Revue de presse
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Le Monde des Livres
La dernière mère
Le feuilleton de Claro
16/11/18
COMME CHAQUE ANNÉE, LES PRIX LITTÉRAIRES, sous le prétexte bienveillant d’inonder de lumière une quinzaine de titres, et grâce à une course-relais médiatique ne s’étonnant même plus de réinventer les œillères, éclaboussent d’ombre quelques dizaines de livres échappant aux critères de « l’écriture-parterre » (pour reprendre l’expression de Marcel Moreau, cf. mon feuilleton précédent).
Refrain connu, je sais, et sans doute y a-t-il des exceptions, et pourquoi pas un semblant de parité, pensons positif, délirons, mais peut-être vaut-il mieux, parfois, briller en clandestin plutôt que ternir tout médaillé.
Ce qu’il nous faudrait pour nous y retrouver dans cette rentrée-ruée, n’en doutons pas, c’est une boussole, une boussole un peu folle qui indiquerait non pas le nord magnétique, mais un nord plus intime, plus dangereux, aussi. Un nord qui exige de l’écrivain autre chose qu’un ersatz de savoir-faire géographique. Tournons-nous donc vers Nathalie Yot qui, avec ce premier roman intitulé Le Nord du monde, nous donne une direction pour mieux nous faire sentir les puissances de l’égarement.
« C’est courir qu’il faudrait » : ainsi débute le récit, par un vœu, un désir de vitesse, et dès lors tout sera affaire de rythme et de distance, qu’il s’agisse de la fuite en avant de R., la narratrice, ou de sa perception des choses. Rythme, distance : loin de l’homme-chien, avec lequel elle a rompu, qui « a terminé de m’aimer et veut une fin à sa manière, une fin qui dit qu’il ne m’aime plus mais que je ne dois pas partir dans le Nord. Il croit qu’on ne s’en va pas comme ça, en trottant. Il croit que je ne peux pas être sans lui. Mais il ne sait pas que j’invente » ; loin de sa peur, née d’une relation violente, une peur qui peine à s’estomper et qu’il faudra, comme un chien peut-être, apprendre à domestiquer. R. a soif de nord, ignore encore ce qu’est ce nord, quelle limite il marque. Pour se déprendre d’une relation-prison, rien de tel que la fuite – même si, en fuyant, on n’efface pas si facilement l’empreinte des barreaux. R. se fait prendre en autostop par Pierre, qui exige d’elle autre chose que des larmes, veut savoir ce qu’elle fuit. Là encore, il faudra trancher la longe. Quitter Pierre, quitter Lille, continuer : Bruxelles, Anvers, la Hollande…
D’autres rencontres, et les pieds qui saignent, comme ceux des saints autrefois, la foi qui vacille, le désir qui résiste. Cette fuite en avant, Nathalie Yot la rend sensible par des phrases courtes, qui sont comme autant de pas trébuchés, car à chaque avancée, ce qui est accompli, c’est une certaine excavation des sensations et des pensées, une façon de fouiller l’instant afin de pouvoir passer au suivant. Recueillie par une Mme Flaisch, R. explique : « Tous les sons téméraires qui traversent l’amas de silence, je les répertorie. Les pas de Mme Flaisch traînant sur le sol, les branches griffant la façade, l’eau dans les tuyaux, cliquetis, vaisselle, girouette, je note tout. Sur un cahier, recto verso, les listes s’étalent. Avec toutes ces pages griffonnées, je crée des partitions de bruits de la maison avec le si du silence comme note fondamentale. »
Puis, c’est Amsterdam, où R. vit un temps avec trois Polonais, dont l’un d’eux, un jour, lui amène un enfant, Isaac, orphelin trouvé dans la rue.
