Anne Klessel, pour Le matricule des anges
N° 245, juillet-août 2023
N° 245, juillet-août 2023
ARGENTINE
Né en 1964 à Buenos Aires, Eduardo Berti a très jeune été journaliste, dans la presse écrite et pour la radio. Il est romancier et traducteur. Il est membre de l’Oulipo depuis 2014. Il réside en France.
Mauvaises méthodes pour bonnes lectures
2023
Eduardo Berti aime partager, c’est bien connu. Et il aime partager ses jeux divers, d’inspiration oulipienne, de facture bertienne.
Si l’on suit ces mauvaises méthodes, on part d’un texte, écrit ou à écrire, et on applique les instructions, un peu à la manière de celles de son compatriote Julio Cortázar, réservées ici à la création littéraire. Par exemple intégrer quelques phrases pillées dans un roman qu’on est en train de lire à une lettre (d’amour ou de rupture) qu’on est en train de rédiger. Ou bien souligner dans un roman vieux de trente ou cinquante ans les éléments typiques de l’époque et qui ont disparu depuis de notre environnement. On peut aussi résumer en style télégraphique un roman fleuve.
Ces conseils, modes d’emploi ou instruction peuvent être suivis au pied de la lettre, du n°1 au n°135, mais on peut, comme pour Rayela / Marelle, du même Julio Cortázar, passer arbitrairement (ou mathématiquement, par séries ou suites), du 5 au 18, puis au 13, et ainsi de suite. Bref, le lecteur (le bon lecteur, puisque le titre impose une vision très morale) est aussi libre que l’auteur de prendre le livre comme il lui plaira. Et il lui plaira, sûrement, ce petit bijou d’humour raffiné et absurde.
Avertissement tout de même au lecteur crédule, le résultat peut être parfois un véritable massacre littéraire, si l’on se met à découper arbitrairement la trame d’un chef d’œuvre reconnu pour le recomposer en fonction de la règle choisie, le malheureux naïf pourrait être poursuivi pour crime de lèse-belles-lettres.
Ce petit manuel présente d’ailleurs un autre intérêt : il peut nous aider à classer notre bibliothèque. On peut le faire en rangeant les ouvrages en fonction de leur odeur propre, ou bien, l’ordre alphabétique étant d’une banalité attristante, en adoptant l’ordre chronologique (ou anti-chronologique) de leur publication, ou en regroupant les auteurs complètement fous ou seulement affligés d’un léger grain dans un lieu à part, une sorte d’asile pour créateurs psychopathes.
Quelques planches dessinées par Étienne Lécroart servent judicieusement (et humoristiquement) de modes d’emploi aux textes correspondants.
Les trouvailles paraissent inépuisables, infinies. Certaines sont follement farfelues, mais d’autres sont applicables. Lâchez-vous, lecteurs, bons, moyens ou pitoyables ! Un dernier conseil (si le maître du jeu me l’autorise) : pourquoi ne ferait-il pas subir une partie des suggestions aux romans d’Eduardo Berti ? Et pourquoi ne lui enverrait-il pas le résultat de ses expériences ?
Mauvaises méthodes pour bonnes lectures, éd. la Contre-Allée, 160 p., 8,50 €, illustrations de Étienne Lécroart.
Mauvaises méthodes pour bonnes lectures – Eduardo Berti illustré par Étienne Lécroart : une invitation gourmande à considérer chaque livre comme un terrain de jeu infini, un livre à poser sur sa table de chevet et à picorer page après page sans bouder ni son plaisir ni son sourire.
Pas de scène, dans cette chronique, et pourtant…
Eduardo Berti est né en Argentine en 1964. C’est un écrivain de langue espagnole, mais aussi de langue française. Depuis 2014, il est membre de l’Oulipo. Ouvroir de Littérature Potentielle, fondé en 1960 par Raymond Queneau et François Le Lionnais, les membres de l’Oulipo font avancer le monde en inventant des contraintes. Un Oulipien, c’est un rat qui construit lui même le labyrinthe dont il se propose de sortir. Un labyrinthe de mots, de sons, de paragraphes, de chapitres, de livres…
Si vous voulez découvrir l’Oulipo, venez assister à la lecture mensuelle donnée par ses membres, c’est à la BNF, un mardi par mois, de 19h00 à 20h00. Une lecture, sur une scène, c’est déjà un peu du théâtre.
Il parait que nous vivons comme nous lisons, et nous lisons comme nous vivons; donc nous ferions mieux d’apprendre à lire d’autre manières. Eduardo Berti nous propose 135 façons de lire d’une nouvelle manière. Certaines se pratiquent en solitaire, d’autres se pratiquent de façon collégiales. Toutes vous invitent à prendre un livre, parfois plusieurs, et à le lire d’une façon décalée pour jouer avec.
