Revue de presse
← Comme un grand animal obscur
L’élégance des livres par Evlyne Leraut
La prodigalité !
Comme un grand animal obscur est d’une puissance évocatrice, poétique et superbe. On lit à voix haute, la main sur l’épaule de Clément Bondu. Tout prend sens dans ce renom grandiose. Le narrateur, un homme, précipite sa voiture dans un ravin. Ébloui par le soleil. Le fil rouge de ce déroulé qui manie le visible. Il est vivant. Dans la pleine rationalité des entendements.
Le texte sans points ni virgules ni majuscules, est une déambulation sans point fixe. Tout est dans cette magnificence d’un temps présent où la géographie traversée est un regard essentialiste et lucide.« J’ai traversé une place le parvis d’une église puis j’ai croisé une école et un terrain de pétanque. »
La mer est proche. C’est l’été brûlant et insistant. Les flammes au loin, dérange le pli de ce texte qui cherche l’apaisement, l’initiation, la translucidité au travers de la vie qui bat à son propre rythme.
Riche et altière, l’écriture de Clément Bondu peint les contours. Les charmes d’une litanie intemporelle et visible depuis l’horizon, entre les rencontres fortuites ou pas, il a dit : « On ne trouve plus rien sur la route et il y a eu un silence ». « Et il a dit : Je suis obligé de m’acheter une barquette et je mange tout seul dans mon camion. » L’homme écoute l’humain, observe, rassemble l’épars, nomme les sociologies, les bruissements, et « maintenant c’est ce qu’on a sous les yeux le paysage d’une vengeance. » Il quête la source, les rémanences à fleur de peau.
Ce monologue est la prière du temps. Entre les lisières où le pouvoir de la nature brusque ses visions. De l’aube à la nuit, « le soleil arrivera et je le regarderai droit dans les yeux et tout sera clair. » Serait-ce Clément Bondu ou le narrateur, ce je qui avance vers le monde, son cadre, le réchauffement climatique, ce feu qui foudroie la Méditerranée, qui réveille l’endormi de la vie ?
Retenir les myriades, les vagues douces, « un peu de rêve humain dispersé dans le grand nulle part. » « Comme un grand animal obscur », « et alors j’ai senti en moi quelqu’un qui marchait dans mes pas. »
L’errance ici, en pleine conscience, est la clarté théologale. La création littéraire, le passage-gué entre le noir et le blanc, l’ombre et la lumière. Le regard qui se pose sur la margelle du cycle de la vie en sept chorégraphies. La douleur du Vivant, lames de fond, les mots sont des entrelacs.
Et ici, « la mer n’a pas de couleur elle est seulement de la couleur du ciel si le ciel est bleu la mer bleue si le ciel est gris la mer grise la mer est un reflet, Ismaël. » Regardez amis où se situe l’unique majuscule : Ismaël. L’impulsion d’une littérature indicible.
Lire Clément Bondu c’est grandir en humanité. La victoire d’un immense récit spéculatif.
La traversée du miroir, la mappemonde d’un imaginaire qui brusque le visible jusqu’à l’apothéose. Le feu.
Publié par les majeures Éditions La Contre Allée