Revue de presse

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L’ivresse littéraire

En ces temps de confinement où les lumières des bars sont éteintes, où les terrasses n’accueillent que des chaises retournées, enchaînées, j’ai eu envie d’ouvrir ce recueil de Makenzy Orcel pour retrouver l’ivresse des nuits agitées, aussi tristes puissent-elles être parfois…

Il restera ce recueil imprégné. D’alcool. Qui tente de camoufler les peines, les deuils, la mélancolie, la violence.

Il restera. Ces tournées. Ces noyés. Ces verres de trop. Ces trop-pleins. 

Il restera ces « insomnuits ». Ces corps qui tanguent. S’observent. Parfois jouissent. 

Il restera les verres vides. Les pensées. Les prostituées sur le pavé. 

Du Soudan à Paris en passant par Port-au-Prince, des rencontres. Des cœurs, des gueules brisés comme autant de bouteilles éclatées. Qui se noient dans des océans d’alcool. 

Il restera dans la nuit sombre, des rêves, le souvenir d’un rire, d’une peau peut-être, d’une amitié. D’une humanité derrière la cruauté.

Il restera ce recueil. Et nous, imbibés des mots de Makenzy Orcel. Crus, sombres, saccadés. Libres. Sans retenues. Soixante-deux pages qui en ces temps de confinement, nous rappelle le brouhaha des nuits sans fin. 

Oui, il restera ce recueil, à défaut de pouvoir s’attabler au comptoir d’un bar. Pour se saouler ou observer. La vie, la peine, les rires, les larmes. Les autres. Et soi-même, au fond d’un verre. 

Il restera la poésie pour nous faire ressentir.

L’article complet à lire en ligne ici

Cahiers Critique de Poésie

Cahiers Critique de Poésie

Un article de Thibaut Coste daté du 27 octobre :

La poésie n’a pas peur des lieux communs ; aussi s’attache-t-elle à faire du commun, précisément, son lieu. Ici, ce sont les terrasses des cafés, les comptoirs des bars, les nuits de Port-au-Prince. Les verres se vident au fil des pages, des paroles crues sont échangées, l’alcool masquant si mal un malaise plus profond : le deuil, la violence et l’ennui. La liesse cède rapidement la place à la mélancolie ou à l’horreur (« tous / fluides / serrés comme des bruits / mes villes sinistrées / mes cadavres / et d’autres fleuves // la nuit les conte à rebours »), et si l’on célèbre l’ivresse, c’est surtout à l’oubli que l’on boit ; enfin, comme le vin, même le sexe devient une consolation. Le poème se fait alors proverbe ou brève de comptoir : « bois / baise / même si le temps est assassin ». L’ivrogne rend ce qu’il a bu et le poète ce qu’il a vu, senti, touché, jusqu’au dégoût de lui-même.

« puis vient l’oubli

le temps jeté par-dessus bord

le silence du verre

posé à même le sol »

Recherchant le choc de l’image, Makenzy Orcel veut une poésie brisée comme un éclat de rire. Mais parfois, c’est dans la sobriété que son écriture parvient à retranscrire au mieux les bribes des nuits passées en terrasse.

Voir l’article sur le site du cahier critique de poésie ici

L’Humanité

L’Humanité

Entretien réalisé par 
Muriel Steinmetz, paru le jeudi 30 juillet 2015.

Haïti est une blessure et une jouissance que je porte en moi

L’écrivain haïtien Makenzy Orcel publie a Nuit des terrasses, un recueil de poèmes enflammés 
par l’alcool qui délie toujours la langue. Il nous en parle.

Il existe depuis toujours une littérature du bar et de l’alcool. D’Hemingway à Baudelaire en passant par Verlaine, la liste est longue. Est-ce qu’on fréquente les bars et est-ce qu’on boit pour rencontrer l’autre ou pour s’isoler ? Est-ce que ça ne peut pas être les deux à la fois ?