S’inventer mère ? Le récit va prendre alors un virage troublant, car l’amour de R. pour Isaac, 9 ans, obéit à un nord dangereux : « Je l’enferme dans ma poitrine et je fais l’animal, je fais le torrent, le vent fort, je reprends le dessus, je m’impose et je sens qu’il va de nouveau me suivre, arrêter d’être contre. Ne fera plus barrière. Le soir, au bord du sommeil, il me caresse le dos comme on caresse un chat. Longtemps. Je jouis la tête dans mon coussin sans qu’il s’en aperçoive. Longtemps. »
R. et Isaac, la femme et l’enfant, la fugitive et l’orphelin, celle qui fuyait l’homme-chien et le petit Polonais maigrichon, « fil de chair qui ne sait pas où se mettre » : ce qui se passe entre eux passe par l’amour, bien sûr, mais là encore, la rosace des sentiments menace d’éclater aux quatre vents, et le glissement des gestes est l’avant-signe d’une possible perdition. Ce chavirement, Nathalie Yot nous aide à l’appréhender au détour de chaque phrase, grâce à un tâtonnement syntaxique qu’elle scande discrètement. « Des nuits de caresses. Sans intention de nuire. Rien qu’une impression de bien. Mon amour pour Isaac est empirique, sans mesure. Mon nom sur son front légitime ma gangrène émotionnelle. Je fais des petits pas d’inconsciente dans la tragédie grecque. » Crescendo syllabique, allongement de la foulée : l’aveu comme un souffle advenu. Un premier roman ?
Oui, mais écrit par une auteure rompue à l’exercice poétique (Erotik Mental Food, 2008 ; Je suis d’accord, 2017), à la performance, comme ces pierres qui permettent à la bouche de mieux peser la parole. « Je ne sais plus quoi faire de mon corps », dit R. « Il y a de plus en plus d’inconnus là-dedans. » Là-dedans : le nord tabou ?
biblio.manche.fr
Partir, marcher, courir vers le nord du monde, là où la blancheur éblouit et atténue la souffrance, tel est le leit-motiv de la narratrice dans ce premier roman de Nathalie Yot. Profondément blessée par une rupture amoureuse, elle fuit cet homme-chien qui la poursuit en pensées. Elle vagabonde, les habits en loques, la conscience de moins en moins claire, en passant par Lille, la Hollande, l’Allemagne jusqu’à la Norvège, croisant des marginaux, tentant d’oublier ses peurs en faisant l’amour, souvent.
Sa rencontre avec un enfant abandonné constitue un tournant dans sa vie, elle devient mère avant de basculer dans la faute.
Dans ce court roman au style très poétique, Nathalie Yot nous plonge dans le corps souffrant et l’esprit tantôt lucide, tantôt fou de la narratrice. Poussée par une force inouïe, animée par le désir des corps et la curiosité pour les failles d’autrui, elle nous intrigue, nous étonne et nous effraie tour à tour. L’auteure réussit là un portrait de femme déchirant et complexe, avec une écriture qui prend aux tripes. On ne ressort pas indemne du Nord du monde.
Un coup de coeur proposé par Adèle (BDM)
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JunkPage 61 nov. 2018
France bleu
« Livre très porté, très structuré et très méticuleusement fait pour être en attente de quelque chose. (…) Grand livre, grand texte, très serré, très ferme, belle écriture un peu révolutionnaire, j’ai adoré. »
Coup de cœur de Jean Paul Brussac de la Librairie Olympic dans les Chartrons à Bordeaux sur radio France bleu.
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Blog Les jardins d’Hélène
Elle trotte comme un poulain pour fuir l’homme-chien.
D’emblée l’écriture est très imagée. Une femme fuit ce que l’on imagine être des violences conjugales ; elle marche vers le Nord, Lille d’abord, puis Amsterdam et les fjords de Norvège. Elle se lie et se délie très facilement au fil de ses rencontres. Elle se perd et cherche à se reconstruire, mais n’est pas loin de basculer dans la folie. Lors d’une étape on lui confie un enfant, Isaac, neuf ans environ. L’amour maternel qu’elle éprouve alors se teintera vite d’un amour interdit.
