L’élégance des livres par Evlyne-Leraut
Danser
d’un seul mouvement du début à la fin de sa vie.
Danser ou mourir.
Perrine Le Querrec dévoile une chorégraphie poignante, irrésistible et désespérée.
Un hymne Nijinski tout en prodigalité.
On ressent une plume vitale, magnétique, charnelle.
Une dédicace Nijinski.
Cet homme Phénix, un poème vivant, torturé et tragique.
L’autrice est dans l’immensité rédemptrice. Des heures infinies de recherches, pour rassembler l’épars. Redonner vie à Nijinski. L’écriture n’est plus. Ce livre sait tout de l’amour, d’un langage corporel qui nomme le plus beau pas de danse. Le corps d’un danseur-cygne, les gestuelles enivrées d’épreuves et de douleurs.
L’incarnation où s’entrechoquent une autrice contemporaine, lucide et passionnée. Des heures pleines à chercher le beau passage de la lumière Nijinski, danseur céleste, une larme exigeante et translucide.
Les entrelacs fusionnent avec cet illustre danseur Vatza, qui vivait la danse depuis tout petit avant même de savoir marcher.
« Mais donnez-lui un plancher. Le lieu de la danse. Donnez-lui un espace »
Nijinski qui danse la création, ce qu’il sait des explorations intimes, des quêtes sourdes. Un homme épris des regards, les plus beaux et terribles, ceux des hommes.
Une petite fille qu’il aimera de toutes ses forces. Homme vulnérable, de feu, dans cette gloire où la célébrité deviendra le confinement de sa maladie mentale.
« Le 29 mai 1912, première de « L’Après-midi d’un faune », au théâtre du Châtelet. »
« Le pas assez. Le jamais. Être la danse même. Le plancher la musique le décor constituent le corps- sa danse. »
Danse unique, voluptueuse, théologale, Nijinski exulte, élance son corps dans l’infini des impulsions créatrices.
Le paysage des séductions. Nijinski emprisonné dans ses limites intérieures, se courbe, tombe et se relève pas. Il devient brouillard et neige, égaré dans sa schizophrénie.
« Soudain Nijinski » d’ombre et de lumière. Œuvre aux nombreuses ramifications. Une biographie, des notes, des articles de presse, les traductions de Vaslav qui, dans un extrait de ses cahiers dit : « Je suis l’homme de Dieu. Je suis arrivé à la conclusion. Je suis un homme d’amour égal. Je suis Nijinski. »
Lui, d’une clinique psychiatrique à une autre, enfermé entre le monde et lui-même. Nulle résurrection. Il ne voit plus personne. Ermite dans sa folie et ses détresses.
La langue toute d’acuité de Perrine Le Querrec est l’aura de cet homme qui s’élançait, face aux cieux. Il touchait de ses virtuosités, la grandeur et la juste beauté.
Ce livre est un hommage. L’ultime promesse d’une grande poète pour Nijinski. Un pacte initiatique.
Lui, la chute d’Icare, le rêve d’un mythe, aux ailes brisées.
« Soleil dans le dos. Le final du plus grand danseur du monde. Soudain, Nijinski. »
« Un danseur soudain contraint à l’immobilité. »
À noter une magnifique couverture illustrée par Renaud Buénerd, gracieuse et aérienne.