !!! En tout cas, moi, j’ai plongé avec elle !
Et son écriture est si vive et si piquante que c’est un vrai
délice ! Les lecteurs hommes nous diront ce qu’ils en
retirent, mais à coup sûr, ils seront sans doute surpris et
interpellés par la complexité émotionnelle et rationnelle de cette
situation dans laquelle donner la vie et la protéger nous plonge…
C’est vraiment très très bien décrit ! Le mieux est de vous
proposer mes morceaux choisis (tout en bas)… Mais n’hésitez pas
à vous laisser tenter par le texte intégral : il en vaut
largement la peine !!!

Si vous désirez lire l’article en intégralité sur le site de Version Libre, cliquez ici !

 

Bookalicious

Une chronique de Bookalicius datant du 06 février 2017

Interview, Amandine Dhée nous parle de La femme brouillon

Discours social et médical, binarité des points de vue, poids des traditions catholiques, paternalisme, culpabilité. Combien de poncifs entendons-nous sur la maternité ou son refus ? Combien d’idées reçues qui ne laissent, finalement, que peu de place à la singularité, au choix, au désir. « Une femme ne s’accomplit que par la maternité », « une femme n’est une femme que mère » contre  : « une femme est une femme », « une mère est soumise à la dictature patriarcale »… Et, au milieu, elle en pense quoi, la femme ? La future mère ? La Femme ? Que veut-elle, sait-elle, imagine-t-elle, comment se situe-t-elle ? Comment esquisse-t-elle le futur de son enfant ?

A travers un texte incisif, coupant, parfois cynique et toujours extrêmement fin, Amandine Dhée questionne et met en perspective la maternité sans tabou ni faux-semblants, et sans non-dits. Sa plume se déploie, la langue se déroule, fluide et maîtrisée, poétique et percutante. La Femme Brouillon prend des allures de manifeste d’une portée humaine et féministe inspirante.

Pourquoi ce livre ?

J’ai écrit ce livre pour «  m’éclaircir  », comme le dit joliment
Charles Juliet. Rendre compte de mon expérience de la maternité, tenter
de comprendre ce qui s’est joué en moi au cours de cette période
singulière. Témoigner aussi du regard des autres, et la façon dont notre
société considère les «  Mères  » (majuscule hautement ironique, bien
entendu  !). J’ai le sentiment que de nombreux non-dits circulent encore
sur la maternité, qu’il est difficile de sortir d’une certaine binarité
(«  la maternité n’est bonheur  » / «  la maternité est un enfer  »). A
partir de mon propre vécu et de nombreuses discussions avec d’autres
femmes, j’ai eu envie d’écrire, avec l’intuition que mon texte qu’il
résonnerait pour d’autres.

 

 » Je me positionne clairement en féministe « .

Pourquoi pensez-vous que l’on reproduise en permanence un discours lisse et hypocrite sur la maternité ?

Il y a une foule de pistes que votre question m’évoque…

Je dirai qu’une société patriarcale à tout intérêt à véhiculer ce
discours, qui occulte une partie de la réalité, mais permet aussi de ne
pas changer ses fondamentaux. Je crois qu’il y a une part d’ignorance,
aussi. Je pense que les femmes prennent moins la parole dans l’espace
public et donc, ont moins de chances d’être entendues. Les femmes étant
encore souvent accaparées par la charge des enfants et du travail
domestique en plus de leur activité professionnelle, elles ont moins le
temps et l’espace de prendre la parole. Et les femmes qui ont su
s’émanciper de ces modèles dominants se battent sur d’autres fronts.

Le plus troublant, c’est que certaines femmes véhiculent elles-mêmes
ce disours. J’ai le souvenir d’un article intitulé «  Pourquoi ma mère
m’a menti  », où la narratrice dénonçait les mensonges véhiculés de mère
en fille. Peut-être parce que les femmes s’emparent du seul rôle qu’on
veut bien leur donner/assigner. Peut-être aussi parce qu’elles sont
courageuses et qu’elles serrent les dents.

Sans doute aussi est-ce difficile d’admettre que notre propre mère
n’a pas nagé dans le bonheur en nous élevant et qu’on préfère se
raconter des histoires idéalisées de maternité  ?

 » Je me définis et m’évade en permanence de cette identité de mère ».

Considérez-vous que votre livre déploie une portée politique ?