Ce n’est pas un livre qui se lit d’un bout à l’autre, c’est un livre qui se pose sur un coin de table, qu’on déguste au hasard des pages. On l’ouvre, on lit une page. On imagine le résultat. Parfois déconcertant, parfois poétique. Parfois touchant. Il y a des idées qui se réalisent dans l’instant, d’autres qui sont le projet d’une vie. Certaines vous feront sourire, d’autres vous donneront l’envie irrésistible de les mettre en œuvre, de les mettre en scène.
Quelques exemples ? Je laisse la parole à Eduardo Berti :
D’autres encore se prêtent aux jeu de groupe. Tiens, par exemple : Lisez un livre sans trop d’importance, ni célèbre ni très valorisé, comme s’il était le seul de l’histoire de l’humanité ou, pourquoi pas, le seul d’une autre civilisation un peu semblable à la notre. Évaluez cette civilisation à partir de ce livre. Une invitation à prendre un livre court, de ceux qu’on trouve dans les collections à 2€, à l’envoyer à cinq de ses amis, et à se retrouver, une journée d’été, chacun ayant lu le livre, pour se livrer à l’exercice.
Mauvaises méthodes pour bonnes lectures est une invitation à lire autrement, à considérer chaque livre comme un terrain de jeu infini. Un livre qu’on pose sur sa table de chevet, et qu’on picore sans bouder ni son plaisir ni son sourire.
Un livre gourmand, comme une boite de votre friandise préférée, celle dont vous vous promettez, à l’ouverture de la boite, de n’en prendre qu’une ou deux, et qui se retrouve inexplicablement vide…
Mauvaises méthodes pour bonnes lectures – Eduardo Berti – illustrations Étienne Lécroart
Collection La Sente – Éditions La Contre Allée
ISBN : 9782376650898 – 135 pages – 8,50 €
Cette chronique a été publiée pour la première fois sur http://www.jenaiquunevie.com
Comment devenir un·e bon·ne lecteur·ice ? Dans cette méthode de lecture insolite et décalée, Eduardo Berti propose 135 exercices pour lire d’une nouvelle façon. Avec des instructions tour à tour, drôles, émouvantes, réconfortantes, sérieuses voire des plus hasardeuses, vous êtes invité·es à une grande leçon de désapprentissage littéraire au cours de laquelle vous serez amené·es à lire dans le mauvais ordre, à mélanger les histoires, à bousculer les classiques, ou encore à inventer des auteur·ices. Des expériences qu’il est possible de partager avec des proches, ou de réaliser individuellement, pour jouer avec les livres et, pourquoi pas, chercher des liens là où ils ne semblent pas exister. Huit dessins originaux d’Etienne Lécroart viennent illustrer autant de méthodes.
POSTÉ LE PAR WEB-LATINOS
03
Mai
Photo : éditions La Contre Allée
Comment devenir un.e bon.ne lecteur·ice ? Dans cette méthode de lecture insolite et décalée, petit Ouvroir de Lectures Potentielles, l’écrivain argentin Eduardo Berti propose 135 exercices pour lire d’une nouvelle façon. Avec des instructions tour à tour drôles, émouvantes, réconfortantes, sérieuses, voire des plus hasardeuses, vous êtes invité·es à une grande leçon de désapprentissage littéraire au cours de laquelle vous serez amené·es à lire dans le mauvais ordre, à mélanger les histoires, à bousculer les classiques, ou encore à inventer des auteur·ices. Huit illustrations originales d’Étienne Lécroart accompagnent autant de méthodes.
« Toute lecture est créative : chaque lecteur imagine une voix particulière pour le maigre Don Quichotte, un visage différent pour Madame Bovary, un aspect monstrueusement distinct pour la métamorphose de Grégoire Samsa. Cela ne veut pas dire, toutefois, qu’il n’y a pas de lectures plus créatives ou plus singulières que d’autres. » explique l’auteur autour de ces ateliers.
Apprendre à lire autrement serait une façon d’apprendre à habiter le monde autrement, en élargissant nos rapports avec tout ce qui nous entoure. « Si la lecture peut être une fête, pourquoi la limiter à un ensemble de règles identiques ou de protocoles prévisibles ? »
D’après l’éditeur
Mauvaises méthodes pour bonnes lectures de Eduardo Berti, Éditions La contre allée, 5 mai 2023. 160 p. 8.50 euros.