Amélie, Librairie Recréalivres (Le Mans)
Et si traduire, c’était écouter et transmettre des silences, les siens, ceux de l’Histoire, ceux des mots ? Une belle découverte grâce à Sarah Gastel, ce texte sur la traduction, qui dit aussi beaucoup sur la transmission.
« Ce passé qui ne laisse pas en repos. J’ai longtemps cru que la guerre était finie, que certaines choses ne pouvaient plus se reproduire. Comprendre qu’il ne suffit pas pour cela de signer un traité de paix, c’est un premier pas. Sentir ce que cela signifie dans sa propre vie, c’en est un autre.En faisant des recherches sur mon histoire familiale, je ne scrute pas le passé, je fouille mon présent, et pas seulement le mien. Or quand on se lance dans ce travail, on n’est plus maître des urgences qu’il éveille. Ce n’est pas sans conséquence. Dérouler des listes de noms pour essayer d’y retrouver ceux qui vous touchent de près avive une douleur qu’on ne se connaissait pas. Cette histoire-là, c’est la partie la plus visible de mon héritage familial. La plus ‘reconnue’.Traduire de l’allemand, c’est l’autre partie, celle qui relève encore aujourd’hui, dans une large mesure, de l’inaccepté. »
« J’ai commencé à traduire par désir de rapprochement. Par l’envie d’écrire plus près du texte. »
« Dans la re-prise d’un texte, pour une première traduction, pour une retraduction, il y a un effet de répétition – laquelle n’est jamais répétition à l’identique – qui me semble au cœur même de la transmission du matériau humain de génération en génération. Ce qu’en d’autres temps, on se racontait. »
« Ce qui m’intéresse : cette rencontre. L’œuvre en donne une autre, de nature différente et pourtant consubstantiellement liée à la première. Ce qui fait qu’une œuvre n’est jamais finie, qu’elle ne cesse d’induire de la création, ne serait-ce que chez celui qui en parle. »