Makenzy Orcel Je vais dans les bars pour rêver, pour me rencontrer en tant que réalité individuelle et collective. On nous a longtemps habitués à la figure de l’écrivain qui boit ou qui traîne avec une clope au bec. Je ne partage pas ce cliché qui veut que les grands auteurs soient aussi de grands buveurs. Plus que le livre d’un buveur sur l’alcool, la Nuit des terrasses est le livre d’un viveur sur la vie. Comme Hemingway ou Carl Brouard, j’aime la littérature, la fête et « les liqueurs fortes / la nudité mouvante des tables ». La quête du sens en poésie passe par l’extase. L’extase du corps et celle de la langue. Tout ce que j’entends, en dégustant par exemple le Vin d’Omar Khayyam, Enivrez-vous de Baudelaire, Nous et Je vais vous dire de Carl Brouard, Le soleil se lève aussi d’Hemingway, dans lequel tous les personnages font la fête du début à la fin, ou Comédie de la soif de Rimbaud, est un appel à vivre à fond. « Des gens qui n’ont jamais de moments de folie. Quelle horreur que leur vie ! » disait Bukowski. Autrement dit, j’ai toujours lu ces auteurs avec le sentiment de lire la vie. Boire nous libère des contraintes du temps pour accéder à la vie, à la poésie de l’instant…

Lire l’article complet sur le site de l’Humanité.fr ici

Ainsi que l’article complémentaire ici

Libération

Libération

Un article dans le journal Libération du jeudi 30 avril  

L’ivresse décuple l’existence. Alcool, weed, sexe. Makenzy Orcel célèbre toutes les fragrances de ces paradis baudelairiens dont il tire des cocktails poétiques très purs, courts assemblages de vers libres à avaler d’une traite pour ranimer la langue.

 » Nos sens / euphorie d’oiseaux fous / orgies d’après le bar / Port-au-Prince / hilarants ces morts / la forme en cavale / n’a plus de bornes / ni de centre.  » 

L’article complet ici

France Inter

France Inter

La librairie francophone par Emmanuel Khérad, le 11/04/2015

Grégoire Courtois, le gérant de la librairie Obliques à Auxerre, présente le livre La nuit des terrasses de Makenzy Orcel. 

Sur la route de Jostein

Sur la route de Jostein

Billet de blog daté du 17 mars, extrait :

J’ai découvert Makenzy Orcel avec Les immortelles, un roman qui met déjà en valeur la grande poésie de l’auteur.
Fabriche Luchini disait lundi dernier dans l’émission Boomerang, « La poésie, il faut accepter de ne pas la comprendre. »  « ce qui compte, c’est l’agencement des mots. »
La poésie de Makenzy Orcel est belle, violente, troublante et compréhensible même si plusieurs lectures permettent de mieux s’accorder avec la mélodie.

« la rue de ton nouvel ailleurs
est traversée par tous les bars

toutes sortes de folies

d’où tu nous figes d’un regard

qui semble nous dire

bois
baise

même si le temps est assassin.
 »

Comme le titre du recueil le laisse supposer, l’auteur nous plonge dans le registre lexical de la nuit, de l’alcool et des voyages. « La nuit les conte à rebours. »
Les rencontres se font à Port-au-Prince, en Palestine, au Soudan, dans le quartier latin ou à Saint-Denis avec des cœurs cassés, des bâtards, des putains, des « noyés insoumis »
Même si l’univers est sombre, quelques petites notes d’optimisme pointent de-ci de-là.
« Il faut laisser le nuit entrer dans sa vie
pour qu’il y ait un phare quelque part.
 »
«  Je jette mes mains au feu pour atteindre la lumière dans son point de chaleur. »

Le rêve est toujours là sous la brutalité du quotidien, « le rien qui fait rêver« . Et je vous laisse ce court extrait pour mesurer la beauté des textes.

« quand tous les rêvesse mettront à nous plaquer
la nonchalance du souffle
ou les transes du paraître

quel que soit son nom

le vide est total

quand nous n’aurons plus que le doute
pour seule attache

les marécages du poème

et l’insomnie du rêve

n’oublie jamais de le faire debout
s’il faut pleurer.
 »

L’auteur cite de grands poètes (Ribaud, Ferré, Baudelaire, Verlaine…) s’exprimant sur l’alcool en titre de ses poèmes.
« Buvons au temps qui passe, à la mort, à la vie ! » Alfred de Musset

Article complet sur le blog ici !

