Fanny, Librairie Curieuse (Saint-Briac-sur-Mer)
Ce roman comme une constellation, un émerveillement constant tissant le lien comme une plante grimpante sarmenteuse s’agrippe à d’autres branches que la sienne pour s’aider à pousser, encore et encore.
J’ai été époustouflé.
Dans La Morelle noire, Teresa Moure, avec la traduction complice de Marielle Leroy, tisse les liens entre trois amazones.
Tout d’abord Christine de Suède, dame hors normes royales, indépendante, érudite, défavorable au mariage, favorable à la paix, fumeuse de pipe, clairvoyante et mécène.
Nous la rencontrons en 1649, emprisonnée encore dans sa Cour, au moment où René Descartes arrive pour échanger auprès d’elle sur les passions de l’âme et autres saveurs philosophiques.
Puis, par le prisme de la vertu des plantes et des fleurs, nous rencontrons Hélène Jans. Une sorcière bibliophile, passionnée du vivant, résiliente, désormais libre, autodidacte, ensauvagée, l’esprit affûté et le cœur large.
René Descartes fut son passé, sa joie et sa douleur.
Ces deux femmes se rencontreront par-delà le détroit et les esprits étroits, sur le chemin de leurs pensées et de leur liberté.
Puis, beaucoup plus tard, comme le pont reliant l’île danoise de Seeland et la province suédoise de Scanie, nous faisons la connaissance d’Inès Andrade, poètesse se mettant à l’œuvre sur sa thèse ayant pour sujet un certain… Descartes.
Une vie d’étude mêlée à une vie tout court et l’usage de notre libre arbitre.
La Morelle noire subjugue par son style, son inventivité et son intensité.
En lisant ce roman éco-féministe (non, ce n’est pas un gros mot) tu as cette impression délicieuse d’apprendre quantité de choses auprès de ces femmes intrépides, et de toucher, par le sens des mots et de leur construction, une sororité savoureuse afin de goûter, ensemble, à l’ivresse de nos vérités.
« Tout le temps que j’écrivais, je me suis rendu compte que je récupérais la mémoire de ces femmes invisibles qui m’avait précédée, et, mue par leur esprit, j’ai parfois inventé (…) j’ai pressé le plus possible les mots pour en faire sortir le miel qu’ils retiennent, pour emplir de douceur ma bouche (…) »