Sarah, de la librairie Terre des livres (Lyon)
Je m’autorise un pas de côté afin de partager mon émerveillement de lecture pour Mississippi de Sophie G. Lucas, à paraître le 18 août aux éditions La Contre Allée.
Puisse cette mythologie de vies ordinaires vous enthousiasmer autant que moi !
A travers l’histoire d’Impatient, fils de vignerons français et homme du XIXe siècle foudroyé par la beauté du Mississippi, et de sa lignée sur deux siècles – anonymes magnifiques ou figures illustres tels les frères Lumière -, Sophie G. Lucas dévide une mythologie de vies ordinaires qui courent après leurs rêves, et tentent de prendre des chemins de traverse et d’émancipation. Elle livre une fiction vertigineuse sur la beauté des vies qu’illumine le voisinage permanent de la mort et de l’amour et exalte l’élément magique qu’est le commun.
Jouant avec un art de la narration délicieusement elliptique, l’autrice esquisse la genèse d’une famille qui mûrit, s’aime, se brouille au fil des générations et des bouleversement sociétaux, de la colonisation à l’ouragan Katrina en passant par la Commune, et les deux guerres mondiales.
A travers les postures et les cheminements de ses personnages au fil des décennies, dans d’incessants échos avec notre monde contemporain, elle pose la question de comment tenir et espérer dans un monde troublé. Se mettre à l’écart du monde ou faire communauté pour faire front ?
Alors que nous assistons à la transformation de notre environnement et parce que les manières d’habiter le monde, d’occuper le paysage, de le rêver, de le penser, ne s’inventent pas seul, Sophie G. Lucas livre une fiction virtuose sur notre désapprentissage du vivant et de la nature, sur notre éloignement du monde rural, et sur les tensions entre mobilité et sédentarité qui nous parcourent.
À mi-chemin entre poésie, récit en rhizome de vies minuscules et roman vrai, chambre d’écho des mutations sociales et politiques de la France basculant dans trois nouveaux siècles, Mississippi est un formidable texte pour affronter nos temps incertains. C’est une fiction forte qui nous pousse à porter le regard au-delà de nous-mêmes, afin que les espaces et les paysages redeviennent désirables ou mythiques.
Personnage emblématique du livre, le fleuve Mississippi compose une métaphore vitale et contemporaine des chemins de transgression et des possibles désirables, le miroir où l’on mesure les risques d’une autre vie.
Dans cette narration funambule, virtuose et implacable, où la langue joue des tonalités, fait claquer les accents et les parlers, retranscrivant les imaginaires dans lesquels vivent les personnages, Sophie G. Lucas célèbre les ordinaires et les humbles.
Ça parle de la famille, du sauvage, des croyances, de l’intime & de l’universel, de la grande et de la petite histoire, c’est éblouissant de beauté et d’invention. C’est le premier roman de Sophie G. Lucas.