Oui. Avec cette idée que le privé est politique. Je me positionne
clairement en féministe et c’était important de le faire pour moi. J’ai
envie que les hommes et les femmes se réinventent. D’ailleurs, je suis
très touchée quand je sens que ce texte parle aussi à des hommes. J’ai
envie de dénoncer des inégalités et ce mythe de «  l’égalité déjà là  »
cher à Christine Delphy. Pour autant, je veux aussi montrer mes propres
contradictions, mes ambivalences. Je ne veux surtout pas avoir un
discours moral.

Quelle mère vous sentez-vous ?

C’est une question très intime et à laquelle il m’est difficile de
répondre simplement. Ce qui est sûr, c’est que je suis plusieurs  ! (La
femme brouillon, la demi-mère, la femme-lézard, la Mère…) Lors d’une
rencontre en librairie, une amie s’est étonnée que je parle de la «
femme-lézard  » comme si je lui avais définitivement réglée son compte,
et j’ai été obligée d’admettre, que non, elle était encore présente…Ce
qui est certain, c’est que je me définis et m’évade en permanence de
cette identité de mère, et c’est dans ce mouvement, je crois, que je
peux être en joie.

Lire la chronique sur le site Bookalicious, cliquez ici

La Petite Revue

Amandine Dhée, La femme brouillon

Février 2017

La vie rêvée des mères

La femme brouillon, c’est la mère : belle image de la maternité qu’Amandine Dhée décline sous toutes ses formes dans ce texte percutant et acéré. La narratrice y raconte avec une grande liberté son expérience. Rapport au corps, clichés sociaux, discours médical, accouchement, allaitement, crise du couple, toutes les étapes du devenir mère sont envisagées sans tabous et avec subtilité. Amandine Dhée dénonce l’emprise de la société sur les mères, fragilisées par une pression sociale souvent archaïque. Comment être féministe et mère ? Comment échapper à l’influence perverse des différentes images de la mère parfaite, la femme au foyer traditionnelle mais aussi la femme moderne libre qui parvient à tout concilier ?

Le texte, tout en nuance, dit la souffrance des mères et montre en quoi la maternité constitue un obstacle de taille à l’évolution des mentalités. Or la mère succombe facilement, et parfois volontiers, aux clichés dans lesquels on l’enferme. Amandine Dhée est particulièrement habile à croquer, lors de très brefs chapitres, le quotidien et les états d’âmes des procréatrices. Elle allie intelligence du regard, sens du détail parlant et sens de la formule. Empreint d’humour, le texte dit aussi toute la beauté et l’émotion d’une marternité qui accepte ses doutes et ses imperfections. Tout en livrant un regard lucide et acerbe sur notre société, La femme brouillon procure un indéniable plaisir de lecture.

A.K.

Lire le billet sur le blog La Petite Revue Ici

Le Monde des Livres

Le Monde des Livres

Une chronique d’Hortense Raynal dans le monde des livres daté du 27 janvier :

Le Ventre

Comme dans ses précédents romans parus à La Contre Allée, Amandine Dhée s’inspire ici de sa vie : La Femme brouillon est le fruit de son expérience de la grossesse. Dans un style sans artifice, elle en livre les étapes avec une lucidité parfois grinçante. Entre quelques touches d’ironie malicieuse (« Les femmes intelligentes sont lesbiennes, c’est bien connu ») se cachent des constats amers : « Il y a toujours un moment où on rappelle à une femme le sens profond de son existence : procréer. » Le livre évoque donc ici des questions sociétales actuelles, comme les rôles sexués qui dressent d’invisibles frontières, le féminisme qui faiblit à la naissance du premier enfant (quand il ne s’agit plus de théorie, mais de pratique), le ventre de la femme enceinte qui devient un objet public… Enfin, c’est sur l’identité – ou plutôt les identités – que l’écrivaine met l’accent. Elle n’est pas une femme telle que la société la construit, elle est encore un brouillon, pleine d’incertitudes, et c’est tant mieux.

Lire la chronique sur le site du Monde des Livres ici

Le Canard Enchaîné

Le Canard Enchaîné

Un article de Frédéric Pagès dans le Canard Enchaîné du 26 janvier :

« Pourquoi, sous prétexte que j’ai un utérus, dois-je porter une telle responsabilité ? Le père du bébé aurait fait une bien meilleure mère. Son instinct de sacrifice est plus développé. » Il est interdit d’être brouillon! La femme enceinte, la jeune mère doit être parfaite, être heureuse en permanence et accepter l’admiration envahissante des humains (« Mon ventre bascule dans le domaine public. Dans les transports en commun, des gangs de mamies fondent sur nous »). Placée sous la sauvegarde du public (« Combien de mères doivent se cacher pour fumer? »).

