Médiathèque de Messimy
Page 83 et 84 du Petit Aventaire Littéraire disponible ici
L’Arrachée belle est le premier roman de Lou Darsan sorti en juin 2020 aux éditions La Contre Allée. Il nous dévoile une figure de femme en état de dereliction au sein d’un couple dont la relation ne s’articule plus que sur du vide, qui est devenue étrangère à elle méme, ne peut plus percevoir le reel environnant qui a perdu tout sens pour elle que de manière diffractée et déformée. De jour en jour, coquille de plus en plus exsangue, elle ne semble plus portée que par une volonté d’effacement de sa personne. Jusqu’au soudain abandon du domicile conjugal. Une décision prise dans un état second, comme si une pulsion de survie en dehors d’elle était venue l’arracher à son quotidien délétére. C’est le début d’une fuite en voiture qui lui fait traverser des kilomètres de territoire et partir à la rencontre et à l’écoute de la nature qui l’accompagne dans un réveil à elle même. L’écriture de Lou Darsan possède la force de rendre palpable chaque sensation de son personnage en reconquête de son intériorité profonde. Resserrée, dense lorsque cette femme est angoissée, elle se déploie en phrases au souffle vif lorsque l’apaisement point. L’autrice nous a offert avec ce roman une première oeuvre qui possede l’étoffe d’une grande (une fois termine, on a envie de reprendre le texte juste pour le plaisir de relire certains passages) et qui laisse augurer une suite très prometteuse.
LA SÉLECTION DE L’INVITÉE
UN LIVRE
VALENCIA PALACE d’Annie Perreault (2020, Le Nouvel Attila)
Sur le toit de l’hôtel Valencia Palace, alors que Claire bronze sous un soleil blanc, une femme lui confie son sac et se jette du toit. Plus tard, hantée par ce saut, Claire retourne à Valencia et disparait. Sa fille, des années après tente de comprendre, et court Valencia Palace est une des lectures qui m’ont le plus marquée cette année : dès la première page et ces grains de beauté peints comme des têtes d’épingle enfoncés dans la cuisse, ce ciel brumeux d’un été trop chaud, Annie Perreault nous plonge dans une ambiance troublante, lynchéenne, terriblement belle, jusqu’au dernier souffle.
UN FILM
DAUGHTERS OF THE DUST de Julia Dash (1991)
Sur une ile au large de la Caroline du Sud, peuplée par quelques familles Gullah (une communauté indépendante d’anciens esclaves), dans un paysage de forêts, de marais et de plages sans fin, les histoires de trois femmes se croisent et leurs voix se mélent dans art du dialogue porté par une langue unique. Premier long métrage réalisé par une réalisatrice afro américaine, éloge de la sororité, Daughters of the Dust est un film étrange et onirique, d’une beauté singulière.
UNE CHANSON
« Sad Pony Guerrilla Girl », album A PROMISE, Xiu Xiu (2007)
«I like my neighborhood, and I like my gun – driving my little car, I am your girl and I will protect you. Histoire d’amour empêchée entre deux femmes qui s’aiment à l’arrière des voitures dans un quartier résidentiel, mélodie mélancolique et lancinante, aux sonorités bruitistes parfois perturbantes, « Sad Pony Guerrilla Girl » appartient à ce genre de chansons qui marquent dès la première écoute, au point de devenir obsédantes.