Des Galipettes entre les lignes par Lili Galipette
Roman de Lucien Suel.
Jean-Baptiste vit seul avec Alpha, son chien, entre son jardin, ses livres et sa musique. Depuis la mort de Claire, de nombreuses années plus tôt, il s’est retiré du monde. Il entretient quelques échanges acrobatiques avec un internaute sur Twitter, mais son quotidien est très silencieux. Un dialogue reste cependant ouvert avec Claire. La défunte parle d’outre-tombe et les échanges réaffirment l’amour entre les époux. « Jean-Baptiste sait que Claire est là, debout au seuil de sa conscience, même dans son sommeil, même lorsqu’il sourit devant les attitudes d’Alpha, animal de compagnie, grosse peluche vivante et douce, dont le regard reflète la mélancolie de son maître. » (p. 45) Le veuf cultive son chagrin comme il cultive son jardin : égoïstement et solitairement. Or, de tout cet amour qui reste vivant, il y a de quoi ensemencer bien des existences : pour cela, il faudrait que Jean-Baptiste accepte enfin de déborder de son quotidien.
Au gré des chapitres, le récit voyage dans la chronologie amoureuse de Claire et Jean-Baptiste, réveillant des souvenirs tendres d’étés en Ardèche et de soirées musicales. Ces deux-là se sont vraiment juré de s’aimer dans le bonheur et la tristesse, la santé et la maladie, même après que la mort les sépare. « Je pense me poser sur ton épaule mais je risque de glisser sur le cuir, la peau de ta veste noire. Mon nom est gravé et je suis effacée. […] Ne pleure pas. Ne me pleure pas. Ne te pleure pas. Je suis en voyage. J’irai jusqu’au bout ensemble. » (p. 50 & 51) L’auteur se fait voltigeur et jongleur de mots, créant des correspondances et des coïncidences entre les événements et les patronymes. Les publications Twitter de son personnage rappellent les siennes sur son propre compte : originales, parfois cryptiques, toujours érudites et souvent impertinentes. Autre point fort de ce roman, la bande son ! Amoureux·ses du rock, installez-vous, vous allez passer un très bon moment !
Quant à moi, je poursuis ma découverte des textes de Lucien Suel. Avec ce roman, il a une façon délicate de parler du deuil qui m’a rappelé celle qui m’émeut tant chez Philippe Claudel, mais avec plus de lumière et d’espoir.