Revue de presse

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Le Monde des Livres : « La couenne familiale » par Juliette Einhorn

La Voix du Nord, par Alice Bonvoisin

Trois coups de cœur à dévorer de toute urgence en librairie

À l’occasion de la fête des librairies indépendantes, Céline Dereims partage trois de ses coups de cœur à retrouver ce samedi (et pas que) aux Yeux qui pétillent.

Le Bercail, de Natyot

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« C’est l’histoire d’une fille qui a quitté la maison familiale il y a dix ans. Un jour, elle revient. La communication avec les parents est difficile, certains souvenirs sont douloureux. On se retrouve plongé dans une espèce de huis clos palpitant. L’écriture est directe, percutante, tendue. C’est un super roman. »

https://www.lavoixdunord.fr/1456200/article/2024-04-26/valenciennes-les-yeux-qui-petillent-une-belle-histoire-signee-celine-dereims?fbclid=IwZXh0bgNhZW0CMTEAAR2yQWjtSs3e-5C5SDvpWXzij4OTBmm0DC7Lj_L9owIAuE_8WNIJ_HUxqSA_aem_AZkFwqJWuTK0GLW27HWLMjB7Yz1xN9KdLr7gb1HSbmS-dEcKY8mPVvgSD2TUngYHXCg5TUvESbX7DIrKyrVkQWwX

Ma dose d’encre, par Christelle

Extrait : “ Elle est sur le pas de la porte. Elle reste là. Un bon moment. Un bon moment de rien. Ce n’était pas prévu. Autant. Alors que de l’autre côté de la porte. Dans le bercail. Dans le royaume de l’enfance. Ils attendent. Ils s’impatientent. Ils regardent à la fenêtre. Stupéfaits. Face à leur enfant sur le perron. Qui ne bouge pas. Enfant-statue.Alors ils font pareil. Les parents restent figés. Ils se disent que c’est la meilleure chose à faire. Pareil qu’elle. Ça fait que personne ne bouge. On dirait que personne ne va bouger. Même jamais. Il pourrait rester comme ça. À ne pas savoir. À ne pas vouloir. La file pourrait aussi repartir. Éviter les retrouvailles. ”

Pour vous parler de Bercail, ce formidable récit poétique absolument atypique, j’ai décidé de slamer et de vous faire découvrir ma petite création pour vous le présenter de manière originale. 
Au cœur de ce roman, une famille, un père, une mère et une fille, des retrouvailles et des drames en filigrane et surtout des non-dits. 

 

✒️✒️✒️

Retour au bercail 

 Après être partie en flamme 

Retour de la donzelle 

Sans étincelles 

Après dix ans 

Après tout ce temps 

Retour au bercail 

Après un bail 

Retour de la mauvaise herbe 

Dans l’écrin 

Et dans le jardin 

Auprès du père 

Auprès de la mère 

La fifille

La brindille 

Un regard 

Un sourire 

Est-Il trop tard 

Pour en rire 

Faut fêter les retrouvailles 

Du retour au bercail 

À l’horizon 

Lyon

Retour en force 

Retour de force 

Bien coiffée 

Bien lavée 

Toute fripée 

Purgée 

Libérée 

Père mère revigorée 

Fifille récurée 

Mais toujours le fossé 

Même après avoir réintégré 

La chambre musée 

La fille déglinguée

La mère potelée

Le père enfumé

C’est pas un jeu 

Chacun fait ce qu’il peut 

Partir

Revenir 

Ne plus parler 

Ne plus bouger 

Inquiéter

Énerver

Se réconcilier

En Plaisirs sucrés 

Et puis chanter 

Et puis courir 

Les pardons de mère 

L’abandon du père 

Désolations 

Puis l’argent 

En dédommagement

Écœurement

Fin de la bataille

Fuite du bercail 

Retour des flammes 

Bye bye 

Bercail est un récit hyper touchant, singulier et pour qui aime les récits poétiques pourra poursuivre avec Bonjour suivi de Hot-dog, de la poésie au service des plus démunis, une belle manière de sortir de l’ombre des femmes invisibles en situation de précarité. 
 

Publiés à La contre-allée, une maison à contre-courant qui possède vraiment des plumes extraordinaires à découvrir absolument. 

https://madosedencre.over-blog.com/2024/03/le-bercail.html

Les Amis du Grain des mots

Bourg-en-bresse, un lotissement non loin d’une voie ferrée. Le passage des trains rythment les journées. Un couple, Vincent obsédé par sa pelouse et Caro, fine cuisinière, un peu trop en chair. Et leur fille, qui revient à la maison après dix ans d’absence. Qui revient au bercail.

Pourquoi est-elle partie, pourquoi revient-elle ? C’est tout l’enjeu du livre.

Pour évoquer ce retour et ce qu’il va engendrer, il y a les mots de Nathalie Yot, des mots qui claquent, des phrases qui, comme un « flow » obsédant, nous entraînent vers une fin qu’on devine inéluctable.

C’est d’un huit-clos familial qu’il s’agit, un lieu où règnent les non-dits, où on ne sait pas se servir des mots. « Les mots, il ne suffit pas de les connaître, des les utiliser. Ils sont rares les mots qui parlent. Ils sont absents du bercail. »

Un texte inclassable, déstabilisant et en même temps une belle réussite littéraire.