Le Nouvelliste

Le Nouvelliste

Article dans le journal haitien Le Nouvelliste, publié le 17 mars 2015 :

En ce début d’année, les auteurs ne chôment pas. Ils font la part belle aux lettres haïtiennes. Après Emmelie Prophète avec « Le bout du monde est une fenêtre » (Mémoire d’encrier), Natacha Daciné avec « 52 pensées positives pour 52 semaines réussies » (à compte d’auteur), c’est au tour de Makenzy Orcel de livrer La nuit des terrasses, récemment paru aux éditions La Contre Allée.

La nuit des terrasses est un recueil de poèmes. Mais il ne dit pas son nom puisque la maison d’édition a omis l‘information. On ne l’identifie qu’en feuilletant ces 62 pages dans lesquels des vers s’étendent et s’éloignent quand ils ne se recoupent pas. Tous, ils tournent autour de la passion des bars. La vie qui s’y déroule, les plaisirs qui y naissent sont chantés par un Makenzy Orcel qui, cette fois, délaisse sa prose habituelle pour rendre hommage aux noctambules,
amateurs et grands buveurs d’alcool. L’auteur le déclare d’ailleurs dans une note inscrite dans le deuxième rabat de couverture du recueil :

« J’ai commencé à fréquenter les bars, donc à boire, trèstard dans ma vie. Pour une raison très simple, il faut payer après avoir consommé… Aujourd’hui dès que j’arrive dans une ville, la première chose qui me vient à l’esprit, c’est d’aller faire la tournée des bars. Carrefour de toutes les occurrences. Des histoires, aussi banales soient-elles parfois, qui hantent toute une vie. Depuis bientôt une décennie, c’est devenu un de mes endroits préférés. Et Dieu sait combien j’en ai fait dans mes voyages. J’ai voulu faire un livre pour habiter, aborder autrement ces vécus… »

Cette appréhension, l’auteur l’illustre ainsi :

Extrait 1

Magloire-Ambroise

avenue fermée dans une bouteille

on boit des vagues

une passante

le temps s’arrête

elle est belle

la bouteille tombe et se casse

des milliers d’oiseaux planent sur ce qui fut (p. 14)

Extrait 2

je me torche à ma santé

mes étoiles noyées

ô soifs qui descendent dans les rues

crier leur j’en peux plus (p.29)

La nuit des terrasses est donc dédiée à toutes ces femmes, tous ces hommes, éparpillés aux quatre vents, qui hantent les comptoirs. Pour se parler, s’évader, s’aimer, ou juste se saouler. « Tous les poèmes du recueil La nuit des terrasses forment ensemble une seule plongée à travers ces espaces réels ou imaginaires, pour combiner non seulement ces instantanés, ces souvenirs disparates, mais aussi inviter l’autre à sortir sa tête de son verre, à la convivialité. Le verbe « boire » ne se conjugue-t-il pas mieux ensemble ? La nuit des terrasses célèbre l’instant, la rencontre des corps et de l’amitié. » Tu le dis, ici Makenzy :

Extrait 3

grog

marées

plongeons-nous l’un dans l’autre

le soleil à venir

donne froid dans le dos

tessons

sur le parcours du funambule (p. 33)

Cet hymne au « boire », Makenzy Orcel n’est pas le premier à l’écrire. D’autres avant lui l’avaient fait. C’est le cas d’Alfred de Musset dont la phrase introduit un poème dans La nuit des terrasses « Buvons au temps qui passe, à la mort, à la vie ! », d’Arthur Rimbaud avec « Viens, les vins vont aux plages », ou encore de Charles Baudelaire en clamant « Enivrez-vous ! » On n’oubliera pas non plus Jacques Brel qui chante « Ami, remplis mon verre ! », Georges Courteline qui dit « L’alcool tue lentement, on s’en fout, on n’est pas pressés », ni Marguerite Duras quand elle déclare que: « L’homme qui boit est un homme interplanétaire. » Tous choisis pour introduire les vers d’Orcel. Il en dit long cet extrait qui commence avec la
phrase « Tout n’est pas cirrhose dans la vie » de Fréderic Dard :