Si l’écriture porte le roman, très bref, du début à la fin, le choix de l’auteure fait dans le rapport de cette femme à l’enfant dérange, interpelle, perturbe, dégoûte, plonge dans l’incompréhension. Bref, il est impossible de ne pas réagir. L’ultime page semble remettre les choses à leur place.
Si la première moitié du roman remporte l’adhésion du lecteur sans difficulté, la seconde, même si elle suggère plus qu’elle ne dit – il y a toutefois des indices qui ne laissent aucun doute – ne peut que mettre mal à l’aise.
Je ne sais pas si j’ai aimé, car je peine à accepter le choix de l’intrigue. Et pourtant j’aime que la littérature dérange. Si le roman Objet trouvé pouvait choquer certaines personnes, il mettait en présence des adultes consentants. Mais un adulte envers un enfant… même sous couvert de fiction, j’ai du mal.
Pour lire cet article sur le site Les jardins d’Hélène, c’est ici !
Avis de lecteurs – Babelio
Ce roman est une fuite en avant…, un retour à la source aussi.
Ce roman nous parle des limites, celles qui nous sont imposé, celles que l’on se fixe, celles que l’on accepte, celles que l’on repousse, celles que l’on dépasse parce qu’il le faut bien, celles que l’on transgresse aussi…
C’est captivant, animal, sensuel, sexuel, maternel…
La métaphore n’est jamais clairement évidente : Qui est « l’homme-chien » ? Pourquoi « un trot de poulain » et non de cheval ? Comment aime-t-on quand on est mère, enfant ou amante ? Comment reproduit-on l’amour ? Peut-on s’inventer une forme d’aimer autre que celle que l’on a connue ou subie ?
Au nord du monde est tout cela et plus encore. Et, en même temps, c’est factuel et sans jugement normatif ou moral. Il ne faut surtout pas essayer de raconter ce livre, ni le résumer. Il faut le lire ou passer son chemin.
Ma quatrième lecture de la sélection « rentrée littéraire 2018 » des 68 première fois… Ce n’est pas un coup de coeur, ni une claque littéraire… C’est autre chose, c’est de l’ordre de l’indicible.
Avis de lecteur à retrouver sur le site sur Babelio
L’apostrophée
Un premier roman fort au style incisif portant une histoire dérangeante. Intéressant mais auquel je n’ai pas adhéré.
Elle trotte, comme un poulain. Un seul but, le Nord, aller le plus loin possible. La narratrice du livre fuit clairement son « homme chien », celui dont elle a partagé la vie et qui la quitte, après une relation semble-t-il agitée. En perte totale de repères, elle n’a qu’une idée en tête : rejoindre le Nord. S’éloignant de Paris et son boulevard périphérique, la voilà en route pour un long périple, nous embarquant avec elle de Lille à la Norvège, en passant par les Pays-Bas et l’Allemagne. Un chemin parsemé de rencontres, une boulimie des autres qui jusqu’alors, ne l’intéressaient pas, et une quête de limites avec lesquelles elle flirte sans cesse, à la recherche d’un équilibre.
« Je cherche la limite, toutes les limites. Celles qui partagent, celles qui disent de quel côté je suis l’étrangère, où je mets les pieds, où je dépasse ».
Si son expérience touche les frontières géographiques, elle ne s’achève pas là : elle teste aussi la résistance de son corps et bien sûr les limites amoureuses. Jusqu’au jour où un nouveau sentiment va s’emparer d’elle, brutalement, le sentiment maternel. C’est à Amsterdam qu’elle croise ainsi la route d’un petit garçon polonais de 9 ans, orphelin, Isaac. Les deux s’adoptent mutuellement et continuent la route ensemble.
Nathalie Yot livre dans ce premier roman une réflexion intéressante sur l’amour, comment il débute et comment il finit :
« L’amour se coupe à la machette, d’un coup sec, alors les bords sont lisses ».
Mais que faire lorsque l’amour pour un enfant devient tellement fort qu’il vous submerge ?