(On peut, sur YouTube, écouter NatYot lire les premières lignes du texte de sa voix singulière. Toute l’ambiance du livre est là)

F.J

http://lesamisdugraindesmots.fr/2024/03/le-bercail.html?fbclid=IwAR1MUcfnXKOEzbXg_JdB4FXsfnhKCCzf5CRXujhq8wP-eZQL7gqASeKTLtE

L’élégance des livres, par Evlyne-Leraut

« Le bercail », ce pourrait être un refuge, un nid douillet comble de brindilles. Un toit de tuiles brûlantes de par un soleil estival. Il n’en est rien.

Le récit n’est pas ici, mais dans la tragédie des impossibilités.

L’éminente littérature qui œuvre, méritante et splendide.

« Le bercail », le retour dans la maison-mère, où les non-dits se reflètent sur le glacé des dallages. Dans les moindres recoins et les regards insistants. Les fenêtres floutées de silence lourd et oppressant. « Le bercail » est un berceau renversé. L’enfance échappée, l’adulte revenue dans le passage du gué. Happée par l’immobilité, l’absence pleine, orpheline égarée, entre l’attente et la magistrale espérance d’antan. Avant qu’elle ne parte, dix ans à la clé, le secret qui empêche un retour où tout pourrait reprendre, subrepticement et naturellement. L’écriture est souveraine, ressac poétique, moderne et vive, puissamment attentive aux gestuelles et attitudes. Elle exhausse une trame bouleversante et mélancolique.

« Elle est là sur le pas de la porte. Elle reste là. Un bon moment. Un bon moment de rien. Ce n’était pas prévu. Alors que de l’autre côté de la porte. Dans le bercail. Dans le royaume de l’enfance. Ils attendent. Ils s’impatientent. Ils regardent à la fenêtre. Ils, c’est eux. Les parents à la fenêtre. »

Elle prend assise et cherche un point d’appui. Un miracle qui pourrait redonner forme à la matrice. Ils n’osent pas. Caromère, Vincentpère, pèremère, siamois, apeurés et craintifs, dans une méfiance empruntée à la distance, au temps lourd sans elle, la narratrice meurtrie dans sa chair.

Elle attise le feu de l’entendu, remonte à la source, se heurte aux rochers des malentendus. Lèvres cousues des parents qui ne savent plus par où reprendre l’enfant-adulte, fille-femme devenue.

« Il est bon ton café maman. » « La fille dit à Caromère : – Les gens en colère sont simplement remplis de vent. Si tu regardes quelqu’un en colère et que tu penses qu’il est rempli de vent, tu ne peux que le plaindre. Lui prendre la main. Et essayer de le dégonfler. »

Elle veut s’impliquer. Prendre part aux roulements d’un bercail en déliquescence. Jardiner, brusquer les fureurs et arracher les mauvaises herbes. « Sa pelouse, sa fierté. » Le Père se sent mal. Sa fille piétine son espace, son exutoire, et trouble sa quiétude.

« La fille regrette d’être venue. Tout ce qu’elle s’est dit dans sa tête. Tout ce qu’elle sait fait croire. Les wagons de pensées aidantes. »

Elle se fraie un passage, dans ce foyer où les habitus sont floutés et bousculés. Les paroles sont des bulles qui éclatent avant l’heure belle. Elle est fragile et ne désire que l’aurore vierge. Reprendre le dessin d’un avant avant les ratures secrètes. Le poids lourd des paroles effacées. La pesanteur va être un tsunami. La maison coopère au choc mental d’une narratrice en perdition. Sirène échouée, les psychologies insistantes qui laissent le bercail dans l’ombre. Les rites pavloviens sont des brusques sursauts. La dérive vers la folie, comme seul échappatoire pour ce triptyque. Père, mère, fille et les retrouvailles avortées.

Et pourtant l’essai est digne, mais se heurte au pouvoir des consciences.

« Dans la cuisine les odeurs s’entrechoquent. Vincent a laissé le bouquet sur la table. Caromère et la fille espèrent des mots avec. La certitude du miracle. Le triomphe de la persillade. »

Les attitudes deviennent des soubresauts de malentendus. Complices d’une folie qui guette, parce que seule en capacité de tout changer. La décadence devenue le fleuve des incompréhensions. Le réel prisonnier des errances, la fresque des douleurs infinies.

Muraille projetée sur les cœurs sans concorde possible.

Ce récit est l’apothéose d’un bercail où l’indélébile ne peut s’effacer. L’endurance d’une fille qui quête l’éclaircie, la spontanéité d’une réponse à ses obsessions d’un non-retour.

« Le bercail » est la pleine lune qui ne ment pas. Un livre implacable, vibrant, essentiel qui souffle sur les braises et monte en puissance. Les sentiments sont ici. Mais cachés sous la couverture des langues étrangères à soi-même. La prose est de quête, ardente et dévorante de solitude humaine. Un huis-clos à l’instar d’un séisme mental, désespérément magnifique. « Il n’y a pas de chiffres dans les rêves . »

La couverture illustrée par Renaud Buénerd est révélatrice et douce. C’est le troisième roman de Natyot publié par les majeures Éditions La Contre Allée dans la collection « Sentinelle ». Après « Le Nord du monde » et « Tribu ». Et c’est une grande chance !

http://evlyneleraut.canalblog.com/2024/03/le-bercail-natyot-editions-la-contre-allee.html?fbclid=IwAR01raPqs2cOlvTNsQFIVUND9WHXtd9V-jXctz8amhIMuEtfw7lrjKbYY9o