Revue de presse

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La cause littéraire

La cause littéraire

L’auteur de romans noirs fleuves, à l’échelle des grands romans du XIXe, s’essaye à nouveau à la forme courte, après ses aventures ludiques avec le projet des Aventures du concierge masqué (voir ici). Mais le projet que la Contre Allée et Benoît Verhille ont proposé à Víctor del Árbol est sans doute un brin plus ambitieux. Il s’agit en effet d’un projet éditorial qui vise simplement à donner un aperçu de ce qui s’écrit à travers l’Europe et sur l’Europe. La collection Fictions d’Europe propose en effet à des auteurs de poser leur regard sur l’Europe au travers de brefs récits de fiction (moins de 100 courtes pages). A ce jour cinq volumes ont été édités dans lesquels on peut entendre des voix de France, du Portugal, de Grèce, d’Espagne et de Pologne (avec respectivement Arno Bertina, Gonçalo M. Tavares, Christos Chryssopoulos, Víctor del Árbol et Olga Tokarczuk). Il s’agit de textes originaux écrits spécialement pour la collection, traduits, et dont l’édition française est en fait la première édition.

Ces Pigeons de Paris sont aussi une parenthèse dans l’écriture de La veille de presque tout. On y retrouve donc certaines des thématiques chères à l’auteur de La tristesse du samouraï, et de Toutes les vagues de l’océan, cet ambitieux et grand roman russe espagnol, à commencer par celle de la mémoire et des souvenirs qui peuvent à la fois nous faire vivre ou nous pousser vers l’oubli et le silence.

Juan – Juanito, comme l’appelaient autrefois les voix du village qui n’existent plus – attend.

Il attend devant sa maison, endimanché. Que des jeunes viennent faire ce qu’ils ont à faire. L’exproprier. Des jeunes, ses enfants, qui le poussent hors de ses souvenirs emplis d’absences. Des souvenirs et une mémoire qui lui pèsent autant qu’ils lui sont nécessaires.

Comprenez-moi bien : être vieux, c’est avoir une accumulation de vie. Ma maladie n’est pas le mensonge, ni la démence, ni l’imposture. La tumeur qui me tue c’est le souvenir. Le souvenir des choses comme elles étaient ou comme je pensais qu’elles étaient, car avant, bien avant, les choses étaient comme on voulait qu’elles soient ; privilèges d’enfants qui grandissaient dans les montagnes.

Dans ce monde disparu, les immigrés qui revenaient quelques jours étaient tout auréolés des rêves de Paris, de Munich, de Berne, Genève, Copenhague, Bruxelles, Londres Rome et même Lisbonne… L’avenir de l’Espagne semblait toujours à chercher ailleurs, bien plus au nord que cette Andalousie qui n’était que la porte de l’Afrique. Dans ce temps là, Juanito fit connaissance de Clio. Clio qui lui apprenait quelques bribes de français à partir d’un petit livre qui ne la quittait pas, Les Pigeons de Paris… Un livre et un souvenir qui le mèneront, beaucoup plus tard, dans les rues de Paris, à la chasse aux souvenirs qu’il n’a pu avoir, qu’il aurait pu peut-être fabriquer si les choses avaient été autres.

L’écriture de Víctor del Árbol prend toute son ampleur dans la tradition du roman qui tient à la fois du récit philosophique, du roman d’apprentissage et de la littérature noire (bien plus que du polar ou du roman policier), et sa respiration trouve tout son lyrisme et sa profondeur dans les grands espaces romanesques, mais il sait aussi ciseler avec une indéniable maîtrise la brièveté et la concision de la forme brève sans perdre de son lyrisme et de son profond humanisme, donnant à ses personnages une vie plus que réelle que le réel lui-même, car nous y reconnaissons presque toujours une part de nous-même.

Dans le silence de ce qui a été comme de ce qui aurait pu être mais n’a pas été, au bord de l’oubli et des espoirs jamais réalisés mais jamais vraiment perdus, passe le temps.

Marc Ossorguine

Pour découvrir sur la page web de la Cause littéraire, c’est ici !
Le Monde Diplomatique

Le Monde Diplomatique

Une recension de Charles Jacquier des Pigeons de Paris dans les pages du Monde Diplomatique, datée du 2 novembre :

Né en 1968 à Barcelone, Víctor del Árbol s’est fait connaître par ses imposants romans noirs, de La Tristesse du samouraï (2012) à Toutes les vagues de l’océan (2015), qui a obtenu le Grand Prix de littérature policière. S’il délaisse ici le thriller, il demeure fidèle au temps long et aux interactions entre passé et présent. Dans une maison isolée d’une région d’Espagne promise au tourisme dans un proche avenir, un vieil homme attend les forces de l’ordre qui vont venir l’expulser. Il se remémore Clio, une femme aimée, perdue et retrouvée avant sa mort. D’origine espagnole, vivant en France, elle lui a légué sa maison sans les formalités d’usage, et ses descendants demandent son expulsion. Ce récit à la première personne est avant tout une métaphore des rapports de l’Espagne avec l’Europe et avec son histoire, celle d’une société traditionnelle découvrant en une ou deux générations la modernité, les ravages qu’elle provoque dans la vie des gens ordinaires, les pertes irréparables qu’elle occasionne sans que ses avantages soient apparents. Il porte ainsi une critique du progrès économique à tout prix et de « l’arrogance de la jeunesse sans mémoire ».

France Culture

France Culture

Le Temps des libraires avec Hélène Reynaert du Bateau Livre à Lille, 13 juin 2016

À écouter ici.

l’avis de Jacques Josse

l’avis de Jacques Josse

Víctor del Árbol – connu jusqu’alors pour ses romans noirs (traduits chez Actes Sud)– noue les fils de ce récit simple et efficace avec une grande finesse. Il met face à face deux mondes irréconciliables : celui de Juan, le vieil homme et celui des froids représentants de la justice. L’un évoque son passé et son intégrité pendant que les autres se posent en exécuteurs des basses œuvres d’un présent qui lui échappe.

L’avis complet ici.