Margot de la Librairie Les Vinzelles (Volvic)
Une allée, contre allée, voie d’expression et de compréhension, analyse de l’autre, et de sa descendance, éviter la pente, et pourtant y aller…
On arpente avec les familles, les proches, qui rendent visite à des patients, dans un hôpital psychiatrique. Les proches plongent brutalement dans un monde qu’on connaît mal, avant d’avoir à le vivre. Et quand on visite un interné, le rythme de notre vie bascule, avec le sien. Le cri primal reste parfois tapi. Et on fait partie du troupeau de ceux qui souffrent mais se taisent, faisant ce qu’ils peuvent pour accompagner ceux qu’on interne parce qu’ils souhaitaient éviter de continuer à souffrir. Accompagner. Le mot juste, aussi.
« Tu jettes un regard dans le rétroviseur, tu ne reconnais pas ton visage. Tu n’es plus celle que tu étais. Et personne ne le sait.»
On a lu des livres qui se passent en HP, vu des films, entendu des gens en parler. Mais sait-on de quoi on parle, quand on n’y est pas allé, dans l’allée ? Sait-on ce que c’est que d’aimer un être interné ?
Au bout de cette allée, il y a ceux qu’on visite pour les saisir et les accompagner, de jeunes herbes folles qui décompensent, ont baissé et baissent encore les bras, s’enferment ou tentent de continuer à arpenter leur voie, leurs voix, leur route, même si échouées, égarées, mises en retrait ou de côté, face au bruit du monde.
Et le tu, le vous, puisque ce roman est celui d’un nous, tentent d’exister, relié, affronte nos douleurs, à nous aussi. Car ce roman dit « tu », « vous » donc « nous ». Ni ils, ni elles, le « nous » est une île à ailes.
Un chemin bordé de tous les doutes et incompréhensions, à affronter, aussi et à confronter au « nous » vital, comme celui d’un tribu, horde, nuée, mêlée d’êtres.
Et les pas avancent, font avancer, dans un étrange mouvement circulaire, pendulaire, cyclique et juste, car avancer est parfois revenir en revisite de ce et ceux qu’on aime, pour être sûr qu’on a saisi, l’autre aussi.
Ce roman nous offre un trousseau libéré de clefs de lecture de points de vue, de pensées à panser, de patients internés.
Les phrases sont orales, étranges et poétiques, rythmées même si parfois perdues, intérieures, car internées, pensées, intimes et quotidiennes. Belles à scander.
La solitude des internés libère car elle effleure le vrai tel qu’il est, quand on veut le voir.
L’amour, pas le dogme mais la compassion, la compréhension, l’accompagnement, le contournement de l’intense, de l’angoisse, de l’impasse, de la douleur, comprendre pour ramener l’être qui souffre à nous, vers le nous, le sauvera, peut être.
Engravement, racines, rhizomes, réseaux affectifs, compréhension sans jugement, l’amour de l’autre est ça, aussi… Il éclaire, il réchauffe, et ce malgré le mal qu’on a à l’accepter. Rester relié malgré la douleur, la peur, le mur.
Un beau, très beau texte, plein de résignation salvatrice et d’espoir réel, de quotidien secoué, à repenser, pensée pansée réalisable, réaliste, d’oscillation ajustante, ajustée.
Lire est une thérapie, et ce livre nous le prouve, enfin, tellement.
Merci, tellement aussi, Editions La Contre Allée .