Dans ce court texte à l’écriture délicieusement piquante, Amandine Dhée fait des pointes et des arabesques cocasses.

Pas de lait aux mamelles? Puéricultrtice, pédiatre, et sage-femme sont unanimes : « C’est psychologique. » « Fières de faire état de leurs connaissances en ce domaine, elles se promènent dans mon inconscient comme dans un jardin public », note la primipare accablée (« La mère est irremplaçable et, ça tombe bien, personne ne veut la remplacer »). Rien d’énervé ou de désespéré : quand elle regarde sa créature, l’auteure y voit « un remède au cynisme » (« Son enchantement me contamine »).

Côté couple, c’est morne plaine (« Nous sommes devenus de supers parents qui ne baisent plus. »). Mais la guérison est au bout du chemin : « Je décapite la mère parfaite qui menace en moi (…). Epuisée de simuler tant de normalité, je suis encore une femme brouillon. C’est parfait. »

Heureuse, malheureuse, valorisée, piétinée, la femme est donc un être humain comme tout le onde. Surtout quand elle est enceinte.

La Voix du Nord

La Voix du Nord

Un article dans la Voix du Nord, de Catherine Painset, daté du 16 janvier :

« La Femme brouillon » de la Lilloise Amandine Dhée : la maternité incisive

Après « Du bulgom et des hommes » (2010) et « Et puis ça fait bête d’être triste en maillot de bain » (2015), l’auteure lilloise publie un livre court, vif, bourré de questions, d’humour et d’humeurs changeantes sur la maternité.

« Je ne voulais pas seulement témoigner de mon expérience, mais aussi comprendre ce qui s’était passé. Je savais qu’écrire allait m’aider à éclaircir les choses et mettre de la distance. » Quand Samira El Ayachi demanda fin 2014, pour son festival L’Origine des mondes, à quelques auteures lilloises d’écrire un texte sur la maternité, elle rencontra chez Amandine Dhée un écho particulier. « J’étais enceinte jusqu’aux yeux, raconte celle-ci. J’ai été obligée d’écrire à un moment où ce n’était pas évident. » La commande rencontra un désir intime : « Je vivais des choses et je me disais « Ah ça, il faudrait que je l’écrive »  ; en même temps, quelque chose en moi résistais, j’oscillais un peu. Ça a fini par s’imposer à moi, parce que j’y pensais sans cesse. »

Le texte court lu en octobre 2014 à la Maison folie Wazemmes est devenu un livre, publié aujourd’hui par la maison d’édition lilloise La Contre Allée. Des mois durant lesquels l’auteure s’est posé beaucoup de questions de forme. « Les premiers jets étaient très brefs, synthétiques, tranchés, avec une certaine dureté. Mais ça m’empêchait de mettre du récit, de l’humour. J’ai passé beaucoup de temps à concilier les deux. »

Je ne prétends nullement à la fidélité à ma propre histoire. Et surtout, je sais que ça résonne pour d’autres

Avec La Femme brouillon où elle raconte grossesse, accouchement, premiers pas dans la maternité, doutes et émois de l’une, regard des autres, Amandine Dhée poursuit dans le registre de l’autofiction. « Mais je ne prétends nullement à la fidélité à ma propre histoire. Et surtout, je sais que ça résonne pour d’autres. » Homme, femme, mère de famille, nullipare, le lecteur posera sans doute son propre filtre sur ces 90 pages découpées en chapitres nerveux, phrases courtes, pensées larges. En l’écrivant, Amandine Dhée a «  beaucoup pensé à [ses] amies femmes… plus qu’à [son] éditeur  (qui ne lui en tient pas rigueur) ».

La Lilloise dépeint une femme jamais accomplie, jamais mère parfaite bien sûr, en recherche d’elle-même, qui assume ses contradictions. Fidèle à ses convictions, ses engagements féministes : «  La maternité reste un angle mort, suscite un malaise, beaucoup de non-dits. Je voulais participer à un débat qui n’existe pas.  » Pas dupe d’une forme d’ambivalence : «  Ce statut de mère, dont je sais qu’il essentialise la femme et que je rejette, je m’en sers, aussi…  »

Amandine Dhée parle ici tout à la fois de «  la joie de rencontrer son enfant  » et de la façon de se cramponner à l’essentiel « une fois retombée sur [ses] pattes  ». L’éveil politique, la création, « et surtout rester une femme brouillon  ». Le livre, lui, est pleinement accompli.