Librairie Esperluette (Lyon)
Mauvaises méthodes pour bonnes lecture
D’Eduardo Berti
Illustrations d’Etienne Lécroart
Editions de La Contre Allée
« Ouvrez un roman et lisez seulement les pages impaires, comme si les paires étaient vides. A la fin de cette lecture, ne lisez que les pages paires. Comparez les deux romans. »
Membre de l’Oulipo, Edouardo Berti nous livre ici 135 façons de lire, écrire, ranger sa bibliothèque, échanger avec des amis autour de nos lectures, prendre plaisir et (re)découvrir chaque livre qui croisera notre route.
Un texte peut se lire et se relire autant de fois qu’on le souhaite et à chaque fois nous y donnerons une signification un peu différente. Si nous suivons les propositions d’Edouardo Berti, nous découvrirons encore d’autres sens cachés. C’est que ses méthodes de lecture sont pour le moins insolites, en voici deux exemples : utiliser des dés pour savoir quelles pages lire ou ne pas lire (58.), lire un poème tel un saumon qui remonte la rivière – c’est-à-dire en commençant par le dernier vers (60.).
Parce qu’une œuvre prend de l’épaisseur par les liens que nous faisons avec d’autres ouvrages, il nous invite également à aller au-delà, allant jusqu’à mêler des textes en lisant par exemple un premier roman jusqu’à la page 130 et en terminant l’histoire par un autre roman lu à partir de la page 131 (1.). Puisque les livres dialoguent entre eux (mais pour cela il ne faut pas les enfermer dans des boites, comme nous l’explique livre arménie), nous pouvons prendre les répliques du roman A et y répondre à l’aide des répliques du roman B (84.). Il est aussi essentiel de réfléchir à leur disposition dans notre bibliothèque comme dans d’une bibliothèque l’autre. Que se passe-t-il si en plus de l’ordre alphabétique des auteurs, nous y ajoutons la chronologie historique (5.) ? Quels voisinages crée-t-on ? Plusieurs organisations nous sont également soufflées, comme suivre un « ordre qui ne peut pas être déduit à l’œil nu » : à partir l’année de publication, le nombre de pages, le nombre de fois qu’un mot apparait (23.)… Les combinaisons sont infinies.
Le plaisir de lire, c’est aussi un plaisir qui peut se partager entre amis. Et là, quoi de mieux que d’organiser de petits jeux, comme celui-ci : « choisissez un roman, un livre de poésie et un essai » et tenter de deviner qui lit quoi simplement en les observant (27.)
Enfin, entre deux lectures, Eduardo Berti nous encourage aussi à écrire. On retrouve alors des consignes très oulipiennes : utiliser un dictionnaire des synonymes pour modifier tous les noms, adjectifs et adverbes (68.), écrire une lettre d’amour ou de rupture en employant des phrases prises dans le livre que nous lisons (34.), enrichir un haïku de mots pris dans un poème plus long jusqu’à ce que les deux poèmes aient autant de mots (50.)… Les autres sont à découvrir en lisant le livre…
Chaque petit chapitre peut se lire seul, mais, tel un paquet de gourmandises aux multiples saveurs (drôle, poétique, studieuse, émouvante ou complètement loufoque), on préfère en lire plusieurs à la suite, dans l’ordre ou le désordre, et il y a fort à penser qu’on y replongera très rapidement, à peine la première poignée avalée.
« Placez-vous toujours à côté ou derrière quelqu’un qui est en train de lire un livre, un journal ou même une tablette. Cherchez des échos ou des continuités entre les « lectures volées ».