« L’amour, quand il prend toute la place, c’est l’ennemi. On ne pense plus à être honnête. Ni avec soi-même, ni avec personne ».
Si la narratrice est parvenue à se rendre au Nord, l’équilibre tant recherché n’a pas été atteint et on assiste tout au long de la lecture à sa dégradation tant physique que psychologique, jusqu’à la transgression.
Le « Nord du Monde » est un roman troublant à l’écriture poétique, rythmée et même charnelle. Mais il ne m’a pourtant pas emportée. Ce n’est pas tant son côté dérangeant qui m’a déplu, mais davantage sa noirceur, sans issue, où la folie n’est jamais bien loin.
Pour lire cet article sur le blog de L’apostrophée, c’est ici !
Delphine’s book and more
Premier roman lu dans le cadre des 68 premières fois proposé par la maison d’édition La contre allée
Roman à l’écriture très littéraire voire même poétique. L’auteure est d’ailleurs poète (« artiste pluridisciplinaire : chanteuse, performeuse et auteure. Très active dans le champ de la poésie, c’est sous le pseudonyme NATYOT qu’elle collabore à diverses revues et publie plusieurs recueils » Livres hebdo).
Roman de la fuite, de la déviance. Roman singulier, déroutant et plus que dérangeant.
C’est l’histoire d’une femme qui fuit un homme, surnommé l’homme chien. Elle prend la route, la peur au ventre, et se dirige vers le nord, pour le perdre, se perdre et/ou se retrouver.
Sur le chemin, elle passe par plusieurs pays du nord de l’Europe jusqu’aux fjords de la Norvège, elle fait des rencontres, expérimente et continue d’avancer, jusqu’à la rencontre qui la fait basculer, celle d’un enfant qu’elle prend sous son aile et qu’elle présente comme son fils adoptif. Ils continuent d’avancer vers le nord dans des conditions plus ou moins précaires, travaillant par moments, se posant parfois mais toujours avec cette idée de fuite jusqu’au nord, au « bout du monde » et toujours avec cette idée de repartir, de « rentrer ».
Cette rencontre lui fait expérimenter la maternité et ses limites, ses tabous, qu’elle dépasse et qui la font sombrer, complètement.
Texte fort, troublant, qui met mal à l’aise par moments, qui interroge et qui résonne. Portrait d’une femme hors norme qui questionne sur la féminité, la maternité, la folie, les normes.
Pour découvrir cet article sur le blog Delphine’s book and more, c’est par ici !
Le Matricule des Anges
Des livres rances
La narratrice s’est séparée d’avec son conjoint, un type sans visage qu’elle nommera « L’homme chien » tout le long du récit. Écrasée par la vie, elle va prendre le chemin du nord, irrémédiablement, conjurer le sort, tenter d’aller jusqu’à ce mur dressé tout au sommet du globe terrestre, qui ferait que l’on ne peut plus passer, que l’on doit faire demi-tour et enterrer ses espoirs.
Durant ce voyage, quelques rencontres improvisées, sans lendemain, amicales, sexuelles. L’une d’elles va pourtant bouleverser son quotidien : aux Pays-Bas, ce concours de circonstances avec trois polonais, mais c’est un quatrième, Isaac, polonais lui aussi, un enfant d’une dizaine d’années qui va faire battre son cœur plus vite qu’à l’habitude, perdu, orphelin, « offert » par l’un des trois autres, à la fois une épine dans le pied et de nouvelles sensations à assumer. C’est peut-être à ce moment-là que le voyage prend une vraie tournure initiatique, à deux, elle avec son nouvel enfant, lui avec sa nouvelle mère. Le désir, peut-être.
Puis c’est l’arrivée au nord, enfin, en Norvège, là où la nuit n’existe pas (le jour-nuit de la narratrice), pour remettre un peu mieux les compteurs à zéro dans une vie jugée ratée. Pas de nuit, pas d’obscurité. Sans lumière tout crève, sans nuit tout doit être pétillant de vie. Se perdre dans le nord pour mieux se retrouver, métamorphosée.