Extrait 4

qu’importe le sens du vent

buvons au scintillement des putes

à leur vulgarité

leur minijupe bouée

pour qui préfère

mourir d’elles que du froid

enculons la raison (p. 40)

Extrait 5

une île

entre les tâtonnements de l’encre

et les paysages du vin

ma bite seule

connaît les hauts et les bas

de mes mains (p. 41)

Ce nouveau-né du romancier, également nouvelliste, rentre dans la collection La Sentinelle des éditions La Contre Allée. Cette collection accorde « une attention particulière aux histoires et parcours singuliers des gens, lieux, mouvements sociaux et culturels ». Le lancement du titre sera justement célébré à Lille, en France, dans un bar, L’Écart, le 8 avril prochain. « La lecture musicale de l’auteur Makenzy Orcel et du violoniste Timothée Couteau sera suivie d’une rencontre animée par Éva Lerat, spécialiste en littérature caribéenne», lit-on sur la page Facebook de l’auteur. Contacté à propos de la disponibilité du livre en Haïti, Makenzy Orcel nous a appris que La Pléiade attendait la sortie officielle du recueil pour placer sa commande. La nuit des terrasses s’exposera donc bientôt en rayons dans les librairies.

Voir la page de l’article ici

Glasba

Glasba

Un article de Sylvain Damy sur le site Glasba :

Se noyer dans les mots plutôt que les noyer dans l’alcool.
L’entreprise de Makenzy Orcel est suspendue à ce curieux mélange qui hante l’âme poétique : l’ivresse couplée à la déambulation nocturne. Le cliché guette : Saint-Germain des Prés, La Recouvrance ; ces « rues de la soif » bardées de leur attirail poétique bien achalandé. Il y en aura eu des mots jetés sous la force de l’alcool, des phrases célestes balancées dans le tourbillon bouillonnant d’un sang empoisonné, mais Makenzy Orcel ne boit pas de ce calice.
Dans ce dédale de brouillards éthyliques surnage la pleine conscience de l’autre, cette empathie courageuse qui lutte de toute ses forces contre une poésie vaine.
Au détour des soubresauts d’un corps qui réagit aux assauts spiritueux, des rencontres d’un « TU » qui ne sera qu’un souvenir au matin, ou de larmes qui surgissent sans même savoir si elles viennent border un cri de douleur ou un rire, à ce carrefour donc, il y a ces apparitions fugaces de poètes bienveillants. C’est dans ce tunnel d’ivresse sexuée que l’on croise Jana Cernà qui semble n’apparaître que pour nous montrer la voie que suit Orcel. « Pour l’amour du ciel, épargnez-moi le raisonnable » dit-elle. Et c’est là que le poète vise juste. Constamment déraisonnables, ses mots filent dans les degrés de l’alcool qui s’immisce dans les veines, qui l’empoisonne doucement jusqu’à lui faire perdre la raison. En surgissent alors un texte foisonnant, passionnant et bouleversant. D’abord par l’amour qui en surgit. Un amour multiple : pour la nuit qui dévoile ce que le jour nous cache, pour les êtres qui peuplent le monde et pour une langue qui se délie des carcans et des conventions qui l’étreigne à la lumière du jour.
Ensuite, contre l’embourgeoisement d’une poésie statique, « La Nuit des Terrasses » est un sauvetage du déraisonnable pourtant essentiel à l’existence, un garde fou paradoxal à la sécurité d’une vie sobre et aseptisée.
Bouleversant, enfin, de voir une âme pudique refuser le spectacle de son ivresse pour la transformer en une machine à émotions parlant à d’autres âmes comme une évidence. Comme si ces corps cohabitants n’avaient d’autre justification de leur existence que de se rencontrer puis s’oublier.

S.D