Revue de presse

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Haute Provence info, par Françoise Rougier

Pour faire le lien avec le Labo précédent, celui de septembre 2024, Benoît Verhille est venu avec Selim-a Atallah Chettaoui, auteure de l’un des trois textes 2025, paru à La Contre Allée au printemps 2025.
« Au pieu » est un poème fleuve sur la difficulté de se mouvoir parfois, la sensation de s’engluer dans sa propre existence. Agir n’est pas si facile quand les obstacles semblent infranchissables. On tente de prendre de bonnes résolutions, on va faire les choses bien. Mais comment tenir quand l’appel du « pieu » est plus fort ?
Ce long texte, fait pour être vécu à voix haute, navigue entre autodérision et désespoir, toujours sur le fil entre un désir de mouvement et l’attractivité de l’immobilité que représente le lit.
L’écriture offre une architecture totalement originale, même si elle n’hésite pas à inviter en tant que cousins poètes Victor Hugo, Charles Baudelaire ou Arthur Rimbaud.
Selim-a Atallah Chettaoui a offert une lecture personnelle, forte à la fois par la puissance des mots choisis et le rythme de la diction. Une performance riche de la conviction qui accompagne un talent impressionnant.
Le livre « Au pieu » est disponible au bureau des Correspondances de Manosque et dans le réseau des Médiathèques de DLVA.

SonaLitté #331

Dans cet épisode, découvrez un extrait du dernier livre de Selim-a Atallah Chettaoui, paru en février 2025 aux éditions La contre allée.
Dans ce poème-fleuve emprunt d’oralité et de références pop, le lit est le lieu d’une constante tension, d’une lutte sur le fil entre un désir de mouvement et l’attractivité de l’immobilité, symptomatique de certains troubles psychiques.

Lundi Poésie, Libération par Guillaume Lecaplain

L’auteurice livre un long poème qui tente de s’extraire de l’attrait dangereux des draps.

«Juste sortir du lit plein de miettes». Il est des mouvements ordinaires qui paraissent aussi périlleux qu’un retour à Ithaque. Dans un livre d’un seul poème, Selim-a Atallah Chettaoui fait entendre le chant d’une tentative de départ. Il s’agit de s’extraire des habitudes qui collent le corps au cœur de l’«humidité malsaine dans les draps» et l’esprit à la poursuite du «binge eating binge watching binge scrolling». Pas de glorification du moelleux d’une couette accueillante ici. Pas d’amour de la paresse. Malgré un texte qui ne manque pas d’humour, notamment face à l’impossibilité de «faire les choses bien», la quête décrite par Atallah Chettaoui fait part d’une réelle douleur, celle de ne pas parvenir à s’échapper de l’inertie : «game over try again».

Le texte avance par détours et refrains, se laisse contaminer par les obsessions de l’auteurice (Selim-a Atallah Chettaoui se définit comme non-binaire) comme le porno ou le jeu mobile 2048 ; mais c’est surtout la recherche de rythme qui prend les rênes du déroulement des mots sur la page. 

Selim-a Atallah Chettaoui est un·e habitué·e des performances et on sent que le poème a été pensé pour être dit, peut-être même composé la voix haute, jusqu’à parfois prendre des airs de pure chanson : «boum boum / la terre humus repart / boum boum / le corps humus repart / boum boum s’empare du corps mort / boum boum les cendres du corps s’assemblent / les cendres tapent tapent tapent tapent tapent / recroquevillé le corps tapote».

C’est finalement en plongeant au fond du lit (le mot «trou» est une des clés du livre) que l’auteurice trouve cette vigueur insufflée à son texte. Le combat mené contre «l’anhédonie» – cette incapacité à ressentir du plaisir – se révèle ainsi paradoxalement plein d’énergie : car les mots «suffisent / presque / à vivre».

Selim-a Atallah Chettaoui, Au pieu, la Contre Allée, 112 pages, 16 euros.

https://www.liberation.fr/culture/livres/au-pieu-de-selim-a-atallah-chettaoui-punaise-de-lit-20250303_SBCRR737VBAGVJWGPP5MOMLAOU

Le Monde des livres par Denis Cosnard