La nature va jouer un rôle, celui de chambre d’écho : « Un sentier où tous ceux qui ont voulu crier sont allés. On voit l’herbe aplatie sur vingt centimètres de large. Ce sont les pas des crieurs qui ont marqué le sol. Ma gorge enfle à force de. Je continue pourtant de. Je cherche l’épuisement tout en regardant mes cris remonter le long des rochers et s’échapper ». Les cris viennent du ventre, ce ventre qui possède une importance toute particulière dans le récit, celui qui a faim, faim de nourriture, mais surtout de vie, de sensations, d’événements, ce ventre qui n’a pas porté Isaac, mais qui aurait aimé l’héberger. C’est aussi celui qui a fin, fin de la routine, fin de la lassitude.
La narratrice a entrepris ce travail sur elle-même en 1999. Coïncidence ou plutôt volonté d’enterrer un millénaire de souffrances afin d’être mieux disposée à accueillir le nouveau ? Faire table rase du passé, oublier l’homme chien, sentir d’autres mains, d’autres peaux, d’autres odeurs, profiter d’une date sur le calendrier pour renaître.
Un court roman de cette rentrée 2018, aidé par une écriture délicate et pleine de souffrance en même temps, poétique et écorchée. Peu de dialogues (les personnages ne parlent pas toujours la même langue), une recherche d’un avenir en forme de Saint Graal, un rôle de mère, improvisé, sans connaître la partition : « Je fais ce que je peux. Je suis une remplaçante. Ce n’est pas facile d’être une remplaçante. Je n’ai pas pris l’histoire au début. Je m’adapte au rôle. Complètement ta mère, c’est vrai, je ne peux pas ». Nathalie YOT signe un beau roman sensible, d’allure simple, épurée, un « roadbook » mélancolique et sombre sorti par La Contre Allée, et l’on ne peut que les en remercier.
Le petit carré jaune
Bonnes feuilles et mauvaise herbe
Mon Avis : Un phrasé court, fiévreux. Entre poésie et exercice de style.
Rétrospectivement, la couverture dit déjà beaucoup de choses. Elle situe la géographie espérée, au nord, toujours plus au nord. Elle dit le chemin accidenté qui monte vers le bout du monde. Elle dit en fin et surtout la faille qui traverse celle qui nous raconte son périple, sa fuite.
Un voyage troublant, vénéneux, à l’écriture sur le fil sans cesse en déséquilibre, poétique et charnelle.
Nathalie Yot explore la perte des repères avec audace et une douceur enivrante.
La maternité, l’un des sujets centraux du livre, est poussée à son paroxysme, jusqu’au tabou. La morale se dissout jusqu’à l’amoralité (je n’ai pas dit immoralité ). A propos de la morale, Léo Ferré, un autre poète, disait : « l’emmerdant avec la moral, c’est que c’est toujours celle des autres. ». L’auteure percute la notre, aux limites du monde, aux limites de l’acceptable, basculant sa narratrice dans une folie rédemptrice vierge de toute convenance.
Une histoire troublante qui exige de la personne qui lit un pas de côté, un léger déplacement de regard.
Un livre pour les amoureux de belle littérature.
Les livres de Joëlle
La narratrice fuit une déception amoureuse, elle fuit « l’homme-chien » qui l’a quittée. En prenant la route vers le Nord, elle veut atteindre le mur du fond du Nord du Monde, aller le plus loin possible pour oublier en trottant comme un poulain. Sa fuite vers le Nord va la mener, tel un road movie, à Lille, en Belgique, à Amsterdam pour finir en Norvège. Elle enchaîne les rencontres jusqu’à sa rencontre avec Isaac, un jeune garçon de neuf ans qui lui fait découvrir l’amour maternel de façon fulgurante. « Je reconnaissais le mal de l’attachement, et des nœuds se formaient partout dans mon ami le ventre. »
Fragilisée par sa rupture amoureuse, dévorée par la colère, elle va perdre tout repère naviguant aux frontières de la folie… « Sans retenue, je me perds tous les jours un peu plus. Je soupçonne un abandon planifié », son déséquilibre va s’accentuer jusqu’à commettre une faute.
C’est l’histoire de la transgression d’un tabou qui parait étrangement normale, un impensable dépassement des limites qui semble naturel. « Les limites, on ne sait pas toujours quand on les passe, de quel côté de la limite on se sent le mieux. Chaque côté est un territoire. »
L’auteure nous raconte une femme en perdition, son errance et les dérives qu’elle peut engendrer. J’ai aimé la tension narrative de ce texte puissant et âpre, j’ai aimé son atmosphère et l’écriture fiévreuse, poétique et charnelle, j’ai aimé les dernières pages très fortes. Le sujet troublant et extrêmement dérangeant nous questionne sur notre rapport à la morale. Un premier roman qui bouscule et qui reste à l’esprit bien longtemps… La littérature est parfois là pour déranger aussi…
Mots pour mots
Un premier roman étonnant et parfois envoûtant, une écriture qui se démarque et parvient à créer une atmosphère singulière. Pour toutes ces raisons, il faut avoir la curiosité de s’aventurer dans les chemins moins empruntés, la « contre-allée » (voilà un livre qui colle parfaitement au nom de sa maison d’édition 🙂 ), et passer les piles de best seller et autres mastodontes de l’édition pour aller dénicher ce petit volume bleu.
La narratrice décide de partir vers le Nord, prendre du champ, laisser derrière elle les séquelles d’une douloureuse rupture amoureuse. Un voyage improvisé, peut-être une fuite. Nord de la France, Allemagne, Pays-Bas puis enfin la Norvège et le cercle polaire. Un effort physique qui favorise l’introspection et une sorte de dépouillement intellectuel. Entre pèlerinage (ça aurait pu être le chemin de Compostelle) et vagabondage (le début pourrait être celui de Patagonie Express de Paul Théroux). Des rencontres la retiennent parfois pour quelques jours ou quelques semaines. Elle s’oublie, tente de mettre la douleur à distance. Jusqu’à la rencontre qui la fait basculer vers un ailleurs totalement inconnu en lui montrant la possibilité d’un amour maternel… mais sera-t-elle capable de la reconnaitre ?
L’auteure nous offre une exploration des ravages de la dévastation des sentiments, jusqu’à la perte de tout repère. L’héroïne se perd, se réinvente dans ce nouvel amour, s’enferme dans une nouvelle exclusivité qui devient une exclusion.
Un texte très dérangeant, des fulgurances d’écriture. Une vraie découverte.
Pour lire cet article sur le blog Mots pour mots, c’est ici !
Livres Hebdo – Un premier roman par jour
Durant l’été, Livres Hebdo présente chaque jour un premier roman de la rentrée littéraire 2018. Le Nord du Monde de Nathalie Yot fait partie de la sélection « un premier roman par jour ».
Avec Le Nord du Monde, à paraître le 20 août aux éditions La Contre Allée, Nathalie Yot livre un récit intime et fulgurant, donnant toute sa valeur à la fragilité.
« C’est courir qu’il faudrait. » La première phrase du roman Le Nord du Monde de Nathalie Yot témoigne d’une prose poétique, orale, nous entraînant déjà dans une course effrénée. Fragilisée par une séparation amoureuse, la narratrice et personnage principal prend la fuite, pour s’éloigner de sa peine. Aller le plus loin possible vers le Nord pour, symboliquement, se « blanchir » du passé. Lille, l’Allemagne, les Pays-Bas, et au bout de la fuite, les fjords de Norvège.
Une sorte de road-trip intensément personnel, où le rapport au corps, les tourments et les réactions aux situations rencontrées sont au cœur d’une perte de repères progressive. Jusqu’à l’irruption de l’amour maternel, et le déséquilibre conduisant à la « faute ». Dans ce premier roman, Nathalie Yot laisse toute sa place à la fragilité. « Je veux prôner une revalorisation de l’erreur, de l’inaptitude et par là même du pardon », écrit l’auteure à propos de son ouvrage. « Ce qui m’intéresse c’est le cheminement vers la faute. Le cheminement vers la faute est le seul point d’appui qui nous permet de juger l’acte ».
Nathalie Yot vit à Montpellier. Diplômée d’une école d’architecture, elle est aujourd’hui artiste pluridisciplinaire: chanteuse, performeuse et auteure. Très active dans le champ de la poésie, c’est sous le pseudonyme NATYOT qu’elle collabore à diverses revues et publie plusieurs recueils. Elle a créé le duo d’électro-poésie Natyotcassan et possède une chaîne Youtube. Ses deux nouvelles érotiques, publiées par Au Diable Vauvert, ont reçu les prix Hemingway 2009 et 2010. Avec la parution du recueil D.I.R.E (2011, Gros Textes), elle est invitée sur plusieurs scènes en France et à l’étranger pour lire ses textes. Le Nord du Monde paraîtra le 20 août aux éditions La Contre Allée.
Retrouvez l’article original en cliquant ici !
Occitanie Tribune
Un article paru dans Occitanie Tribune publié le 20 août 2018 dans l’actualité littéraire par Florence Denestebe.
Le Nord du Monde – Nathalie Yot
« Elle fuit. Elle fuit l’homme chien. Elle trotte comme un poulain pour qu’il ne la rattrape pas, aussi pour fabriquer la peinture des fresques du dedans. Elle voudrait la folie mais elle ne vient pas. Toucher le mur du fond, le Nord du Monde, se cramer dans la lumière, le jour, la nuit, effacer, crier et ne plus se reconnaître. Sur la route, il y a Monsieur Pierre, il y a la Flaish, il y a les habitants des parcs, il y a Andrée, il y a les Polonais, Elan, Vince et Piort, et aussi Rommetweit, les Allemands, les Denant. Il y a Isaac, neuf ans environ. Et il y a les limites. »
Nathalie Yot, à propos de Le Nord du Monde
Auteure :
Nathalie Yot est née à Strasbourg et vit à Montpellier. Artiste pluridisciplinaire, passionnée des mots, de musique et d’art, architecte et chanteuse, performeuse et auteure, elle a un parcours hétéroclite à l’image de son écriture. Elle est diplômée de l’école d’architecture mais préfère se consacrer à la musique (auteure, compositeur, interprète signée chez Barclay) puis à l’écriture poétique. Ses collaborations avec des musiciens, danseurs ou encore plasticiens sont légions.
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Livres Hebdo – dossier de la rentrée littéraire
Dossier de la rentrée littéraire automne 2018 de Livres Hebdos
Romans Français
Bibliographie établie par Marie-Claire Vierling, avec Electre.com
381 nouvelles et romans français publiés d’août à octobre 2018, dont 94 premiers romans, dont 88 présentés en encadrés.
Le Petit Carré Jaune
« Ce roman de Nathalie Yot ne passera pas inaperçu à la rentrée. Il vous obligera à marcher vers le Nord du Monde, à contempler les failles béantes, l’amour sans nom, à fuir toujours plus haut jusqu’à cette ligne, la ligne d’un cercle polaire où le soleil ne se couche jamais, cette ligne où l’on atteint les limites, le point de rupture, le point où tout peut changer. La fragilité des failles, le gouffre des fjords, l’aridité sublime d’une nature qui oblige à crier, expulser. L’amour maternel comme une implosion, une explosion.
Putain de bouquin. Putain de 1er roman. La vache. Promis on en reparlera. Laissez moi juste le temps de comprendre le séisme qui vient de se produire, de ce que je viens de lire. »
Sabine Faulmeyer, blogueuse du Petit Carré Jaune (lien)